Onze ans avant le lancement de la saga du dollars de Leone avec "Pour une poignée de dollars" (date de sortie : 1966), Robert Aldrich mitonnait un western spaghetti avant l'heure : "Vera Cruz" (1954), son deuxième long-métrage, seulement !!! La même année sortait sur les écrans son troisième, le non moins connu "Bronco Apache". Un ogre de talent qui ne manquait pas de fustiger les codes du western traditionnel !!
Pour ses débuts derrière l'écran, Robert Aldrich montrait pour la première fois des anti-héros comme des hommes violents, cyniques et cupides. Une première dans l'histoire du western. De même, Aldrich propose des plans larges et rapprochés, du pré-léonien ! Bouleversant les codes du genre, Robert Aldrich fait de son western, le premier méditerranéen qui a tout d'un grand : scénario, musique, casting avec sa galerie de trognes, ainsi que la mise en scène. Un travail mené d'arrache-pied qui mérite toutes les récompenses.
"Vera Cruz" : en compagnie de l'armée mexicaine, une association de deux malfaiteurs convoient une diligence jusqu'à Vera Cruz. Lorsqu'ils comprennent qu'elle transporte de l'or, ils décident de faire main-basse sur le trésor.
Scénario au diapason malgré des lenteurs de rythme. Je te pardonne Robert. Néanmoins, je tiens à signaler qu'il s'agit de maîtres en la matière puisque le scénario évoluait au fur et à mesure du tournage. Tous mes chapeaux Robert !! Signalement des scénaristes : Borden Chase ("La rivière rouge" d'Howard Hawks et "Les révoltés du Bounty" brandonien, c'est lui), Roland Kibbee (scénariste sur "L'homme de la Sierra", toujours avec Marlon) et James R. Webb (présent sur "Bronco Apache", il participera aux deux versions des "Nerfs à vif"). Il n'y a que du bon. Cool !
Au casting, il y a donc le tandem Gary Cooper ("Sergent York", "Le train sifflera trois fois")-Burt Lancaster ("Règlements de compte...", "Le prisonnier d'Alcatraz") qui fonctionne à merveille ! Des poncifs d'humour noir ponctuent le film au début et à la fin. Lancaster avec son sourire niais est extra et Cooper, dans un personnage plus traditionnel, se montre à la hauteur. Ils sont suivis par des pointures en la matière : Bronson, Borgnine, Jack Elam (c'est lui dans le générique de début de "Il était une fois dans l'Ouest" !), et Sara Montiel, la toute dernière regrettée.
La musique, quant à elle, se fait pâlichonne et ne se démarque pas vraiment du lot.
En revanche, pour la mise en scène (déjà dit plus haut), c'est du pré-Leone, sans la verve du réalisateur italien. Il y a bien un duel final dans l'art du western spaghetti, mais non doublé du montage alambiqué ainsi que des cadres pré-construits et stéréotypés de la marque Sergio Leone.
Alors oui, "Vera Cruz" a 10 ans de plus que le premier Leone, et c'est ça qui fait que le film fait aujourd’hui pâlot : la musique, les acteurs, la mise en scène. Robert Aldrich avait anticipé (super bon point Robert !!) ce que Sergio allait magnifier.
On se réconforte maintenant au charme de ce western grâce au casting extraordinaire d'un Aldrich en pleine forme, et de la tournure lyrique que prend le film via les sentiments des personnages.
Précurseur en la matière, Robert "le salopard" signait avec "Vera Cruz" un petit chef-d’œuvre d'anthologie.
Spectateurs, "à l'attaque" !!