Avec Cléo de 5 à 7, Agnès Varda signe une cartographie en noir et blanc de la ville-lumière. De 17h à 18h30, les rues de Paris deviennent alors le lieu de tous les possibles pour Cléo. Tiraillée entre de belles rencontres (un pianiste, un projectionniste, un modèle, un soldat) et sa peur d'un possible cancer, Cléo flâne et digresse au coeur de cette carte-postale parisienne qui parcourt des artères emblématiques de la capitale : la rue de Rivoli, la rue de Huyghens, le cinéma rue Delambre, le boulevard Edgard Quinet, le parc Montsouris ou encore l'hôpital Pitié-Salpêtrière.
La photographie du film est assez singulière puisque la scène d'ouverture laisse penser à un film en couleur, mais le reste du film est entièrement en noir et blanc. En effet, la première scène se déroule dans le cabinet d'une voyante chez qui Cléo se rend pour lire les cartes de tarot, alors filmées dans leurs couleurs originales. Les scènes qui suivent, des visages des personnages aux paysages parisiens, arborent un noir et blanc qui fait écho à la Nouvelle Vague, genre cinématographique dont Agnès Varda fut l'une des rares réalisatrices.
Le compositeur Michel Legrand signe la bande originale de Cléo de 5 à 7 et joue également un des personnages du film. Il est Bob, un pianiste extravagant qui enchantera la jeune femme, alors perdue dans ses pensées.
C'est seulement le deuxième long-métrage d'Agnès Varda, et la réalisatrice se voit déjà propulser sur les marches du Festival de Cannes : "J'étais venue 3 jours en 1955 présenter La Pointe Courte à 40 personnes au cinéma Vox mais je ne connaissais rien, ni personne du milieu du cinéma." En 1962, Cléo de 5 à 7 est en sélection officielle. Cinquante ans plus tard, la version restaurée du film est également présentée en sélection officielle à Cannes Classics.
A l'intérieur du long-métrage, Agnès Varda y a dissimulé une autre de ses réalisations : Les Fiancés du pont MacDonald. Dans ce court-métrage muet et burlesque, une ribambelle d'acteurs défilent derrière la caméra de la réalisatrice : Jean-Luc Godard, Sami Frey, Anna Karina ou encore Yves Robert. Agnès Varda déclare avoir voulu alléger le film et relâcher la tension inscrite dans le personnage de Cléo. Ce mini-film est également l'occasion pour Varda de filmer les yeux de Godard, alors habitué à porter des lunettes noires à cette époque : "Et on était amis, il a accepté de tourner cette petite histoire de lunettes où il est obligé de les enlever et ainsi on voit ses beaux yeux, ces grands yeux à la Buster Keaton."
En 1962, Michelangelo Antonioni émet une critique élogieuse au sujet du film d'Agnès Varda : "C’est un film beau parce que sincère. C’est un film grand, qualité rare dans le cinéma aujourd’hui." L'écrivaine Françoise Sagan soulignera également les qualités du long-métrage : "Agnès Varda a choisi un sujet merveilleux et féroce, qu’elle a traité avec une maîtrise qui devient tout à fait envoûtante."
Au début des années 80, Madonna envisage de tourner un remake de Cléo de 5 à 7, qu'elle a adoré, peut-être car le personnage de Cléo est chanteuse. Elle propose alors à Agnès Varda d'en écrire le scénario, tandis qu'elle filmerait cette nouvelle version. Mais Agnès Varda refuse de se confronter au système hollywoodien et le projet est abandonné, surtout qu'entre-temps la mère de Madonna meurt d'un cancer, maladie qui tourmente Cléo tout au long du film.