Avec Anne Hathaway, Jeremy Strong, Banks Repeta...
De quoi ça parle ? L’histoire très personnelle du passage à l’âge adulte d’un garçon du Queens dans les années 80, de la force de la famille et de la quête générationnelle du rêve américain.
Retour aux sources
Les cinq premiers films de James Gray avaient pour cadre New York. Le réalisateur s'est ensuite aventuré dans la jungle avec The Lost City of Z puis dans l'espace avec Ad Astra. Armageddon Time marque un retour non seulement à New York, mais aussi dans le quartier de maisons mitoyennes de Flushing, dans le Queens, où il a grandi.
"Je suis allé dans la jungle et dans le cosmos, et j’ai adoré ça. Mais à un moment donné, on comprend que l’infini est en soi. Et, si on parvient à s’exprimer sincèrement et sans détour, c’est ce qu’on peut faire de mieux. Je voulais rentrer à la maison, et faire un film qui serait le plus personnel possible."
Le film le plus personnel de James Gray
James Gray a grandi avec un frère aîné et des parents tous deux enfants d’immigrés juifs aux États-Unis. Son père, fils de plombier, n’a pas eu une enfance facile, mais il était parvenu à se hisser dans la classe moyenne en devenant ingénieur. Sa mère était enseignante et présidente de l’association des parents d’élèves. James Gray souhaitait inscrire cette histoire personnelle dans l’histoire américaine et les courants culturels des années 1980.
Il s'était lié d'amitié avec un petit garçon noir, avec lequel il avait été surpris à fumer un joint dans les toilettes du collège. Cet incident n'a pas eu le même impact sur le parcours des deux enfants : "En tant que blanc, je n’avais pas conscience que ma race et ma classe sociale m’octroyaient le bénéfice du doute, me donnaient droit à une deuxième chance, voire une troisième. Le fait de ne pas se rendre compte, de ne pas relever, est un luxe et un privilège immérité. J’ai voulu que mon film scrute les lignes de fracture de classes et de races dans mon pays et les aborde en toute honnêteté."
À cela s'est ajoutée la relation privilégiée qu'il entretenait avec son grand-père, qui lui a permis de développer sa conscience morale.
Armagideon Time
Le titre est une référence à la chanson de reggae Armagideon Time, (initialement écrite et composée par Willie Williams) reprise par les Clash en 1979. C'est aussi une façon d'évoquer la menace d'une guerre nucléaire.
James Gray explique : "C’était dans la bouche de tous les hommes politiques, et derrière ce titre, il y a l’idée que cette "mise à l’écart" de Paul représente pour lui un Armageddon. Le fait d’aller dans une nouvelle école, d’entendre le mot "nègre" proféré sans retenue, d’assister aux interventions de la famille Trump leur expliquant qu’ils n’avaient jamais été des privilégiés, quand c’est tout le contraire, tout ça le choque profondément".
Un adepte du "method acting"
Dès le début du tournage, Jeremy Strong arrivait 30 min à 1h en avance dans son costume et parlait des nouvelles du jour, comme s'il vivait dans les années 80. Il sortait rarement de la peau de son personnage. Anne Hathaway lui a emboîté le pas.
Le producteur Marc Butan se souvient : "ils se mettaient à parler de Jimmy Carter et de Ronald Reagan, de la fermeture de tel ou tel commerce au coin de la rue. Les rôles secondaires arrivaient et entraient dans leur jeu, et quand l’équipe était prête à donner le premier coup de manivelle, ils étaient tous à fond dans leur personnage, et je crois que ça a beaucoup aidé les jeunes acteurs. On avait l’impression de passer le pas de la porte d’une maison de Flushing, à l’époque."
Filmé en numérique
James Gray voulait que le film ait l'air d'avoir été tourné en 1979-1980, avec un effet délavé et très peu de contraste. Ironiquement, il lui a fallu tourner en numérique pour obtenir le résultat voulu : "les supports argentiques ne réagissent plus de la même façon qu’à l’époque, parce que la technologie a tellement évolué depuis 1980, et la qualité de la pellicule est bien meilleure. On a dû avoir recours à un simulacre. On a tourné avec la caméra Arri Alexa 65, on a ensuite transféré les images numériques sur une pellicule photochimique pour les repasser ensuite en numérique."
Le directeur de la photographie Darius Khondji détaille : "L’aspect du film est très différent de tout ce que j’ai pu faire jusqu’à présent. J’ai dû approcher les couleurs, les noirs, tout à fait différemment, parce que ce que James m’a dit de l’histoire était radicalement différent de tout ce qu’un réalisateur avait pu me dire avant. Le film est enraciné dans la réalité, presque comme un film d’anthropologie: l’étude d’une famille à un moment donné de l’histoire. Mais c’est en même temps totalement fictif et poétique, une sorte d’illusion. J’ai adoré l’approche très picturale de James, il m’a encouragé à peindre avec la lumière".