Avec Ivre de femmes et de peinture (en salles ce 27 novembre), Im Kwon-taek obtient à 66 ans une véritable reconnaissance internationale. Son 98e film a ainsi remporté le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en mai dernier, ex aequo avec Punch-drunk love - Ivre d'amour, et lui-même vient de recevoir ce lundi 25 novembre à Paris, la Médaille d'or Fellini de l'Unesco.
Biographie du peintre Ohwon (1843-1897), Ivre de femmes et de peinture permet au cinéaste de s'interroger sur les mystères de la création. Rencontre avec le plus célèbre des réalisateurs coréens...
AlloCiné : "Ivre de femmes et de peinture" est une biographie du peintre Ohwon. Qui est-il et qu'est-ce qui vous a attiré dans son histoire ?
Im Kwon-taek : Depuis quelques années, j'avais envie de faire un film sur un peintre de la période Chosun (1392-1910). J'ai fait des recherches sur les grands artistes qui ont vécu avant Ohwon, j'ai également interviewé beaucoup de peintres contemporains pour finalement choisir Ohwon, car son destin me semblait familier. S'il existe quelques témoignages sur sa vie qui ont survécu, notamment oralement, j'ai pu utiliser beaucoup de mes expériences en tant que cinéaste pour construire le personnage. Comme moi, c'est avant tout un professionnel. Il ne correspond ni au type du peintre lettré qui considère son art comme un passe-temps, ni au fonctionnaire qui appartient aux écoles royales de peinture. Il est obligé de vivre de sa peinture et de rester sensible aux goûts de l'époque. Certaines de ses oeuvres sont excellentes, d'autres ratées...
C'est un artiste qui doit sans cesse se battre contre lui-même...
Il cherche constamment à se surpasser pour atteindre la perfection. Cette quête impossible à atteindre constitue, pour moi, la vie. Ohwon a disparu à l'âge de 54 ans : certains disent qu'il est parti vivre comme un sage. S'il est possible qu'il ait gagné en maturité avec l'expérience, je ne crois pas à cette hypothèse : c'est un éternel insatisfait qui voudra toujours faire mieux...
Le film tient en grande partie à la performance de Choi Min-Shik. Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec lui ?
Choi Min-Shik convient parfaitement au rôle. Il joue un personnage un peu difficile parce qu'il évolue sans cesse. Au début, c'est presque un sauvage. Dans un deuxième temps, il côtoie des mécènes et acquiert une certaine éducation. Devenu un grand maître, il est ensuite appelé à la cour du roi et fréquente la haute société. Choi Min-Shik peut jouer sur tous ses registres. Je le trouve formidable.
Cette évolution du personnage se retrouve également dans la manière dont vous filmez les paysages...
Effectivement. Quand Ohwon est jeune, la beauté des paysages est très voyante. Il ne voit que les choses les plus évidentes. Quand il commence à évoluer en tant que peintre, la beauté des paysages devient beaucoup plus subtile. A la fin de sa vie, j'ai cherché à aller vers quelque chose de beaucoup plus pur.
Comment avez-vous vécu votre Prix de la mise en scène ex aequo à Cannes ?
C'est quelque chose de très important. Beaucoup de personnes m'ont aidé en Corée ces dernières années pour faire de bons films. Remporter un prix à Cannes est une manière de récompenser leur travail. Je me suis senti libéré d'un poids. C'est aussi le premier prix important destiné à un cinéaste coréen. J'espère qu'il servira à encourager les plus jeunes réalisateurs à faire de très bons films à l'avenir...
Propos recueillis par Boris Bastide - Traduction : Jeong Eun-Jin
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