Les années 50, dans l'inconscient collectif, font souvent figure d'apogée du rêve américain. Le glamour et la gloire sont les premiers mots qu'on associe à cette période. Dean Martin, Lana Turner, tout un pan du culte d'Hollywood s'est forgé en ce temps là. Un joyau, pourrait-on dire, auquel James Ellroy (écrivain) a décidé de lui conférer de bien sombres éclats. En adaptant son pavé (qui date de 1990) avec Brian Helgeland, Curtis Hanson (également réalisateur) dresse en creux le portrait d'une Amérique bien moins reluisante que ce que les médias ont contribué à créer. Par le biais de cette histoire d'enquête menée par trois policiers bien distincts, Hanson créé une véritable parabole sur l'éternelle césure apparence/réalité. Par la simple puissance d'une mise en scène élégante, qui multiplie les références à la vraie Histoire (le banditisme de Mickey Cohen, l'apparition de Lana Turner, les sosies de Stars), le cinéaste parvient à la déjouer. À ce titre, le fait que l'un des protagonistes principaux ne reconnaisse pas une célèbre actrice devant lui, en la prenant pour une prostituée, cristallise ce problème entre fictif et réel. Car ici, aucun personnage n'est réellement celui qu'on croit. Les trois policiers que l'on suit semblent incarner chacun une figure de la police. Le premier, Jack Vincennes, représente le policier plus préoccupé par la reconnaissance publique que par son travail. Le deuxième, Bud White, serait plus proche de l'image de l'agent brutal et expéditif. Et enfin le dernier, Ed Exley, a quant à lui un profil de flic politicien, intransigeant avec les règles. Mais, à mesure que le film avance et que les personnalités se révèlent, les trois flics au méthodes diamétralement opposées s'approfondissent, tordant le cou à cette notion d'apparat. Car, plus qu'une réflexion sur l'image mensongère que l'Amérique véhicula, c'est un drame intimiste que filme Curtis Hanson. Celui que traverse ses hommes, qui vont se confronter à leurs crises existentielles, et chercher à se (re)trouver. Hanson a également eu le nez fin en confiant ces rôles à des acteurs en grande partie inconnus (à l'époque), exception faîte de Kevin Spacey. Ce dernier nous réserve d'ailleurs une performance à la hauteur de son immense réputation. Il incarne à le perfection ce flic, Jack Vincennes, dont la superficialité cache en fait une âme qui tente de se racheter. Russell Crowe, en Bud White, est absolument génial en flic taillé dans la pierre, mais qui dissumule une vraie sensibilité. Enfin, Guy Pearce en impose, dans le rôle de l'incorruptible Ed Exley, guidé pourtant par une volonté plus obscure. Les seconds rôles sont de même volée: une Kim Basinger transfigurée en prostituée sentimentale, un Danny de Vito royal en gratte-papiers avide de scandales. Un vrai bijou qui, malheureusement, n'a pas gagné autant d'oscars qu'il le méritait.