Le 1er janvier 1994, l'ALENA - l'accord de libre échange entre les Etats-Unis, le Canada, et le Mexique - entre en vigueur et achève de subordonner le destin des plus pauvres aux intérêts des firmes multinationales. L'EZLN - Armée Zapatiste de Libération Nationale - se créé alors au Chipas, l'une des régions les plus pauvres du Mexique, pour faire entendre la voix des oubliés du capitalisme globalisé. Constituée de paysans indiens, descendantsdes Mayas, cette armée réclame la terre pour ceux qui la travaillent, l'accès à l'éducation, à la santé, la démocratie, la dignité pour toutes et tous, le respect des populations et cultures indiennes ... L'insurrection zapatiste (nom qui vient du révolutionnaire mexicain Emiliano Zapata) est violemment réprimée par l'armée fédérale.
Après une mobilisation de la société civile en faveur de la paix et des insurgés, des pourparlers s'engagent entre les communautés pro-zapatistes et le gouvernement fédéral. Ils aboutissent en 1996 aux Accords de San Andres qui reconnaissent les droits des communautés indiennes à l'autonomie. Depuis, aucun des gouvernements mexicains successifs n'a mis en application ces accords, trahissant la parole donnée. Les communautés zapatistes, qui n'attendent plus rien d'un Etat corrompu, s'auto-organisent désormais pour l'accès à la terre, à l'eau, à l'éducation, à la santé dans des pratiques de résistance.
Tous les films présentés dans L'Oeil des zapatistes ont été mis en scène par des paysans indiens, dans le cadre d'un projet collectif visant à présenter le zapatisme par ceux-là même qui luttent. La plupart des réalisateurs n'avaient jamais eu accès à du matériel cinématographique. Pour réaliser leur projet, ils ont pu compter sur le soutien de l'association mexicaine Promedios, qui leur a fourni le matériel puis les a formé à son utilisation. Le projet profond de cette association est de veiller à ce que des médias plus puissants et disposants de plus de moyens ne déforme pas la réalité, desservant ainsi la cause zapatiste.
L'Oeil des zapatistes est un programme de cinq courts métrages que l'on pourrait séparer en deux parties.
Les deux premiers films évoquent l'auto-organisation collective des communautés : La Terre Sacrée présente les luttes du peuple maya pour récupérer les droits et les terres qui leur ont été ôtés alors que La Lutte pour l'eau montre l'organisation des communautés indiennes du Chipas qui ne bénéficient pas un accès direct à l'eau potable.
Les trois films suivants évoquent la rébellion et la résistance des zapatistes, ainsi que les formes multiples de répression du gouvernement : Viva la vita évoque le possession pacifique de la ville de San Cristobal en 2003, soit 9 ans après sa prise militaire par les zapatistes ; La Terre est à ceux qui la travaillent traite de la situation dans laquelle se trouve le village de Bolon Aja'aw après que le gouvernement fédéral ait vendu ses terres à des compagnies privées afin qu'elles y construisent des centres d'écotourisme ; enfin Un long train qui s'appelle l'autre campagne suit la traversée du Mexique par le sous délégué, "prêté" par les zapatistes, qui part à la rencontre de "ceux qui luttent".