Du pain béni pour un professeur du secondaire (par exemple de religion) qui désire éveiller la réflexion chez ses élèves ! Je ne remercierai jamais assez mon professeur qui me faisait découvrir, il y a bientôt 10 ans, cette petite merveille ! Ce film constitue une révélation pour moi !
Nous sommes amenés à réfléchir tant sur la peine de mort (pour ou contre) que sur les valeurs familiales ou encore sur la religion.
Parlons du premier sujet qui pourrait paraître « bateau », déjà vu mais qui ne l'est pas du tout tant son approche est originale : la peine de mort ! À ma connaissance, la peine de mort n'a jamais été analysée comme elle l'est par ce film. Le plus gros point fort que j'applaudis : c'est l'absence de prise de position.
Le film commence comme beaucoup d'autres (par exemple : « Jugé coupable » de Clint Eastwood, réalisé 4 ans plus tard où la prise de position est évidente) : un drame aux allures de thriller. En effet, la première partie tend à nous faire supposer qu'on assistera plus au combat de Soeur Hélène pour prouver l'innocence du détenu condamné qui prétend n'avoir ni violé ni tué, que son complice est devenu comme fou le soir du crime, que lui n'a rien pu faire pour l'en empêcher. Les premières scènes de flashback montrées à l'écran tendent d'ailleurs vers cette version des faits. Nous voyons donc dans un premier temps un film déjà bien foutu que l'on suit avec un réel intérêt.
Dans cette première partie, nous pouvons déjà remarquer la grande intelligence de l'oeuvre qui, au lieu de se limiter à la relation soeur-détenu, nous montre également les altercations entre Soeur Hélène et les parents des victimes, parents qui ont du mal à comprendre comment elle peut « défendre » ce criminel, responsable de leurs malheurs. Elle essaie d'expliquer qu'elle ne prend aucune position, qu'elle n'est là que parce que Poncelet l'a appelé, elle essaie même de leur proposer la même écoute, la même aide... Une aide qui leur paraît amère, diffuse.
Le papa Delacroix, brillamment incarné par Raymond J. Barry, est le seul qui apparaît plus ou moins réceptif à son aide. Ce personnage ambigu est lui-même chrétien mais doit faire face au plus gros dilemme intérieur du film : la haine qu'il éprouve liée à la perte tragique de son fils et ... sa foi fragilisée.
La réelle force du film nous est envoyée dans la deuxième partie de l'oeuvre, plus centrée sur les démarches de Soeur Hélène pour obtenir des aveux, des regrets quant à la réelle responsabilité de Poncelet. Le film trouve d'ailleurs son apogée lors de son final : l'exécution et le dialogue qui la précède. Poncelet avoue alors qu'il a réellement violé et tué, cette scène est d'ailleurs anthologique, personne ne pouvait la jouer comme Sean Penn nous la propose ! Juste après, l'exécution est accompagnée très justement du flashback le plus horrible du film, celui qui dévoile violemment ce qui s'est réellement passé, sans prendre de gants d'ailleurs.
Notre esprit est alors tiraillé ! Le film bouleverse alors ses propres codes pour les sublimer ! C'est un coup de maître ! Du jamais vu !
Qui est à la tête de ce chef-d'oeuvre ? Tim Robbins, incroyable de le savoir réalisateur de ce bijou ! Nous connaissons son talent d'acteur qu'il confirmera en 2003 avec Mystic River où il retrouve Sean Penn pour deux performances exemplaires. Il a cependant une si « maigre » carrière de réalisateur et le voici à la tête d'un tel projet, un projet d'une ambition démesurée !
Si le film s'inspire d'événements réels, il en écrit l'adaptation cinématographique lui-même. C'est donc une oeuvre très personnelle ! Il n'hésite pas non plus à imposer ses exigences : Susan Sarandon, qui est alors sa compagne, tournera sans maquillage par exemple. Cette contrainte fait fuir plusieurs actrices à Hollywood. Fort heureusement, Sarandon ne s'arrêtera pas à cela ! Fort heureusement pour nous mais également pour elle, elle remporte l'oscar qu'elle méritait avec ce rôle. Remarquons que les années 90 lui sont généreuses en terme de rôles : « Thelma et Louise », « Lorenzo », « Le client », « La dernière marche », « Ma meilleure ennemie », etc... Il paraissait évident que l'une de ses oeuvres devait lui procurer cette récompense superflue. Avec « La dernière marche », elle nous livre le meilleur d'elle-même avec un rôle bourré de nuances car, finalement, le personnage de Soeur Hélène traverse durant tout le film une grosse période de doute. Ce personnage qui donne tout ce qu'il a sans rien avoir d'apparent et surtout sans rien attendre en retour. Son personnage est fort, suit ses valeurs et comprend celles des autres. Soeur Hélène reçoit de l'aide également lors de cette quête vers l'inconnu, elle reçoit de l'aide de sa maman notamment mais également de Poncelet lui-même d'une certaine façon.
Parlons de Poncelet, probablement l'un des rôles les plus compliqués de toute l'histoire du cinéma. Quel choix judicieux de l'avoir confié à Sean Penn, idée courageuse car la liaison que Sean Penn a pu entretenir brièvement avec Sarandon dans les années 80 était connue de Tim Robbins... Ce dernier a néanmoins pris ce risque et il a bien fait ! Sean Penn trouve avec « La dernière marche » son meilleur rôle, il confirmera l'étendue de son talent par la suite avec des prestations comme celle de « Sam I am Sam », et bien d'autres. Déjà dans « Outrages » de De Palma, Sean Penn s'investit comme personne, tellement qu'il en « devient » son rôle : même hors tournage, Michael J. Fox raconte qu'ils se disputaient en personnages, ce qui lui donnait une crédibilité rarement atteinte !
Ici Penn joue donc Poncelet condamné à mort pour des faits qu'il niera jusqu'au moment libératoire : la confession suivie de son exécution. Poncelet est un personnage style « bad boy » qui paraît sympathique même si on peut en deviner la violence intérieure qui le pousse à avoir un comportement que l'on réprimande !
Il a la gueule, le style et la voix qu'il faut pour le rôle. Il est crève directement l'écran ! Il joue un personnage indomptable que rien ne semble pouvoir atteindre et pourtant... La deuxième partie du film le révelle très sensible ! Son jeu est incroyable, quel rôle ! Il faut le voir lors de cette scène où il se confesse, il faut le voir dire son « dernier mot » avant l'exécution, a-t-on déjà vu un acteur aussi investi... ? Il y a TOUT dans ses répliques : les regrêts, la peur, la tristesse, l'amour, etc... Ses répliques ne sont d'ailleurs pas nécessaires pour véhiculer tout ça, un seul regard suffit.
La scène mythique et poétique de la dernière marche où Poncelet demande si Soeur Hélène peut le toucher et qu'elle met sa main sur son épaule, le tout accompagné d'une musique divinement choisie est forcément bouleversante, elle est d'une rare justesse. Tim Robbins est inspiré pour chacun de ses plans en cette oeuvre. On ne peut que regretter le peu de films qu'il nous a proposé. On ne lui en voudra pas, tant ce film peut se voir, se revoir et se revoir encore sans aucun sentiment de lassitude ! Un grand moment de cinéma ! Il n'y a aucune fausse note, aucune critique négative que je peux exprimer en ces lignes. Ce film est un film « parfait » comme il en existe peu.