J’ai été totalement séduit par Zabriskie Point. Ignoré du grand public, certes moins connu que Easy rider ou encore Taxi driver, il est pourtant tout aussi percutant et emblématique de son époque.
C’est un film engagé qui ne fonctionne pas sur un récit construit, son but premier est d’accuser la société américaine puritaine et conformiste à la fin des 60’s à travers l’idéologie hippie. Ainsi nous suivons les péripéties de Mark, un jeune universitaire en désaccord avec l’Amérique dans laquelle il vit. La première partie du film est donc une dénonciation. De cette façon, la caméra d’Antonioni décrit une Amérique traditionaliste profondément raciste et violente, un passage est d’ailleurs particulièrement explicite : Mark entre dans une armurerie et fait semblant d’adopter une attitude xénophobe : « Nous avons besoin d’armes pour nous défendre. Des noirs vivent près de chez nous, il faut protéger nos femmes » l’armurier coopère : «Protéger son domicile c’est légal. Si vous les butez dehors, rentrez-les ». Le réalisateur blâme également le capitalisme et sa société de consommation, les enseignes sont omniprésents dans le long-métrage, de plus, le principal antagoniste est le responsable d’une grande entreprise immobilière.
La seconde partie du film se déroule dans le désert. Mark rencontre Daria, jeune femme fuyant son patron. Les plans sont plus longs et les paysages sont mis en avant. On entre dans le domaine du sensoriel et de l’onirique, Antonioni nous fait partager leur « trip » incroyablement beau et sensuel. Là les personnages se sentent libres. Ils fument, font l’amour et disent ce qu’ils pensent. Une relation amoureuse se crée. Le couple fonctionne très bien à l’écran grâce aux deux acteurs très peu connus qui sont obligés de porter le film car pendant quarante minutes, il n’y a qu’eux à l’écran, dans leurs paradis perdu.
Ce que j’ai apprécié dans Zabriskie Point, c’est que les plans sont extrêmement étudiés et soignés, le réalisateur joue beaucoup sur la profondeur de champ. Globalement la photographie est très belle. Le montage est certes un peu déroutant, mais je l’associe au côté réaliste que le réalisateur essaie d’apporter à son film : la scène du débat étudiant et celle des émeutes sont filmées comme un documentaire. Outre l’aspect technique, Michelangelo Antonioni parvient à délivrer des images fortes, comme cet avion aux couleurs hippies qui survole Los Angeles, royaume du capitalisme, et ses intentions sont claires et précises, sa déclaration est correctement développée (rien n’est laissé au hasard) et son film laisse part à une réflexion et peut-être même une remise en cause du spectateur à l’époque à laquelle il est sorti. Enfin, la bande originale est superbe. Signée Pink Floyd elle prend tout son sens lors de la scène
d’explosion qu’imagine Daria à la fin du film
. En effet on peut voir à l’aide de magnifiques et surprenants ralentis, pleins d’objets faisant référence à la société de consommation tourbillonnant sur des accords de guitare électrique. J’ai adoré ce moment, grand trip audiovisuel complètement halluciné et jubilatoire.
En conclusion, Antonioni signe un film maîtrisé et engagé qui n’a pas eu le succès qu’il méritait. Sexe et violence sont montrés sans complaisance dans une œuvre étrange, hallucinatoire et symboliquement tragique. Si Blow up vous rebuté regardez quand même Zabriskie Point qui est plus facile d'accès et qui semble plus sincère.