Héros est le premier long métrage de Bruno Merle. Pour sa première réalisation, le jeune cinéaste a également écrit le scénario du film.
Le réalisateur Bruno Merle explique que la genèse de son film s'est fait en plusieurs étapes, la première étant la naissance de l'idée du film : "Je fonctionne toujours de la même manière, laissant les histoires se construire dans ma tête, presque malgré moi, sans rien poser sur le papier, s'alimentant naturellement de conversations avec ma coscénariste Emmanuelle Destremeau. Et puis un jour, le projet nous a semblé suffisamment mûr et nous nous sommes mis devant l'ordinateur et avons commencé l'écriture " La seconde étape fut celle de la première phase d'écriture, celle qui se situe "dans l'imagination brute, dégagée des contraintes de faisabilité." Une fois l'histoire écrite, Bruno Merle et Emmanuelle Destremeau ont rencontré l'équipe des Films du Requin. La phase de réécriture plus technique a pu commencer.
Bruno Merle affirme s'être confronté très tôt au système de financement des films en France et avoue que celui-ci a tendance à craindre la noirceur dans les films. Or, Héros est un film sombre. Le réalisateur précise donc " Pour moi, c'est un des sujets de Héros, un individu qui clame son droit à la tristesse, en cela ma démarche rejoint celle du personnage principal du film. C'est important aussi de filmer la douleur, de proposer au spectateur une représentation de sa propre souffrance, surtout dans une époque qui voue un culte exclusif au divertissement. "
Pour Bruno Merle, l'idée d'un huis-clos est venue très rapidement, "comme un défi". Le réalisateur explique "Je suis nourri de cinéma, et je ne voulais pas que ce huis-clos tombe dans le travers habituel et se transforme en pièce de théâtre filmée. Je voulais travailler la mise en scène, la narration, pour que ce soit un pur objet de cinéma. Cette espèce de déstructuration du récit qui fait le récit en lui-même, est venue de cette envie de cinéma."
Bruno Merle avoue avoir écrit le film sans réfléchir au casting, mais le premier acteur auquel il a pensé pour incarner principal est Michaël Youn. Pour le réalisateur, "il y avait une espèce de proximité évidente entre Michaël et le personnage de Pierre Fret. Peut-être d'ailleurs qu'il a trouvé une résonance en lui. Il a un vrai talent comique reconnu ; en même temps, il y a chez lui une faille qui saute aux yeux, une espèce d'hypersensibilité."
Pour Bruno Merle, Héros est un film sur un mec qui en a marre d'être drôle et qui préférerait être beau pour qu'on le prenne au sérieux. Pour Michaël Youn c'est extraordinaire de pouvoir résumer un film par son humanité plutôt que par son histoire !
Bruno Merle insiste sur le fait que Michaël Youn n'est pas du tout dans le contre-emploi, puisque le personnage qu'il incarne dans Héros est drôle, immature et sensible. C'est un comique qui en a assez de faire rire... Le réalisateur explique : "Michaël Youn est devenu l'incarnation de ce que j'avais imaginé, au-delà de tout ce que j'avais pu espérer, il m'a offert en plus un vrai plaisir de travail."
La première scène de Héros sert à faire le lien entre ce que le public connaît de Michaël Youn et là où le réalisateur veut amener le public. Bruno Merle explique "C'est ma manière de dire "vous venez voir Michaël Youn, je vous en donne cinq minutes, après c'est réglé on passe à autre chose". La première scène était écrite avant que Michaël ne donne son accord, elle aurait donc existé même si ça n'avait pas été lui qui avait tenu le rôle de Pierre, mais le fait que Michaël ait accepté de jouer le rôle tombe remarquablement bien. De toute façon, je voulais faire ce film avec quelqu'un qui ait un talent comique évidemment, mais aussi une dimension physique, corporelle et animale."
Quand Michaël Youn a lu le scénario que lui avait envoyé Bruno Merle il a tout de suite accepté d'incarner Pierre. L'acteur explique " C'était une histoire à laquelle j'avais envie de participer, je m'y retrouvais. On a tous des personnalités un peu plus complexes que les résumés que l'on fait de nous-mêmes. Il y avait des thèmes qui m'intéressaient : la dictature du rire, la société du spectacle, mais aussi le fait d'être crédible, d'avoir envie de plaire aux filles... Le film parle de tout ça. Je n'ai pas eu l'impression que ce serait un contre emploi ou un virage pour moi. Quand je joue Pierre, je fais exactement la même chose que dans les autres films, sauf qu'au lieu de susciter le rire, je suscite l'inquiétude. "
Lors du tournage d'Héros, le trublion Michaël Youn s'est rendu compte qu'il préférait jouer dans des films plus personnels que dans des comédies. " J'ai pris plus de plaisir à faire Héros qu'une comédie parce que l'approche est plus directe, plus simple, plus ressentie. Après certaines scènes, il nous arrivait de rigoler, alors que sur une comédie, souvent, on ne s'amuse pas parce que c'est terriblement mathématique, rythmique. J'ai découvert que ça m'intéresse de raconter ce genre d'histoire, et que par moments, j'ai envie d'aller vers des histoires plus intimes, plus personnelles. "
Pour Michaël Youn, " le travail de Bruno Merle est osé, violent et terriblement moderne. Bruno avait vraiment envie de déstabiliser le spectateur, de le mettre en déséquilibre, pour le pousser à la curiosité, à faire travailler son imagination. On peut pleurer, on peut sourire, rire, il y a des moments où l'on va trouver les choses ridicules et d'autres où on les trouve terriblement essentielles. C'est parfois poétique et surréaliste ! J'ai beaucoup aimé son univers. Bruno est quelqu'un de très riche. Il a beaucoup de choses à raconter. J'aime bien son approche du cinéma. "
Avant le tournage d'Héros, Michaël Youn et Patrick Chesnais ne s'étaient jamais rencontrés. Une fois le casting finalisé, Bruno Merle a fait en sorte que les deux acteurs ne se voient pas avant le début du tournage afin que leur première rencontre se fasse devant la caméra et que le film n'en soit que plus crédible.
Michaël Youn et Elodie Bouchez, n'ont pas joué directement ensemble dans Héros. L'acteur avait joué la scène au téléphone avec la coscénariste Emmanuelle Destremeau. Elodie Bouchez a tourné sa scène ultérieurement. L'acteur précise "Je n'ai découvert le tout que dans le film fini. Elodie est absolument magnifique. On veut mettre des effets spéciaux partout au cinéma aujourd'hui, alors parfois on se bat avec des monstres sur des fonds verts, et parfois on donne la réplique à Elodie Bouchez... sans jouer avec elle !"
Bruno Merle précise que lorsqu'Elodie Bouchez a joué sa scène, " tous les gens présents ont été complètement embarqués par une émotion immédiate, brute. C'était très fort, très intense. En plus, elle nous l'a fait dix fois de suite, et différemment ! J'ai été très impressionné par son travail." Si Elodie Bouchez a apporté une touche d'émotion au film, Jackie Berroyer a quant à lui provoqué l'hilarité générale au sein de l'équipe. Le réalisateur explique "Jackie a dû tourner trois jours alors que nous étions déjà une famille, enfermés ensemble. Il a apporté du jour au lendemain une autre énergie sur le plateau. Il a tout donné. Physiquement, c'était impressionnant, il était en nage, il s'est totalement investi. Pendant la prise, les gens se retenaient de rire pour exploser après. C'était le moment le plus ludique du tournage !"
Bruno Merle avoue avoir pris de nombreux risques avec Héros : jouer sur la narration, faire ponctuellement sortir le spectateur de l'histoire, frôler l'expérimental, étirer les plans séquences,... Tout en sachant qu'il prenait des risques certains, le réalisateur précise "En même temps j'avais l'intuition que plus on prendrait de risques, moins ce serait dangereux en réalité ; comme si la multiplication des risques les annulaient ; comme si c'était cela qui fondait la cohérence du projet."
Dans Héros la musique tient une place essentielle. La première chanson composée fut celle chantée par Clovis Costa, le personnage incarné par Patrick Chesnais, “C'est mon corps”. Bruno Merle explique qu'il fallait composer un tube, ce qui était difficile à appréhender puisque " s'il y avait une méthode pour écrire un tube ça se saurait ! " Le réalisateur avoue être content du résultat, "bien que ça ne soit pas de la grande musique, ça reste dans la tête. Cette chanson a été écrite comme un cover français de la chanson du flash back : "Vampire", que l'on doit à Ruppert Pupkin." Le réalisateur ajoute qu'il a souhaité que la musique soit, dès le début, le coeur du film. Le second compositeur, Clément Tery a composé le score, la musique symphonique, l'adagio, ainsi que la musique électronique très âpre du début. Selon Bruno Merle, "Clément Tery est allé puiser dans une palette très large et cette collaboration dont je suis très heureux a été une phase fascinante et primordiale pour moi dans la fabrication de mon film."
Héros a fait l'ouverture de la Semaine de la Critique à Cannes en 2007.