Noir
Je me rappelle encore m’être dit alors, à la sortie de la séance ciné, qu’on vivait un petit moment extrême. Et c’était parfaitement vrai. C’est un peu à l’image de la production du film. C’est Gibson qui apporte la maille via Icon Productions et il embauche Helgeland pour ce qui est sa première réalisation mais son dixième scénario. Entre tout ce monde-là, ça matche pas et Helgeland est renvoyé en court de tournage. Le scénario est réécrit et un tiers du film est retourné par l’équipe technique. Dans ce genre de cas, ça sent le fiasco. Et pourtant.
On suit Porter, gangster un peu tête brûlée et surtout survivant à son propre meurtre. Son seul et unique objectif sera de retrouver la thune qu’on lui a chourée et éventuellement se farcir le traître voire le monde entier s’il le faut.
A l’ancienne, ça commence par une alternance entre flash-back et images du temps présent. A l’ancienne encore, la voix off de Porter explique le déroulé des évènements. A l’ancienne toujours, les méchants son patibulaires et le héros n’a pas grand-chose du gentil garçon. Le doute n’est pas permis, nous sommes dans un film noir … à l’ancienne. L’idée est poussée jusqu’à la lumière qui transforme cette ville de Chicago en magma de grisaille voire en un élégant noir et blanc dont on a atténué les contrastes. Tout ça, c’est la grande réussite du film. C’est d’autant plus réjouissant qu’on y croit et que le récit colle à la perfection avec cette ambiance néo-noire. L’humour est accrocheur et apporte une touche de cynisme à l’ensemble. Le suspens fonctionne merveilleusement bien. Gibson est toujours aussi convaincant dans ce rôle de va-t-en-guerre solitaire. On notera d’ailleurs à quel point il y a toujours quelque chose de masochiste dans les rôles qu’il incarne. Ici, les séances de tortures sont légion et elles se passent dans une ambiance de souffrance joyeuse, expiatoire presque. Le reste du casting est au diapason, à commencer par Gregg Henry et la piquante Lucy Liu.
En bref, peut-être que ça a vieilli. Ou peut-être que c’était déjà vieux. Ou alors c’est juste une pièce d’héritage classique. Reste que ça fait grand bien, dans une époque marquée par le coup de polish généralisé de toute la production américaine, de voir un film qui, assez simplement, va chercher un peu de surenchère et qui ose le « rated R ». En somme, voici un petit plaisir simple et sincère d’un autre temps, fortement conseillé. A noter qu’il existe une version très alternative à celle sortie au ciné. Celle-ci, baptisée « Payback Straight Up », est la version voulue par Helgeland. Elle serait plus longue et plus sombre … c’est dire … A tenter ?