Standard Operating Procedure : les secrets du tournage

Les termes "Standard Operating Procedure" (abrégé : SOP) sont à la base utilisés dans une large variété de domaines : médical, militaire, scolaire, industrie...Une "Standard Operating Procedure" sont une série d'instructions ayant force de directives, visant à maximiser / rationaliser les chances de succès d'une opération, tout en minimisant au maximum les risques d'échecs et de pertes. Dans la terminologie militaire, une "Standard Operating Procedure" constitue en une série de procédures / directives militaires, déclenchées en fonction d'un événement donné; le plus souvent une situation exceptionnelle. Le terme de "Standard" induit régulièrement en erreur. Il ne s'agit pas justement de procédures "standardisées". Par ailleurs, cette procédure ne semble pas s'appliquer sur une large échelle telle qu'un corps d'armée entier par exemple, mais s'applique davantage aux unités militaires plus petites comme un bataillon ou une compagnie. La procédure, coercitive ou non, dure aussi longtemps qu'elle n'a pas été levée. Par ailleurs, elle fait souvent office de guide et de ligne directrice, lorsque la doctrine officielle fait défaut. Agir à l'encontre d'une SOP est une faute gravissime, passible de très lourdes sanctions.

Au cours de ses deux annéées d'investigation, Errol Morris a amassé une collection inédite de plus de 1000 photos en rapport avec les événements d'Abu Ghraib; la majeure partie n'ayant même pas été dévoilée à la Presse. Pour des raisons évidentes, seules une petite partie sont montrées dans le film. Une autre partie sont dans le livre que le cinéaste a écrit avec Philip Gourevitch, "Standard Operating Procedure", sorti aux Etats-Unis en 2008 aux éditions Penguin Press.

C'est Robert Richardson qui signe la photographie du film. Un artiste reconnu qui a déjà reçu deux Oscars pour son travail exemplaire : le premier en 1992 pour JFK d'Oliver Stone; le second en 2004 pour Aviator de Martin Scorsese. Robert Richardson est en outre le directeur de la photographie fétiche d'Oliver Stone. On lui doit celle de Platoon, Salvador, Né un 4 juillet, ou encore Tueurs nés.

"Une photographie peut-elle changer le monde ? Celles qui ont été prises par des soldats dans la prison d'Abu Ghraib ont au moins changé le cours de la guerre en Iraq et l'image des Etats-Unis. Il reste néanmoins un mystère : ces photos tristement célèbres témoignent-elles d'abus systématiques perpétrés par les forces américaines, ou simplement des excès de quelques soldats isolés ? Nous avons étudié ces photos dans les moindres détails pour savoir où elles ont été prises et ce qui se passait au-delà du cadre. Nous avons aussi parlé avec les soldats qui ont photographié ou posé sur ces photos. Nous avons cherché à savoir qui ils étaient et à quoi ils pensaient en pareilles circonstances. En deux ans d'enquête, nous avons retranscrit plusieurs milliers de pages d'interviews et de témoignages, et amassé des centaines de photos. Même si l'histoire d'Abu Ghraib reste moralement très difficile à comprendre, nous savons maintenant ce qui s'est passé dans les murs de cette prison. Les photos ont à la fois dévoilé et étouffé ce scandale. Elles l'ont révélé en nous montrant les horreurs d'Abu Ghraib, et l'ont étouffé en faisant croire aux journalistes et aux lecteurs qu'ils avaient tout vu et qu'il n'y avait pas besoin d'enquêter plus loin. [...] Quatre ans après le scandale, la seule question qui vaille encore la peine d'être posée est de savoir comment l'Amérique a pu à ce point compromettre ses valeurs en rendant possible ce qui s'est déroulé à Abu Ghraib, et en tentant ensuite d'étouffer les faits".

Errol Morris utilise des méthodes assez atypiques pour réaliser ses documentaires, en n'hésitant pas à recourir parfois à une certaine dramatisation et / ou mise en scène, ce que ses détracteurs ne manquent d'ailleurs pas de lui reprocher. Historien de formation, il a également un temps travaillé comme...détective. Rompu aux méthodes d'investigations et d'interrogatoire, il s'en est servi pour le tournage du Dossier Adams : il réussit à convaincre le vrai criminel de faire libérer le faux coupable, passible de la peine de mort pour le meurtre d'un policier. Une méthode d'investigation qu'il ne manque pas d'utiliser pour Standard Operating Procedure.

Standard Operating Procedure est le premier documentaire à avoir été nominé pour l'ours d'or au Festival de Berlin en 2008. Le film d'Errol Morris est néanmoins reparti avec l'ours d'argent du Grand Prix du Jury.

L'équipe du film a passé plus d'une année à tenter de retrouver les détenus irakiens qui étaient sur les photos infâmantes; mais sans succès. "Nous avons passé plus d'un an à chercher Gilligan, l'homme cagoulé qui est debout" raconte Errol Morris; "mais nous n'avons rien trouvé sur lui dans les archives de l'armée et personne en Irak ne sait où il se trouve. Nous ne savons même pas s'il est encore vivant".