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    Danis Tanovic

    "No man's land", le premier film du Belgo-bosniaque Danis Tanovic sort ce mercredi 19 septembre. Le film avait obtenu le Prix du scénario à Cannes.

    Pourquoi avoir eu envie de réaliser une fiction sur la guerre ?

    Quand j'ai commencé mes études, je voulais faire des films de fiction mais la guerre a éclaté à Sarajevo. La chose à faire était de prendre une caméra et de commencer à tourner. Je suis resté longtemps dans le monde du documentaire parce que je considérais que la vie était meilleur scénariste que j'aurais pu l'être. Après presque une dizaine d'années de films documentaires, je voulais revenir à mon premier amour : la fiction. Le documentaire ne suffisait plus. J'avais très envie d'exprimer quelque chose de plus personnel. Quand vous faites un documentaire, vous êtes confrontés à une situation que vous n'attendez pas alors que dans une fiction, tout est prévu à l'avance. Vous savez plus ou moins le résultat que obtiendrez à la fin.

    Le scénario est très élaboré. Comment avez-vous procédé pour l'écriture ?

    J'ai écrit le scénario en douze semaines mais j'ai réfléchi énormément avant de le commencer. Dans les pays de l'Est, l'accent est mis sur le contenu car nous n'avons pas de moyens pour pousser la forme jusqu'au bout. Nous faisons très attention à la dramaturgie, à l'histoire, aux personnages. Quand on compare les films de l'Est et de l'Ouest, le scénario est la plus grande différence. Je pense qu'ici, il y a beaucoup de films qui n'ont que la forme et pas d'histoires. Là-bas c'est le contraire. La meilleure chose est de trouver un équilibre.

    Vous avez voulu parler de la guerre sur un mode satirique...

    Il y a beaucoup de vécu dans le film : l'humour était un échappatoire pendant la guerre. Quand vous arrivez à un certain niveau de deuil, d'horreur, vous avez simplement envie d'enlever tout cela. L'humour est tout simplement une façon de survivre. C'était la meilleure façon pour faire passer le message anti-guerre du film.

    Votre film tente de rester objectif. Etait-ce difficile ?

    On est toujours subjectif. J'ai essayé de ne pas prendre partie, de faire surtout un film anti-guerre. En tant que Bosniaque, je ne voulais surtout pas accuser le peuple serbe. Je pense que dans une guerre, peu importe son camp, on perd tous.

    Dans No man's land, un soldat de la FORPRONU explique à une journaliste qu'on ne peut jamais être neutre...

    J'utilise toujours un exemple : si vous avez devant vous une femme qui se fait violer, qu'est-ce que la neutralité ? Regarder l'acte et ne rien faire ? Ce n'est pas de la neutralité, c'est un choix : ne rien faire. Les raisons qui ont poussé la communauté internationale à agir ainsi est une autre question. La neutralité n'existe pas. Si vous êtes sur place, vous faites forcément des choix. La FORPRONU prétendait discuter avec ceux qui portaient les armes et avec ceux qui étaient les victimes. Ceci était complètement ridicule. Il faut d'abord arrêter l'assassin et après en discuter. On ne peut pas vraiment discuter lorsque ce sont les armes qui parlent.

    En plus de la FORPRONU, vous égratignez également les médias avides de scoops...

    Prenons encore un exemple : un journaliste qui a devant lui un homme blessé a trois choix à faire. 1° Il filme et il l'interviewe. 2° Il l'amène à l'hôpital et l'interviewe en même temps. 3° Il arrête de filmer et l'amène à l'hôpital. S'il réagit comme un humain il n'a plus le scoop. Chacun a son histoire, sa vision de l'éthique et du professionnalisme. A Sarajevo, il y avait de tout. Il y avait des gens qui avaient les trois choix. On ne peut pas généraliser. Il est vrai aussi que grâce aux médias, la Bosnie était présente partout. Tous les soirs, vous aviez des images de Bosnie au journal télévisé. Finalement l'intervention des Nations Unis a eu lieu grâce aux médias. Regardez aujourd'hui ce qui se passe en Tchétchénie : les Russes ont très bien compris la leçon de la Bosnie et ne laissent pas entrer les journalistes. C'est comme si le conflit n'existait pas alors qu'il a lieu en ce moment même.

    Le montage financier a-t-il été difficile à réaliser ?

    C'était incroyable ! J'ai écrit mon scénario, je l'ai soumis à Noé production qui m'a appelé tout de suite. Sept jours après, on a signé un contrat. Deux ou trois semaines plus tard Cedomir Kolar, un des producteurs de Noé, est parti à Sao Paolo Là, il a vu Marco Muller, producteur italien de Fabrica et la cinéaste belge Marion Hänsel (Nuages) qui est à la tête Man's films. Ils ont lu le scénario. Le lendemain ils ont dit : on est dedans. Dix jours après ils ont envoyé le scénario en Angleterre à Counihan Villiers productions qui a aussi adoré. Après la Slovénie s'est associée au projet ainsi qu'Eurimages. Tout le financement était bouclé en six mois : c'était assez rapide.

    Le cinéma d'Emir Kusturica vous a-t-il inspiré ?

    Je ne trouve pas trop de relations entre ce qu'il fait et ce que je fais . Je dirais qu'il est plutôt baroque alors que moi je suis plutôt renaissance. Dans l'expression, il y a un minimalisme qui est omniprésent dans mon film. Je pense pas qu'on ne peut pas comparer.

    No man's land était présent dans beaucoup de festivals (Cannes, Toronto, Karlovy Vary...)

    Quand vous faites ce métier vous le faites pour le public. Un réalisateur existe seulement si des gens vont voir ses films. Cela me fait énormément plaisir que No man's land soit si bien accueilli alors que j'ai fait un film sur un sujet difficile. Je suis ravi. C'est ça qui fait vivre le film. Ce ne sont pas les prix. J'espère simplement qu'il y aura beaucoup de gens qui iront le voir.

    Avez-vous déjà d'autres projets ?

    J'ai plusieurs idées. Je ne pense pas que le prochain film sera sur la guerre. J'ai envie de passer à autre chose. Cela fait quand même huit ans que je vis avec cette guerre. Je ne dis pas que je ne vais pas y revenir or en ce moment je n'ai pas envie. Je vais plutôt parler d'un autre sujet.

    M-C.H.

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