Après le succès de La Promesse (1996) et Rosetta (1999), Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne reviennent avec un film très remarqué à Cannes en mai dernier : Le Fils. Dans le rôle principal, leur acteur fétiche Olivier Gourmet, Prix d'interprétation masculine sur la Croisette. Il y incarne un professeur de menuiserie au comportement énigmatique vis-à-vis d'un jeune apprenti récemment arrivé parmi ses élèves.
Retour en vidéo sur la conférence de presse cannoise, en compagnie des deux réalisateurs et de leur comédien...
Un journaliste : Pourquoi avoir filmé Olivier Gourmet souvent de dos dans le film? Jean-Pierre Dardenne : On n'a jamais imaginé filmer Olivier Gourmet frontalement. Je n'aurais jamais pu raconter cette histoire autrement qu'avec la caméra placée à cet endroit au départ (il mime une caméra derrière sa nuque). Je ne voyais pas la caméra là (il mime une caméra devant son visage). Il y a un malaise dans lequel il est, dans lequel nous aussi, metteurs en scène, nous sommes. Comme si l'on ne pouvait pas se regarder de face. L'animateur de la conférence de presse : Pour éviter une sorte de voyeurisme? Jean-Pierre Dardenne :Oui. Et aussi parce que quand la caméra filme Olivier Gourmet de face, ça prend toute son importance. |
Un journaliste : Quels ont été vos rapports avec Morgan Marinne ? Olivier Gourmet : Contrairement à La Promesse, je n'ai pas cherché la complicité. Au départ, j'ai mis des distances directement avec lui. Pour m'aider moi, surtout, et pour lui aussi, pour qu'il y ait ce jeu de mystère. Je préférais qu'on ne se voit pas trop, donc je ne lui parlais pas. Je ne lui disais pas bonjour, je lui serrais la main de loin. Il y a eu un moment où je l'ai poussé, il s'est cassé la figure et s'est écrasé contre un distributeur de boissons. Voilà : des rapports assez tendus dès le départ. L'animateur de la conférence de presse : Et ça c'est amélioré ? Olivier Gourmet : Pas vraiment non. Tout ça étant le jeu que j'ai institué tout de suite. Parce que je l'aime beaucoup. Mais je lui faisais peur. Même maintenant quand on va au restaurant, il prend le même plat que moi. Encore hier soir, il a pris de la morue provençale. J'ai trouvé ça extraordinaire. Il était en face de moi, j'ai demandé de la morue provençale, et il a dit "Moi aussi". |
Un journaliste : Comment avez-vous rencontré les frères Dardenne ? Olivier Gourmet : On m'a demandé d'être jury au Conservatoire de Belgique. Je ne voulais pas : je me trouvais trop jeune, je n'avais pas envie de juger de jeunes comédiens. Ma femme m'a dit "Vas-y, il n'y a jamais que des vieux cons dans les jurys, c'est bien qu'il y ait un jeune". Et là j'ai rencontré Jean-Pierre Dardenne. Après quelques mois, il m'a dit "Ta tête de Monsieur tout le monde nous intéresse : on cherche un type sympathique pour faire un rôle dans La Promesse". C'est ainsi que nous nous sommes rencontrés. Maintenant ce qui m'intéresse dans leur univers, c'est eux... Je ne sais pas, je les aime! On rencontre des gens dans la vie, on s'entend et on s'apprécie. Moi je cherchais quelque chose dans la manière de jouer, quelque chose d'épuré, de très fort intérieurement, pas spectaculaire ni démonstratif, je n'aime pas le larmoyant : je n'y crois pas. Et puis, il y a leur démarche, les personnages qu'ils véhiculent, le milieu social. Tout cela m'intéresse. |
Montage - Amélie Charnay et Sébastien Raynal