Assez rare pour ce genre de documentaires, et au-delà de l'araignée évoquée ci-dessus, le film comporte deux autres séquences d'animation. La réalisatrice nous en explique la signification : "Je voulais apporter une façon différente de voir, qui permette au public de faire une pause pour penser." Alors qu'ils sont en permanence bombardés d'images d'actualités dont le sens est bien souvent dévoyé, Pascale Lamche souhaite offrir aux spectateurs une autre vision des images qu'ils pensent connaître. Si "toutes les deux représentent un « rêve » lié au culte du football qui se transforme en cauchemar", elle nous apprend que "la première évoque un désastre dans un stade dont la véritable histoire a été censurée pour des raisons politiques."
Issus d'une légende traditionelle, les contes d'Ananse se perpétuent à travers les générations par voie orale. L'un d'entre eux, qui parle d'une araignée méchante et maligne qui exploite ses voisins pour s'enrichir, a servi de référence à la réalisatrice Pascale Lamche pour illustrer son message. C'est sa métaphore, sous forme animée, qui accompagne de manière récurrente le fil du récit pour rappeler au public qu’il y a une autre façon de regarder.
A l'image de la ruse de l'araignée du conte, la réalisatrice a su faire preuve de malice pour interroger ces agents-gansters qui organisent l'exploitation des enfants. "Une fois que j'ai eu le bon contact pour accéder à eux, j'ai simplement utilisé leur narcissisme," explique-t-elle."Ils croyaient que je m'interessais à eux en tant qu'agents de bonne foi." Si elle n'a rien eu vraiment à craindre de ces gens, c'est également pour des raisons politiques et sociales qui laissent, malgré leur logique implacable, un sentiment amer: "Les autorités font mine de ne rien voir pour toutes sortes de raisons, dont la moins critiquable est l'idée fausse que certains se feront une vie meilleure". C'est de ce même raisonnement que découle inévitablement le soutien profond des familles aux trafiquants, "qui les considèrent comme une issue pour sortir de la misère"...
Utilisé à foison dans le langage sportif en général pour désigner un talent brut, on oublie un peu trop facilement que la face sombre qui accompagne la production des pierres précieuses, est tout à fait applicable au milieu du foot où le business à tout prix est devenu roi. C'est le message que veut faire passer la réalisatrice. "Métaphoriquement, ce que je souhaitais exprimer était que, sur le marché de la chair humaine, ceux qui exploitent les rêves (...), cherchent à vendre n’importe quoi", dénonce la documentariste. "Ces agents savent bien qu’ils ne peuvent vendre professionnellement qu’une infime partie de ces garçons, alors ils leur vendent un faux rêve pour une énorme somme. Plus la somme et le sacrifice qu’ils demandent à la famille sont élevés, plus elle y croit."
Au-delà d'un challenge sportif ô combien complexe, beaucoup de ces jeunes doivent en plus assumer une pression de l'entourage qui dépasse très largement leurs seules capacités sportives. Une fois pris dans cette spirale infernale, l'échec n'est pas admis et plutôt que de rentrer au pays une fois l'abus des agents véreux avéré, c'est la clandestinité qu'ils choisissent. Ainsi, selon plusieurs ONG, ils ne seraient pas moins de 7000 pour la plupart mineurs à vivre en dehors du système, dans des pays dont ils ne connaissent rien.