L’un des rares essais à la réalisation pour celui qui d’ordinaire est devant la caméra, Tim Robbins, Arlington Road, Mystic River ou encore La guerre des mondes. Oui, l’acteur s’essaie comme bon nombre d’interprètes à la mise en scène avec ici, il faut l’avouer, une certaine facilité. Robbins parvient à créer le malaise en confrontant la religion catholique très présente aux Etats-Unis et la condamnation à mort d’un prétendu meurtrier, dans le couloir de la mort pour avoir massacré et violé un couple d’adolescents. Le contexte n’est pas tout rose, malgré le calme très relatif de Sean Penn face à la situation de son personnage et malgré la bonhomie de sœur Préjean alias Susan Sarandon. Bref, coté casting, Robbins peut compter sur deux acteurs immenses, masculin comme féminin, qui mettront à eux seuls le film sur orbite alors qu’approche la sentence, un final qui réveille cruellement un film qui s’était en route embourbé dans un rythme peu engageant.
La dernière marche aura finalement la particularité, contrairement aux apparences, de ne pas être un simple plaidoyer contre le peine capitale. Difficile ici de situer l’avis du réalisateur sur la question alors que son film démontre l’horreur de la chose tout en légitimant auprès du public son utilité face à l’ignominie du meurtrier et à la religion. C’est en effet la religion qui fait ici office de juge, de bourreau, la justice des hommes n’étant que l’appareil du bon dieu des catholiques, concept que doit finalement appréhender la condamné alors qu’il boulotte son dernier repas aux côtés d’une bonne sœur qu’il aura appelé au secours. Tim Robbins ne semble dès lors pas accabler la justice des états américains concernés par les exécutions, tout en n’enfonçant pas le meurtrier dans un personnalité démentielle inutile, ses actes pour lesquels il en est là étant dément mais sa personnalité très rationnelle.
L’homme est coupable, d’une façon ou d’une autre d’un acte immonde, d’un crime violent, inhumain, et le sort qui lui est réservé semble logique en regard d’un grand nombre de ses détracteurs. Robbins ne nous laisse pas avoir pitié de l’homme en rappelant constamment cette nuit de massacre, créant une distance nécessaire pour ne pas entrer dans le pathos entre le condamné et le public. Le personnage de Sarandon, lui, fait office de trait d’union entre l’humanité défaillante et son créateur, s’il l’on n’y croit. Sœur aimante auprès d’une population noire défavorisée, elle répond à l’appel à l’aide d’un homme condamné, un monstre, et voit là l’occasion de rappeler au bon souvenir de la religion un enfant du Seigneur oublié. Vous l’aurez cependant compris, la dernière Marche est malheureusement un film de Bon dieuserie, souvent pénible.
Si la religion n’est absolument pas mon fort, j’avoue avoir été saisi par le traitement dramatique de Robbins d’un sujet qui divisait et qui divise encore les Etats-Unis. Le cinéaste ne prend pas parti et nous laisse les bras ballants et le cœur chaviré devant un final juste, selon la théorie avancée deux heures durant, mais cruel pour les nerfs alors que les adieux du condamné à sa famille, quelques séquences précédentes, nous préparait à un final douloureux. Bravo donc à Tim Robbins que l’on aimerait décidément revoir à la réalisation, même si pour ma part, cette-fois, sans cette proximité agaçante à la religion. 14/20