Polanski s'est offert une luxueuse adaptation d'un classique de la littérature anglaise, Tess d'Urberville, de Thomas Hardy. Un goût littéraire qu'il manifestera à nouveau 26 ans plus tard, en adaptant Oliver Twist, de Charles Dickens. Le réalisateur puise chez Thomas Hardy la matière d'un superbe tableau de l'Angleterre victorienne, côté champs. En toile de fond : une chronique de la vie paysanne. Au premier plan : la destinée malheureuse d'une jolie fille, où il est question de déshonneur, de culpabilité, de conventions sociales et religieuses, de rapports de classes, d'amours cruelles... Un mélodrame au long cours, déployé avec une élégance classique, aussi bien sur le plan narratif que sur le plan esthétique. Le récit est parfaitement équilibré, peut-être trop, sans baisse d'intensité mais sans vrai pic dramatique non plus. L'image est sublime grâce à un magnifique travail sur la lumière et grâce à une composition méticuleuse des plans, où chaque objet est à sa place, où rien ne dépasse du cadre. Bel écrin pour la beauté de Nastassja Kinski. La perfection picturale, bien accompagnée par l'ample musique de Philippe Sarde, s'admire mais a aussi ses limites : l'académisme et l'anesthésie légère du drame. Drame qui a toutefois assez de force romanesque, romantique, pour captiver jusqu'au bout.
Sans mésestimer la qualité de Tess, on peut préférer d'autres versants de la filmo de Polanski, plus décalés ou plus hard. On peut aussi préférer l'adaptation d'un autre roman de Thomas Hardy, Jude l'obscur, par Michael Winterbottom, avec Christopher Eccleston et Kate Winslet : adaptation très noire, âpre et déchirante. Dans un registre encore plus viscéral et tumultueux, appliqué à un autre classique de la littérature anglaise, il faut voir Les Hauts de Hurlevent, d'Andrea Arnold.