C’est avec une grâce et une élégance qui n’est pas sans rappeler Minnelli, que Nabil Ayouch traite du rêve et de la réalité. Lola postière pour des raisons alimentaires rêve de devenir danseuse et de vivre avec un bel égyptien sa passion amoureuse. De casting du genre « on vous écrira » à la déception amoureuse avec l’homme qu’elle a suivi jusqu’au Caire, elle découvre un soir de déprime la danse du ventre. Alors, elle décide… et « What Ever Lola Wants » … Au départ, sous la forme d’une comédie dans un style très britannique (« 4 mariages et un enterrement » et surtout les « Bridget Jones »), le film affirme un certain degré de tendresse mais aussi de sensualité dont le sommet de ce cocktail est amené dans un curieux test sexy lorsque Lola danse vis à vis de son hôtelier. Point d’orgue de la première partie. La suite est nettement moins drôle. Avec le mariage très Bollywood au luxe indécent, qui marque la différence entre les nantis et le quartier populaire et la chambre de l'hôtel miteux, dans laquelle vit Lola. Avec les numéros sur scène de Laura Ramsey. Épatante et énorme pari du réalisateur, car elle n’avait jamais participé au moindre cours de danse, et tenu des rôles uniquement dans des nanars de série B (ce film reste son seul grand rôle au cinéma). Se découvre alors, sous un épais brouillard taiseux, les traditions et le malheur, lors des rencontres avec la mystérieuse star déchue, Ismahan (superbe Carmen Lebbos). Avec l’air de ne pas y toucher Ayouch décrit un monde machiste, corrompu et vénal. En dehors de tout port du voile (très peu sont voilées dans le film, hors la noce), les femmes n’ont que deux utilités : décorative et génitrice, à l’exception de Madame Aïda dont on imagine la cruauté et les turpitudes arrivistes. Et soudain de se rappeler que Youssef, le meilleur ami de Lola, a fui à New York pour vivre calmement sa vie d’homosexuel. Loin des démonstrations bien appuyées qui plaisent à une partie de la critique française (sinon ils ne comprennent peut être pas), avec ses petites touches furtives, il faut au moins deux visions pour s’apercevoir que le réquisitoire du réalisateur est sans appel. Ainsi, malgré les gens du quotidien épatants qu’elle a rencontré (l’hôtelier, le marchand d’orange, les serveurs, certaines danseuses du ventre) Lola rentre à New York bien qu’elle soit devenue une star au Caire, car elle reste une femme dans un monde totalement machiste. Pour son troisième long métrage, Nabil Ayouche réussit un film populaire (hou le vilain mot) qui bouscule les préjugés et corsets intellectuels des deux mondes. Le bon génie qui sert Ismahan et la fin, dernier rêve de Lola, aussi sublime soit elle, qui tente d’apporter un message d’un optimisme factice, transforment définitivement le film en conte, comme souvent chez Ayouch.