Je commence à croire que, où qu'il aille, quoi qu'il nous propose, Rohmer me passionnera. J'en dois être à mon quinzième de lui ou quelque chose comme ça, et j'ai l'impression d'être ressorti comme si je découvrais ce réalisateur ; car chacun de ses films est comme un renouveau, alors même que l'on sait qu'au sein de ces 6 contes moraux l'histoire sera la même dans les grandes lignes (d'ailleurs c'est mon dernier de ce cycle).
Nous voici donc ici en Provence, en pleine campagne, tout près de Saint-Tropez, ambiance propice pour les grandes vacances. 3 personnages se retrouvent dans une villa, et à peu près tout passe par là. On en est encore à une époque où Rohmer utilisait le héros comme narrateur, et ici cette narration est utilisée quasiment tout le film ; à ce titre la narration, le phrasé, sont exemplaires. Après ce triple prologue bien original, nous suivons l'évolution des rapports entre ces 3 personnages, en vérité surtout entre le héros et cette "collectionneuse", avec comme "intermédiaire" un autre. Ce qui est fascinant, c'est que l'évolution de la relation, pourtant bien imaginée, bien scénarisée, respire comme l'avancée du film, de chaque Rohmer : à tâtons, selon les ressentis des personnages, dans leurs relations avec les autres, on n'est absolument pas dans un quelconque procédé manichéen, les personnages nous montrent au contraire toutes leurs qualités et leurs faiblesses, non Rohmer les fait vivre selon, pour chacun, des idées, des conceptions de vie, et des oppositions en résultent, et avec l'entrée en jeu la question de "l'amour", même si c'est un terme un peu trop générique pour décrire ce qui se passe dans ce film, on baigne dans des scènes toutes faites (des comédiens qui jouent eux-mêmes à travers leurs personnages des scènes pour en impressionner d'autres, n'est-ce pas une leçon de cinéma ?), des rapprochements/éloignements entre eux, et nous, liés au héros mais en même temps spectateur omniscient de tout ce qui se passe, on essaie tant bien que mal de comprendre la collectionneuse, étant dans les mêmes doutes qu'Adrien, on avance à son rythme, et même ce personnage, que l'on croit connaître, nous étonne.
Certains dialogues, certaines pensées, tellement rapides, peuvent prêter à confusion, mais je considère cela surtout comme une enième bonne raison de revoir le film.
Avec donc un sujet que l'on peut paraître presque douteux pour un cinéaste Rohmer, qui au fil de ses films m'apparaît autant comme un écrivain que comme un cinéaste, il parvient à nous emporter dans un réalisme sincère, certes on n'est pas toujours d'accord avec ce qui est dit mais c'est pour éveiller notre sens critique, ainsi le spectateur a aussi son rôle dans ce genre de film.
Comme toujours ces acteurs inconnus sont géniaux, Haydée Politoff est d'une grâce folle.
En conclusion un très bon Rohmer, de superbes dialogues, où les questions de l'amour, l'attirance, la morale, les confrontations de divers points de vue sont balayées de long en large, au travers d'une histoire en même simple que complexe ; les 6 contes moraux sont vraiment une réussite.