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Tourner avec Paul Thomas Anderson
Philip Seymour Hoffman : En écrivant le scénario, Paul Thomas Anderson m'a écrit un rôle sur mesure. Puis, il a décidé ensuite de modifier tous les personnages. J'ai donc campé un autre personnage, qui, à l'origine devait revenir à quelqu'un d'autre qui ne voulait pas de ce rôle. Il m'a alors demandé si je voulais interpréter ce personnage et j'ai accepté. Ça s'est passé comme ça. Donc, pour la première fois, je joue un personnage qui au départ n'était pas prévu pour moi, contrairement à Boogie Nights et Magnolia, pour lesquels il m'avait écrit des rôles. Mais, ce n'est pas plus mal car ça change de mes rôles habituels.
Les indications du réalisateur
Emily Watson : Paul Thomas Anderson m'a dit : "Tout d'abord, je veux que tu t'éloignes complètement de ce que tu fais habituellement". Il ne voulait ni me décrire le personnage, ni me dire ce qu'il recherchait. Il ne voulait rien me dire. Il tournait autour du pot. Alors, moi, je paniquais en me demandant ce que je devais faire. En fin de compte, il fallait toujours chercher à simplifier davantage. D'une certaine façon, l'histoire est venue toute seule. Pour moi, Lena était un personnage très simple, bien qu'il y avait certains aspects en elle qui étaient compliqués : c'est une extraterrestre. Peut-être vient-elle de Mars ? C'est comme si elle n'était pas à sa place. Elle se sent seule et en manque d'affection. C'est son côté humain. Mais, elle est aussi très franche et pleine d'amour, ce qui n'est pas facile à interpréter ! Avoir la confiance suffisante pour ne pas en faire trop prend du temps.
Jouer sur la confiance
Philip Seymour Hoffman : Je me souviens quand nous avons travaillé sur Boogie Nights ensemble, et qu'il m'a écrit ce rôle. Je lui ai donné plein d'idées sur la façon d'interpréter le personnage en question. Je me souviens quand nous avons effectué la première lecture, je faisais l'andouille, en parlant avec une drôle de voix. Par la suite, il m'avait convoqué dans son bureau pour me dire : "Tu devrais l'atténuer un peu". Il s'inquiétait un peu et avait peur que j'en fasse trop. Je lui ai répondu : "Je sais, je sais. Je suis encore en train de tâter le terrain. Mais, fais-moi confiance". Il m'a dit : "Ok, d'accord". Puis, j'ai tout de même interprété le rôle de la sorte. Je me souviens qu'après avoir fini de tourner la scène, nous étions fiers de nous. Donc, du coup, nous avons décidé de la garder au montage et de faire confiance à notre instinct. C'est ce que j'aime faire. Je crois qu'il aime ça aussi, il aime prendre ce genre de risques, voir comment vont être les personnages et voir à quel point les gens sont intéressants.
Un projet différent
Emily Watson : J'ai tellement l'habitude d'avoir quelque chose de fort auquel m'accrocher... Mais, ce n'était pas le cas dans ce film. Je m'asseyais sur le plateau. Paul m'avait donné du tricot pour m'occuper et j'ai observé les choses et les gens autour de toi. J'ai essayé de m'impliquer dans la vie de l'équipe. Je regardais ce que Paul essayait d'accomplir, tout en essayant moi-même d'être sensible à ses sentiments. Je cherchais à me mettre dans la peau de Lena, en écoutant, en observant... Lena a tendance à intérioriser... C'est tellement difficile à définir ! Je ne sais pas comment ! Peut-être y arriverais-je mieux à force d'en parler et quand je l'aurais revu, et que d'autres commenceront à en parler. Ceci dit, c'est agréable en ce moment car je ne sais pas trop ce que c'est. C'est une impression agréable.
Un rôle atypique
Philip Seymour Hoffman : Je disais à tout le monde qu'en fait, je suis le cauchemar au sein du rêve. C'est un film qui fait rêver. Moi, je personnifie le cauchemar subconscient qui essaye de faire surface pour tout gâcher. Il doit essayer de surmonter cela, s'il ne veut pas y laisser sa peau. Il réussit à le maîtriser et c'est quelque chose de très beau. Il affronte cette peur, ce cauchemar, et lui dit : "Va-t-en !"
Choisir ses metteurs en scène
Emily Watson : Avec le recul, il est vrai que j'ai tendance à choisir mes metteurs en scène, dans un premier temps. Ou bien, ce sont eux qui viennent me voir. Quand j'entends que Paul Thomas Anderson a téléphoné, je me dis : "Oh mon Dieu ! Qu'est-ce que je vais...?!" Il est le genre de metteur en scène pour qui vous seriez prêt à tout. Puis, vous recevez le scénario et vous dites : "Faites qu'il soit bon ! Faites qu'il soit bon ! Faites qu'il soit bon !" Et, c'est bien évidemment le cas. Les oeuvres qui m'ont vraiment plu parlent de cinéastes. C'est tout simplement une question de bon sens. Vous ne savez pas forcément si le film aura du succès, ni s'il rapportera de l'argent, ni s'il plaira à la critique. Ce n'est pas sans risque. Mais, on peut être sûr que ce sera intéressant !
Propos traduits par Camille Joubert