Sundance, c'est parti. Véritable fête du cinéma indépendant américain, pépinière de talents depuis vingt ans, le Festival de Sundance ouvre ses portes ce 16 janvier pour sa 20e édition, avec Levity d'Edward Solomon en ouverture et Morgan Freeman, Billy Bob Thornton, Holly Hunter et Kirsten Dunst en vedettes. L'occasion pour AlloCiné de revenir sur les secrets du Festival avec l'une des ses figures-clés : son directeur Geoffrey Gilmore...
AlloCiné : Quels sont les mots-clés, les thèmes principaux de l'édition 2003 de Sundance ?
Geoffrey Gilmore : Il n'est pas évident de répondre à cette question parce qu'il est bien plus difficile de cantonner à une catégorie bien précise les films indépendants -compte tenu justement de leur nature- que les films dits plus hollywoodiens. Il est de surcroît plus difficile de distinguer des thèmes généraux. La meilleure façon de décrire ce Festival est justement de dire qu'il est le plus difficile à cadrer dans un style thématique bien défini : il présente le programme le plus diversifié, le plus éclectique et le plus vaste à ce jour. Une grande partie de ce programme reflète les préoccupations propres au cinéma indépendant en ce moment, qui foisonne d'un si grand nombre de talents créatifs individuels, et d'idées personnelles, caractéristiques et très souvent exceptionnelles de par leur fraîcheur et originalité... Il est donc difficile de dire : "Ah ! Cela reflète ceci !"
Comment expliquer le succès du Festival de Sundance depuis plus de vingt ans ?
Sundance sert de passerelle entre nombre de choses différentes : entre le monde artistique, cet univers créatif et indépendant, et le marché ; entre Hollywood et le cinéma indépendant ; entre la communauté internationale et les Etats-Unis. Je pense que ce rôle de passerelle a toujours fonctionné à merveille. Le Festival ne cherche pas à tout prix à afficher un programme spécifique, à vouloir se concentrer sur un type d'oeuvres en particulier : Sundance est davantage une plate-forme destinée à présenter dans sa totalité l'éventail des films indépendants créés au cours de l'année. Ce n'est pas un festival qui va présenter uniquement des réalisateurs internationaux confirmés, ni des films qui vont sortir au cinéma dans les mois à venir : c'est le rôle d'un grand nombre de grands festivals. Certes, Sundance sert également de tremplin, mais notre objectif principal reste la découverte.
Comment le Festival se situe-t-il par rapport aux Majors hollywodiennes ? En opposition ? En collaboration ?
Il ne faut pas oublier que les Majors ont aujourd'hui de nombreux départements spécialisés. Nous entretenons des relations avec tous les studios. Miramax appartient à Disney, New Line et Fine Line à AOL-Time Warner, Sony Classics à Sony, Paramount Classics à Paramount, Fox Searchlight à Fox... Certains films que nous présentons dérivent de ces branches et dans certains cas, ces studios spécialisés manifestent de l'intérêt dans l'acquisition d'un film présenté au Festival. En raison du nombre important de films que nous présentons chaque année qui n'ont pas encore trouvé d'acquéreur, Sundance sert de vitrine aux acheteurs dans leur recherche de nouveautés à lancer sur le marché.
Quels sont vos critères de sélection pour les films dans les différentes sections du Festival ?
Si vous parlez de critères esthétiques, il n'y en a aucun. Bien au contraire. Notre regard sur le cinéma indépendant est en constante évolution. Cette tendance à vouloir ramener Sundance à un niveau plus commercial a toujours été le cadet de mes soucis. C'est même ce contre quoi je me suis toujours battu : je ne me suis jamais soucié de présenter des films qui plairaient à tout prix à un certain groupe de personnes qui auraient tendance à vouloir nous conseiller des oeuvres qu'elles qualifieraient de plus commerciales. Au début des années quatre-vingt-dix, il y avait toute une série de films qui n'étaient pas considérés comme étant commercialisables : mais grâce à Sundance, ces films ont énormément changé les critères de sélection établis quant à ce que le public a envie de voir. Sundance a joué un rôle déterminant dans cette évolution du marché, et nous en sommes très fiers.
Robert Redford est l'image du Festival pour le grand public. Quel est son rôle, compte tenu que le Festival possède déjà un directeur, des programmateurs... ?
Robert Redford est le président du Festival de Sundance. Il en est le meneur principal. C'est sa vision. De surcroît, je ne le vois pas uniquement comme une figure de proue. Il s'implique et participe à 100 % dans les activités propres au Sundance Film Institute (un institut destiné à promouvoir le cinéma américain en dehors des grands studios hollywoodiens - NDLR). Il ne choisit pas les films, mais il est très présent.
Y a-t-il des vedettes attendues cette année ? Si oui, lesquelles ?
Ce soir pour l'ouverture, il y aura Morgan Freeman, Billy Bob Thornton, Holly Hunter et Kirsten Dunst pour Levity. Il y aura aussi Robert Downey Jr. et Mel Gibson pour The Singing detective. Joaquin Phoenix sera également présent pour It's all about love de Thomas Vinterberg, Dustin Hoffman et Edward Burns pour Confidence, Bob Dylan pour Masked & anonymous, Joan Allen et Sam Elliott pour Off the map de Campbell Scott... Il est vrai que cela constitue un groupe d'acteurs très connus, et un ensemble assez diversifié. Mais, je dois insister sur le fait que cela n'est pas ma priorité. Ce n'est pas une question à laquelle j'attache beaucoup d'importance...
Au vu de cette liste, pensez-vous qu'il y ait un risque de "starification" du Festival ?
Effectivement, de nombreuses vedettes impliquées dans des projets indépendants seront présents à Sundance cette année : depuis quelque temps, cela semble aller de pair avec le cinéma indépendant. Cela dit, ce n'est pas la raison d'être du Festival. Il arrive très souvent que des producteurs me disent qu'ils peuvent m'avoir telle ou telle star si je présente leur film. Je leur donne toujours la même réponse : "Peu importe si telle ou telle vedette vient au Festival ! Seule la qualité du film nous intéresse" Si le film est bon et qu'il s'avère qu'un acteur connu y est rattaché et vient au Festival, cela fait partie du système. Mais, je n'ai encore jamais présenté un film dans le but de faire venir une vedette. A ce jour, je ne l'ai jamais fait et je ne le ferai jamais !
Propos recueillis et traduits par Camille Joubert