Voilà un film français qui dépote totalement de tout le reste de notre production cinématographique nationale habituelle (et c’est certainement l’une des raisons qui font qu’il ne soit sorti qu’en DTV) et ce, rien que sur son postulat de base : créé par un webmaster mystérieux, « 8th Wonderland » est un site internet sur lequel est rassemblée une gigantesque communauté d’internautes avec pour seul but d’améliorer les choses de la vie quotidienne, formant ainsi une sorte de pays virtuel dans lequel n’importe qui peut proposer une motion, laquelle sera proposée à tous les membres du sites en référendum pour savoir si elle sera appliquée ou non…Et oui, pour une fois, le monde du virtuel n’est pas abordée directement pour en dénoncer les menaces et les dérives (surveillance généralisée, addictions fatales, déshumanisation des rapports sociaux…), au contraire "8th Wonderland" commence en nous proposant une vision utopiste d’Internet : de vrais citoyens s’unissaient pour essayer changer le monde par leurs propres moyens depuis leurs écrans et claviers en organisant des votes non influencés : et s’il était possible de créer un véritable cyber-état démocratique où l’humain passe avant tout autre intérêt ? L’idée est d’autant plus sympathique à l’écran que nous assistons à une représentation très bien faite du chat du site et que les actions des « habitants » de 8th Wonderland ne sont pas dénuées d’humour : installation au Vatican de plusieurs distributeurs de préservatifs goût hostie, enlèvement de stars du foot pour les obliger à coudre des baskets plus de 10 heures par jour dans une usine asiatique, des émissions TV débiles accusées de « Crime contre l’Humanité »… Cela amuse et ne peux que nous faire penser aux actions du groupe de Tyler Durden dans le film culte de David Fincher : "Fight Club". Et, tout comme dans ce dernier, le groupe de « rebelles », devenant petit à petit bien plus influent que n’importe quelle institution ou entreprise de la planète, va malheureusement se laisser emporter par la prise de conscience de ce nouveau pouvoir, les poussant à agir différemment (comme l’impression de Bibles dites « de Darwin » illustrant l’évolution naturelle avec Dieu ) ou à utiliser des méthodes contre lesquelles ils se battent (le capotage du projet de coopération nucléaire entre deux nations). A partir de ce moment précis, le film dénonce alors la très mince limite entre le bon et le mauvais : sous ses airs naïfs de peuple insoumis voulant changer le monde sous couvert de lutte des gentils contre les méchants, les membres de 8th Wonderland finissent par se comporter comme de vulgaires terroristes, allant totalement à l’encontre de leur propre idéologie. Un débat intelligent est alors lancé : a-t-on le droit d’user d’actes atroces envers les humains pour sauver l’humanité elle-même ? Peut-on utiliser des actes terroristes pour servir une cause juste ? La volonté de certains, même basée sur de bonnes intentions, peut-elle être imposée aux autres ? Bref, le remède doit-il être autant voire pire que le mal qu’il est censé guérir ? Ce terrible dilemme est superbement illustré par l’incroyable et terrifiante scène du G8 ! Il n’y a pas que sur son thème principal que le film se démarque : avec une réalisation relativement sobre mais efficace et d’une très belle photographie, "8th Wonderland" se présente comme un film semblant être très bien maîtrisé techniquement, se permettant même d’insérer des références cinéphiles plutôt bienvenues : qu’il s’agisse du premier plan-séquences rappelant le travail de Brian De Palma, de l’usurpateur qui s’appelle John Mc Clane comme Bruce Willis dans les "Die Hard", des journaux télévisés et des publicités inspirés de ceux de "Robocop" et "Starship Troopers" de Paul Verhoeven, ou encore des membres de l'équipe du SWAT qui portent les mêmes noms que les marines de "Aliens" (Vasquez, Hicks, Hudson...), les amateurs du 7ème Art seront agréablement titillés. Même si le casting d’inconnus ne nous livre pas une prestation inoubliable (on a parfois l’impression qu’il récite par cœur leur texte en oubliant de donner vie à leur personnage), ce défaut n’est finalement pas (aussi paradoxal que cela puisse paraître) handicapant vis-à-vis du divertissement que procure le film.
Film méconnu mais original malgré le peu de budget dont il disposait, "8th Wonderland" est un OFNI français très intéressant et intelligent (mention spéciale pour la métaphore des humains par l’intermédiaire du documentaire sur le comportement des cafards : très subtil et réaliste !) possédant un certain humour ainsi qu’un excellent rythme qui parvient à nous maintenir en haleine du début à la fin. Un film à découvrir d’urgence pour tous ceux qui croit dur comme fer qu’on est capable en France de faire autre chose que des comédies ou des drames.