Non, ce n'est pas un film "arty" en noir et blanc, c'est une fiction tournée dans le pays des mollahs, un pays où toutes les femmes sont en tchador sombre (recouvrant le foulard islamique !), depuis le passage à l'ère néo-médiévale pour elles, en 1979.
Non, ce n'est pas un film de guerre, et pourtant on entend en permanence des crépitements : pétards en fait (et quelques tirs de carabine - en l'air, ou sur les oiseaux !), en attendant les feux d'artifice et de Bengale du soir, et les brasiers improvisés dans tous les coins de la capitale. C'est "La Fête du feu", le dernier mercredi de l'année selon le calendrier iranien - la veille du Jour de l'An local - que l'on célèbre dans les rues. Une tradition zoroastrienne, d'avant la barbarie chiite.
Troisième en date de ces psychodrames dont Asghar Fahradi s'est fait une spécialité, à décor unique (la ville de Téhéran ici) et temps mesuré (un jour, une nuit). La jeune et pauvre Rouhi, qui va se marier (avec l'homme qu'elle aime et a su imposer à son père - chose rare dans un pays où la règle reste le mariage arrangé !), est envoyée pour finir le grand ménage de rigueur avant le nouvel an chez un couple aisé, Morteza, un publicitaire, et sa femme Mojdeh. Une sonnette qui ne marche pas, une jolie voisine de palier divorcée (qui n'a pas la garde de sa fille) et coiffeuse à domicile, au parfum entêtant, et la jalousie maladive de Mojdeh, vont créer, et attiser, une (bruyante) confusion des sentiments, dont Rouhi va d'abord être le témoin sidéré, puis le deus ex machina, selon une dramaturgie à double détente.
Ces "Scènes de la vie conjugale" sont banales somme toute, avec, comme partout, portes qui claquent, cris (et même coups), enfants otages des parents qui se déchirent (ici, Ali-Amir, 7 ans), proches mis à contribution et sommés de prendre parti. Leur principal attrait est le "back ground" ethnographique dans lequel elles s'inscrivent, soulignant plus cruellement encore leur universalité.
Taraneh Allidousti (qui a le rôle principal dans "Les Enfants de Belle Ville" - pour moi le meilleur film de Fahradi) est excellente en Rouhi, âme simple découvrant en accéléré les noirceurs du monde, et les roueries qui font le "lien social". Le meilleur atout du film.