Un homme d'exception vainqueur aux points dans un palmarès célébrant avant tout la diversité du cinéma américain, les comédiens afro-américains à l'honneur dans un doublé historique Meilleur acteur - Meilleure actrice, et Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain bredouille. Ce sont là les principaux enseignements d'une 74e cérémonie des Oscars qui aura été à l'image de toute la saison des récompenses aux Etats-Unis : indécise et surprenante.
Sans véritable favori, les Oscars ont fini par couronner le plus classique d'entre ses prétendants : Un homme d'exception, son histoire bigger than life et son interprétation millimétrée. Quatre récompenses donc, dont les deux principales : Meilleur film et Meilleur réalisateur pour Ron Howard, récompensé pour la première fois de sa carrière.
Egalement auréolé des trophées du Meilleur second rôle féminin (pour Jennifer Connelly) et de celui du Meilleur scénario adapté (pour Akiva Goldsman), Un homme d'exception surmonte la polémique qui avait fait rage quelques jours seulement avant la clôture des votes des membres de l'Academie, concernant notamment l'antisémitisme supposé et l'homosexualité refoulée de son héros, John Forbes Nash Jr. Des critiques qui avaient un moment effacé le film de Ron Howard des tablettes des bookmakers...
Doublé historique pour Denzel Washington et Halle Berry
Au-delà du sacre d'Un homme d'exception, le fait marquant de la soirée reste sans aucun doute l'historique doublé des acteurs afro-américains dans les deux principales catégories d'interprétation : Denzel Washington, désigné Meilleur acteur de l'année pour Training day, et Halle Berry, sacrée Meilleure actrice pour son rôle dans A l'ombre de la haine. Une grande première depuis 74 ans que sont remis les fameuses statuettes dorées...
Très surprenante au vue de la razzia effectuée par Sissy Spacek lors des différentes récompenses de fin d'année mais néanmoins méritée, la victoire de Halle Berry, première actrice de couleur à remporter le prestigieux trophée, restera comme l'un des grands moments d'émotion de la cérémonie, voir de l'histoire des Oscars, entre rires et larmes, entre émotion et fierté. Un premier Oscar pour l'actrice, assurément historique.
La victoire de Denzel Washington confirme quant à elle le talent évident d'un comédien déjà récompensé de l'Oscar du Meilleur second rôle masculin pour Glory en 1990. Premier acteur noir à remporter le trophée du meilleur acteur depuis Sidney Poitier en 1964 (pour Le Lys des champs), l'interprète de Training day se paye en outre le luxe de priver Russell Crowe d'un doublé attendu après sa victoire l'année passée pour Gladiator.
Et pour que la victoire soit complète, ajoutons encore l'Oscar d'honneur remis à Sidney Poitier pour l'ensemble de sa carrière. Trois récompenses donc, symboles peut-être d'un changement de mentalité dans l'air du temps et enfin assumé par Hollywood...
La déception "Amélie"
La grande déception, principalement côté français, de cette 74e cérémonie des Oscars est venue du Fabuleux destin d'Amélie Poulain, qui repart d'Hollywood sans aucune statuette en poche. Important succès public (plus de 30 millions de dollars de recettes, soit la plus grosses somme jamais engrangée outre-Atlantique par une production hexagonale en langue française) et critique aux Etats-Unis, fortement soutenu par Miramax pourtant habitué à placer ses poulains, le film de Jean-Pierre Jeunet n'est parvenu à inverser le verdict énoncé par les Golden Globes au mois de janvier, à nouveau battu par No Man's Land de Danis Tanovic.
Pas de chance non plus dans les catégories plus techniques (dont Meilleur scénario original et Meilleure photographie), où la mission était il est vrai beaucoup plus difficile pour un long métrage non-américain. La France se consolera avec la victoire du documentaire Un coupable idéal de Jean-Xavier de Lestrade.
Verdicts en vrac
Le reste des récompenses apparaît à l'image des prix remis tout au long de la fin 2001 et au début 2002 : sans vainqueur incontestable, passant d'un film à l'autre au gré des catégories parmi les quatre ou cinq principaux prétendants. On retiendra également de cette cérémonie les nombreuses premières consécrations des lauréats. Halle Berry, Ron Howard, Jennifer Connelly, Jim Broadbent, Howard Shore, Randy Newman, Julian Fellowes ou encore Akiva Goldsman : aucun n'avait encore jamais remporté la prestigieuse statuette...
Sur le plan purement mathématique, Le Seigneur des anneaux : la communauté de l'anneau ressort grand vainqueur, au même niveau qu'Un homme d'exception avec quatre trophées. Mais le film de Peter Jackson ne se voit honoré "que" dans des catégories techniques : Meilleure photographie (où il devance les images de The Barber : l'homme qui n'était pas là), Meilleure musique (où la composition d'Howard Shore devance Harry Potter à l'école des sorciers et A.I. Intelligence artificielle, les deux bandes originales signées John Williams), Meilleurs maquillages et Meilleurs effets visuels. Aucun trophée donc pour sa réalisation ou son scénario. Deux volets restent cependant à venir...
Meilleurs décors et Meilleurs costumes pour Moulin Rouge, Meilleur montage et Meilleur son pour La Chute du faucon noir, le reste des catégories techniques récompense des oeuvres visuellement soignées, un temps favorites de la catégorie Meilleur film. Si le drame Iris s'en tire honorablement avec l'Oscar du Meilleur second rôle masculin pour Jim Broadbent (également à l'affiche de Moulin rouge), Gosford Park déçoit avec le seul trophée du Meilleur scénario original, manquant notamment les prix de Meilleur film, Meilleur réalisateur et surtout du Meilleur second rôle féminin où il cumulait pourtant deux nominations (Helen Mirren et Maggie Smith). Ali, A.I., The Barber : l'homme qui n'était pas là, Mulholland Drive et In the bedroom sont, eux, carrément repartis bredouilles du nouveau complexe du Kodak Theatre où se tenait la cérémonie.
Enfin, le premier Oscar du meilleur film d'animation de l'histoire a récompensé Shrek, finalement vainqueur des Monstres & Cie dans un duel très indécis, Jimmy Neutron : un garçon génial apparaissant vite hors course. Les responsables de Pixar se consoleront avec la victoire de leur court métrage For the birds, présenté en ouverture de Monstres & Cie, sacré Meilleur court métrage d'animation.
Clôture d'une saison de récompenses traditionnelles mais pour une fois extrêmement indécise de bout en bout, la 74e cérémonie des Oscars marquera sans doute les esprits. Fête annuelle d'un cinéma américain euphorique (au vue de ses résultats en salles) alors que tout le monde le voyait sinistré au lendemain du 11 septembre, les Oscars ont cette année quitté l'académisme que beaucoup lui reprochait. Et si quelque chose était en train de changer du côté d'Hollywood ?
Thomas Colpaert
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