C'est surprenant et fascinant de revisionner Total Recall de nos jours, car malgré plusieurs effets ou styles semblant totalement désuets et ancrés dans les infernales années 1980, il garde toute sa puissance, que ce soit dans l'ambiance ou les images.
C'est fou à quel point Paul Verhoeven parvient à nous immerger dans son oeuvre, nous la faire vivre et mettre en place une ambiance totalement prenante, où vont se mêler humour, gore, thématiques classiques de la science-fiction ou même kitsch. Il parvient à nous faire ressentir tout un panel d'émotion, on est intrigué, on rigole, c'est explosif, parfois sexy et d'autres fois d'une violence rare. Le Hollandais violent met en scène une sorte de patchwork des genres, avec une domination de la violence, tout en étant cohérent, généreux et suivant une ligne de conduite bien précise.
Cette ligne-là, c'est la frontière entre le rêve et la réalité, l'omniprésence des médias servant la propagande, à l'image des télévisions dans le métro, et de toujours mettre le doute sur ce que l'on voit. Total Recall est un objet hybride mais fascinant, ses aspects rétro lui donnent un charme fou, son insistance sur les méthodes à l'ancienne, rien n'est fait à l'ordinateur à l'exception de la séquence du squelette, permettent une parfaite reconstitution, et surtout Verhoeven déborde d'idées, qu'il met en scène avec brio, qu'elles soient visuelles ou non.
S'il commençait à avoir la réputation de projet maudit, tant le scénario a été passé entre de nombreuses mains pendant de longues années, Total Recall bénéficie du parfait réalisateur pour mêler de passionnantes thématiques à un divertissement de haute volée. Particulièrement bien rythmé, et toujours avec de nombreux voiles mystérieux sur les enjeux et personnages, l'oeuvre est d'une efficacité implacable et son ambiance à la fois rétro et futuriste, et surtout violente et chaude, se révèle immersive à souhait.
Paul Verhoeven jongle parfaitement entre les tons qu'il met en scène, et si l'aspect violent est bien ficelé, il en est de même pour celui thriller, aventure ou encore humour. Ce dernier point est surtout véhiculé par un inoubliable Arnold Schwarzenegger, marquant par sa solidité, sa recherche de la vérité et surtout ses punchlines de chocs, notamment à la fin de chaque combat. Il est d'ailleurs assez bien épaulés, tandis que l'on peut aussi fortement apprécier la bande-originale d'enfer.
De nombreuses séquences sont inoubliables, à l'image de l'entrée dans le bar ou à l'aéroport, où l'Hollandais démontre une implacable maîtrise. En peu de temps, il parvient à étoffer son univers et le rendre riche, ses idées sont excellentes et sa vision de Mars fascinante, notamment par sa galerie de personnages ou tout simplement son visuel. Sa façon de mettre en opposition la blonde et la brune est aussi l'une des forces du film, tout comme sa maîtrise du scénario et comment il distille un par un les éléments importants pour comprendre le passé et le présent du protagoniste.
Patchwork de genre et envolée futuriste rétro, violente, drôle et puissante, Total Recall est unique, signée de la main d'un auteur inspiré et généreux sachant créer un univers et une ambiance, le tout emmené par de très bons comédiens.