Ce film est présenté à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2024.
Le film est librement inspiré du livre éponyme écrit par le chaman yanomami Davi Kopenawa et par l'anthropologue français Bruce Albert, à l'issue d'une collaboration de 30 ans entre les deux hommes.
Plutôt que de chercher simplement à transposer le livre en images, les réalisateurs ont souhaité ajouter un chapitre cinématographique à l'œuvre littéraire, en se nourrissant de l’amitié développée depuis 2017 avec Davi Kopenawa, son fils Dário Vitório Kopenawa, Bruce Albert et plus largement avec les Yanomami de la maison collective de Watorikɨ et l'Association Yanomami Hutukara, co-productrice du projet.
Dans le documentaire, Davi Kopenawa part de la prophétie Yanomami annonçant la fin du monde imminente, pour confronter les napë, blancs non-indigènes, aux questions humanitaires, environnementales et climatiques. Il explique : « Ce film a pour but de montrer aux gens de la ville que notre façon de vivre et de travailler est différente de la leur. Elle ne détruit pas la forêt et ne nuit pas à notre terre mère. C'est un moyen de leur faire ressentir de l’amour, de l’empathie et du respect pour notre peuple, notre nature, nos rivières. Ainsi, les générations futures pourront entendre, elles-aussi, notre appel. Le film a une force et une énergie très puissante. C’est la force de la Terre Mère qui se manifeste à l’écran, pour que les gens de la ville en soient témoins, et apprennent à la respecter. »
Le documentaire s’articule autour du rituel funéraire du Reahu. Cette cérémonie, la plus importante dans la cosmologie des Yanomami, rassemble des centaines de proches du défunt dans le but d'effacer toute trace de son passage sur terre, lui permettant ainsi d’accéder à l’oubli absolu.
S'appuyant sur les trois axes fondamentaux qui articulent le livre de Davi et Bruce Albert – l'invitation, le diagnostic et l’alerte - le film dévoile peu à peu la cosmologie des Yanomami et le monde des esprits Xapiri. Il présente le travail des chamans, qui soutiennent le ciel et guérissent le monde des gangrènes introduites par les non-autochtones : l'exploitation minière illégale, le siège des terre autochtones perpétré par le “peuple de la marchandise”, et la plus menaçante d’entre elles, la Revanche de la Terre.
« Dépassant à bien des niveaux le format purement documentaire, La Chute du Ciel offre une expérience esthétique puissante et unique. Le spectateur est instantanément immergé dans l'épicentre du fascinant opéra métaphysique qu’est le « monde-forêt» Yanomami », Bruce Albert – Anthropologue et auteur du livre La Chute du Ciel.
Le tournage s’est déroulé dans la maloca des Watoriki, le grand foyer commun dressé au cœur de la communauté, où Davi Kopenawa et sa famille vivent. Il est situé en Terre Indigène Yanomami, le plus grand territoire indigène au Brésil, officiellement reconnu par le gouvernement brésilien en 1992 grâce à la lutte acharnée de Davi pour faire reconnaître les droits de son peuple.
Les Yanomami sont une société de chasseurs-cueilleurs vivant au nord de l'Amazonie, dont les contacts avec les sociétés industrialisées sont relativement récents. Leur territoire, situé entre le Brésil et le Venezuela, est l'une des plus grandes zones de forêt tropicale ininterrompue du monde.
Au Brésil, on dénombre encore environ 30 000 Yanomami répartis dans plus de 300 communautés. Toutes sont confrontées à une grave crise humanitaire, provoquée par l'invasion massive de mineurs et d’orpailleurs à la recherche de minéraux, principalement d'or et de cassitérite. Ces dernières années, le nombre de ces envahisseurs a atteint environ 20 000 individus, entraînant une nette augmentation des violences, la contaminations au mercure de l’eau et des poissons, de la déforestation massive et la prolifération de nombreuses maladies préalablement inconnues des Yanomami, dont le paludisme. Les données gouvernementales montrent qu’au moins 570 enfants de moins de 5 ans sont morts sur le territoire entre 2019 et 2022. L'année dernière, malgré l’arrivée au pouvoir du gouvernement Lula, plus sensible à leur cause, 308 Yanomami sont morts au cours des 11 premiers mois, dont 104 avaient moins d’un an.
Le tournage de La Chute du Ciel a été réalisé par une équipe hybride, composée de Yanomami et d’individus non autochtones. Des cinéastes Yanomami ont notamment été intégrés aux équipes de photographie, de son et de production. Pendant le tournage, trois court-métrages ont également été produits puis développés en salle de montage. Ils constituent un programme audiovisuel éducatif pensé pour assurer la transmission des traditions Yanomamis, dans un contexte de déclin du nombre d’anciens pouvant assurer eux-mêmes la passation de ces savoirs ancestraux.
The Tree of Dream, réalisé par Morzaniel Ɨramari, Yuri u xëatima thë - Fishing with Timbó et Thuë pihi kuuwi - A Woman Thinking, tous deux réalisés par Aida Harika, Roseane Yariana et Edmar Tokorino, ont été produits par Aruac Filmes et l’Association Yanomami Hutukara. Sortis en 2023, ils ont été projetés dans de nombreux festivals internationaux.
Au-delà de la mise en lumière de l'ensemble des menaces auxquels sont confrontés les Yanomami, l’objectif du documentaire et des projets de court-métrages subsidiaires est de faire connaître ce peuple en tant que véritable force géopolitique contemporaine et de valoriser la richesse de leurs savoirs au sein de nos sociétés contemporaines.