Thierry Michel s'est penché à plusieurs reprises sur le Congo-Zaïre a travers ses documentaires. De Zaïre, le cycle du serpent à Mobutu, roi du Zaïre, le réalisateur belge s'était avant tout consacré à l'univers urbain du pays. Pour Congo River, il s'est au contraire interessé à l'intérieur des terres. Pour cela il a remonté le fleuve Congo, véritable colonne vertébrale du pays : "Le trajet était triple : un trajet géographique, un voyage historique, et un voyage initiatique, une quête des origines. Le fleuve, indomptable et majestueux, a cette dimension cosmologique, au-delà des hommes, des régimes, des époques, il est universel et intemporel. Il relativise la petitesse des hommes."
Congo River est sous-titré Au-delà des ténèbres, en référence au roman de Joseph Conrad "Au coeur des ténèbres", qui a notamment inspiré le film Apocalypse Now : "Je ne voulais pas que mon film se termine sur l'horreur comme chez Conrad, je voulais justement aller au-delà des ténèbres. Le film se termine par l'apaisement, d'abord avec ces chutes magnifiques, puis avec cette source purificatrice. Une source, ce n'est jamais qu'un filet d'eau qui démarre quelque part, c'est le point le plus éloigné en distance de l'embouchure. Mais c'est un endroit sacré, surtout pour les Congolais. Je voulais que, par la symbolique du fleuve et de l'eau, le film se termine par une renaissance, non seulement du Congo mais du continent africain, en ce début de millénaire. Toujours, j'ai voulu montrer la lumière au coeur des ténèbres."
"Le tournage a effectivement été long et difficile, explique le réalisateur. Long parce que c'est le fleuve qui est long : il fait 4371 kilomètres, et à sept endroits (rapides, chutes, cascades) il faut le contourner par les terres. Notre but pendant tout le voyage, était de partager les transports en commun : barges, baleinière, pirogues, alors même qu'on transportait une technologie de pointe, une caméra Haute Définition, des lampes HMI et toute la logistique. On avait un groupe électrogène et du carburant, tout notre matériel de camping... mais on se lavait dans l'eau du fleuve, on mangeait ses poissons, on partageait la vie de tout le monde.
La difficulté était qu'on tournait dans un pays en guerre, ou plutôt plusieurs pays puisque chaque rébellion a son territoire. La moitié du temps de tournage a passé dans ce qu'on appelle parfois "le protocole", c'est-à-dire les négociations avec les multiples autorités nationales, régionales, locales... Pour tourner la séquence avec les guerriers Maï Maï, il nous a fallu au directeur photo et à moi être intronisés dans le cercle, et subir l'initiation par le fer, le feu, l'eau et le sang.
Le chanteur congolais Lokua Kanza a spécialement composé des chansons pour illustrer le documentaire, passant ainsi son propre message d'espoir face aux drames de son pays.
Congo River a été projeté à la Berlinale en février 2006 dans le cadre du Forum.