La première scène du film est directement inspirée de l'improbable et fascinante rencontre entre Luc Jacquet et un renard dans les montagnes de l'Ain, pays de son enfance. Il en garde un vif souvenir qui a nourri son film : " Je suis rentré dans une grande clairière entourée de sapins. Le renard ne m'avait pas vu, obnubilé par sa chasse. (...) J'ai eu l'envie irrépressible de l'approcher. (...) Il s'est retourné, m'a regardé avec une puissance qui m'a bouleversé et a filé. C'est la première scène du film. (...) un jour on tombe sur un renard et trente ans plus tard, on finit par en faire un film !"
Luc Jacquet a avant tout écrit un conte même si la source de ce film est une expérience personnelle. Aussi, il n'a pas souhaité restituer la nature réelle mais créer : " un paysage idéal en juxtaposant des petits bouts de nature issus de lieux souvent très éloignés les uns des autres."
Luc Jacquet s'est attaché à faire partager ses émotions et son émerveillement constant face à la nature en adoptant le point de vue de l'enfant et du renard : " J'ai beaucoup joué sur les rapports d'échelle. La nature perçue par les yeux d'un enfant ou d'un renard n'est plus la même. À leur niveau, les paysages changent de dimension, tout devient plus impressionnant, plus fantastique, et une simple cascade peut devenir grandiose. J'ai aussi essayé de garder des yeux émerveillés d'enfant devant la nature d'autrefois, peuplée d'ours, de lynx et de loups, comme elle existait il y a cent ou deux cents ans."
Tout en restant dans le registre animalier, après le succès de La Marche de l'empereur, Luc Jacquet a procédé différemment pour l'écriture du film Le Renard et l'enfant : " Avec les manchots, j'ai raconté une histoire déjà écrite par la nature. Avec Le Renard , j'ai écrit une histoire pour raconter la nature de mon enfance, et nous nous sommes donné les moyens de la mettre en image. (...) je savais que le tournage du Renard et l'enfant serait une combinaison de mise en scène et de captation : une partie sauvage pour refléter les comportements du renard et une partie mise en scène pour ce qui tournait autour de la petite fille. "
Le tournage s'est déroulé de deux manières, d'un côté une équipe à réaliser comme une sorte de documentaire, en récoltant des images d'observation : " Nous avons envoyé dans les Abruzzes une équipe de quatre personnes avec pour missions d'observer et de filmer, six mois durant, des renards sauvages dans leur environnement. L'idée, c'était d'établir une relation avec ces renards qui, n'étant plus chassés depuis plus de cent ans, sont les moins farouches d'Europe. Cette équipe observait des comportements susceptibles de servir de noeuds dramaturgiques dans le scénario que nous écrivions en parallèle. C'est eux, par exemple, qui ont découvert que les renards au printemps se régalent de crocus ; j'ai trouvé l'idée amusante et l'ai intégrée dans le film. Le travail de cette équipe a apporté une étonnante richesse d'images filmées au jour le jour (les saisons, les averses, le vent dans les arbres, les loups, les ours). " De l'autre, a eu lieu un tournage traditionnel de trente semaines, étalé sur les quatre saisons : " Nous nous sommes installés dans les montagnes de l'Ain. Le domaine de la Lavanche, bâtisse traditionnelle entourée d'une superbe nature nous a servi de plateau, et le tournage a débuté.".
Après des repérages menés en France et dans toute l'Europe, Luc Jacquet a fini par poser ses caméras en France, dans l'Ain et au coeur de l'Italie : " Le plateau du Retord, c'est le paysage que j'ai parcouru gamin ; je connais presque chaque mètre carré sur un rayon de vingt kilomètres. (...) Le deuxième lieu de tournage se trouve dans le parc national des Abruzzes. C'est un lieu étonnant, une des plus anciennes zones protégées d'Europe, dans laquelle se trouvent encore des loups, des ours et toute la grande faune européenne. "
Le décorateur Marc Thiébault (II) a du confectionner des décors artificiels qui devaient paraître aussi naturels que possible : " Au départ, ma mission consistait à réaliser les décors de la maison habitée par la petite fille, d'imaginer sa chambre, et aussi de créer les intérieurs des terriers du renard. Et puis, nous avons été amenés à dessiner l'extérieur des terriers et à les implanter dans la nature."
Luc Jacquet s'est entouré de personnes de divers horizons pour mettre en images ce conte : "certains venaient du documentaire, d'autres de la fiction traditionnelle, comme Gérard Simon, le directeur de la photographie, et d'autres encore, de cette spécialité française des documentaires animaliers pour le grand écran, comme mon assistant, Vincent Steiger qui parcourt le monde pour organiser des tournages tel que le Peuple Migrateur ou le Dernier Trappeur. Le pari était de marier différentes approches pour conjuguer la souplesse du documentaire avec l'extrême exigence de la fiction."
L'équipe du film a été mise à l'épreuve des caprices de la nature comme se souvient le directeur de la photographie, Gérard Simon : "Il nous a fallu cinq jours pour tourner le lever de soleil du générique. On revenait sur un même décor jusqu'à ce que la lumière nous convienne. C'est une chose que l'on a peu le loisir de faire en long métrage."
La patience est mise à rude épreuve lorsqu'il s'agit de tourner avec un renard en milieu naturel. Luc Jacquet a lui aussi usé de sa ruse et a multiplié les prises d'images : " Il n'y a pas un renard qui a tourné avec nous, mais plusieurs. Tous avaient des tempéraments différents et des personnalités particulières. Ils étaient soit des renards sauvages filmés par l'équipe en poste dans le parc des Abruzzes, soit des renards acteurs que Pascal Tréguy, le responsable animalier, avait dénichés."
Pascal Tréguy, le directeur animalier du film, s'est occupé des renards acteurs du film. Ce n'est pas le premier coup d'essai de ce passioné qui a déjà collaboré à de nombreux tournages, parmi lesquels nous retrouvons Hors de prix, Les Enfants du pays et Indigènes.
Luc Jacquet a préféré prendre pour actrice une petite fille et la voix narratrice d'une femme, Isabelle Carré, pour raconter son conte. Un choix qu'il explique : " je sentais que si l'histoire était racontée par une femme, on entrait dans un monde ou l'émotion, la douceur et la fibre maternelle prenaient une dimension qui contrebalançait le côté aventureux du récit. "
Travailler avec des animaux laisse la place à des surprises comme le confie le directeur de la photographie, Gérard Simon : " Nous avions prévu de tourner la scène où la petite tente d'apprivoiser son renard avec une cuisse de poulet, lorsqu'un renard sauvage est arrivé, et nous avons tourné la scène avec lui. La scène est somptueuse. "
La Fondation 30 Millions d'Amis a attribué au film Le Renard et l'enfant, son Visa certifiant qu'aucun animal n'a souffert lors du tournage du film. Afin de délivrer ce Visa, un vétérinaire a été mandaté par la Fondation 30 Millions d'Amis pour observer, lors du tournage, si le traitement de tous les animaux acteurs était conforme aux 36 points de la Charte établie par la Fondation.
Marie-Noëlle Baroni qui a travaillé avec le directeur animalier Pascal Tréguy, vit avec cinq ou six renards. Cette relation privilégiée entre elle et les animaux a permis de tourner avec Bertille Noël-Bruneau en toute sécurité. Tout a été entrepris pour que la petite fille se familiarise avec le renard : " Nous avons recueilli des renardeaux de quelques jours, rescapés d'une campagne de destruction, que nous avons élevés au biberon. Elle a partagé tout un tas de choses avec les animaux. " Marie-Noëlle Baroni ajoute : " Lorsque dans le scénario, j'ai lu que le renard était traqué par des loups, j'étais inquiète, mais on s'est comporté comme le cinéma sait le faire avec les acteurs. Quand le renard devait sauter un canyon, il y avait un filet, s'il s'échappait par une fenêtre, une plate-forme était aménagée juste en dessous. Il y a même un ou deux plans réalisés avec de faux renards. "
La directrice de casting Maguy Aimé, a du rencontrer 800 petites filles. Parmi elles, 150 ont passé des essais filmés. Bertille Noël-Bruneau s'est imposée grâce à une personnalité mystérieuse car elle ne se livre pas tout de suite. C'est ce qui a séduit Luc Jacquet lors de leur rencontre et elle est alors devenue une évidence pour porter ce conte.