Le succès d'Une séparation a permis la ressortie de La fête du feu, troisième film de Farhadi, tourné avant A propos d'Elly. Il y a plus que des similitudes entre Une séparation et La fête du feu et, notamment, une manipulation éhontée du spectateur, mais jouissive (comme chez Hitchcock), auquel on cache des choses tout le long du film, pour mieux le surprendre. Le thème est celui de la jalousie d'une épouse et donc, de l'adultère, traité à l'iranienne -de nombreuses scènes ne pourraient se concevoir en occident- et cependant d'une portée universelle. Certains évoquent un vaudeville, et c'en est un en effet, mais réalisé avec une telle intensité dramatique que cela devient une quasi tragédie, et en tous cas un thriller sentimental, d'une densité émotionnelle équivalente à celle d'Une séparation. La mise en scène, si elle se fait apparemment discrète, est fabuleuse : pas un plan qui ne soit réalisé au hasard, comme si Farhadi avait, à la manière de Kurosawa autrefois, dessiné tout le storyboard avec l'emplacement des caméras. On n'est pas loin du théâtre filmé, cependant, l'action se confinant souvent entre quatre murs, ce qui donne cet aspect asphyxiant au film, mais le cinéaste s'en échappe par la variété de ses focales et un art du dialogue qui crépite, proche, et l'on revient au vaudeville, à ce qu'un Lubitsch ou un Wilder savaient faire. Autre idée de génie : faire observer l'affrontement de ce couple à travers les yeux d'une étrangère, une femme de ménage, presque là par accident, mais il n'y en a pas chez Farhadi, et qui symbolise le regard du spectateur, elle qui va être la seule à pouvoir rassembler toutes les pièces du puzzle. Dernière chose : La fête du feu se situe en fin d'année, à un moment où les iraniens se défoulent en faisant éclater des pétards un peu partout à Téhéran. Il y a une longue scène, vers la fin, presque muette, où la voiture du mari, qui raccompagne la femme de ménage qui vient de découvrir la vérité, traverse des rues encombrées de fêtards et illuminées par des feux de joie. La fête du feu est un film étouffant, passionnant et incroyablement retors. Personnellement, j'adore ça.