Hôtel Bristol, mercredi 10 janvier à 16h00.
Le salon dans lequel doit avoir lieu la conférence de presse avec Tom Hanks et Robert Zemeckis est bondé. Les journalistes retardataires sont obligés d'aller chercher des chaises dans les pièces voisines. Tandis que l'auditoire s'impatiente, les deux stars venues présenter Seul au Monde s'attardent au photo call. Vingt minutes plus tard, Tom, moustachu pour les besoins de son prochain film Road to Perdition, et Robert font leur entrée dans le salon. Quelques applaudissements dans l'assistance, et ces derniers prennent place sur l'estrade. Durant la conférence qui ne durera que trente minutes, Robert Zemeckis choisira de s'effacer au profit d'un Tom Hanks plutôt bavard et content de se prêter à l'interrogatoire. A peine les deux vedettes installées, les questions fusent.
Faisant un parallèle avec le personnage de Robinson Crusoé moderne qu'incarne Tom Hanks, un journaliste s'interroge sur le fait que de plus en plus de films hollywoodiens mettent en scène des gens ordinaires se retrouvant dans des situations extraordinaires, comme Erin Brockovich et En pleine tempête. Pour Robert Zemeckis, ce n'est qu'une pure coïncidence et non une tendance des studios. De plus, l'idée de Seul au Monde est née bien avant que ces deux derniers films soient développés. Tout est parti d'une interview au cours de laquelle une jeune femme demandait à un naufragé de lui raconter ses six jours passés sur une île déserte. Tom Hanks avait noté le contraste entre le point de vue romantique de la journaliste et la réalité de l'expérience de son interlocuteur. Robert Zemeckis s'est, quant à lui, penché sur la notion du temps qui passe, en opposant les délais de plus en plus courts instaurés par la Fedex, entreprise de courrier international dans laquelle travaille le personnage de Tom Hanks, et l'absence de contraintes temporelles sur l'île.
L'acteur deux fois oscarisé a également fait part des conditions climatiques quelquefois éprouvantes et des difficultés de tournage liées à la chaleur et à l'humidité. Par ailleurs, l'équipe devait faire face à un doute constant qui était de savoir si le public serait intéressé de voir un homme seul coupé du monde pendant plus de deux heures. La réalisation de Seul au Monde relevait donc d'un véritable acte de foi. Le film reposant entièrement sur les épaules de Tom Hanks, celui-ci a avoué s'être déchargé de la pression sur Wilson, un simple ballon qui lui sert de compagnon pendant ces quatre ans.
Un autre défi pour le cinéaste et l'acteur était de privilégier les silences et la gestuelle au détriment des dialogues. Chuck Noland, alias Tom Hanks, ne pouvait exprimer ses émotions et ses pensées que par un langage corporel ou de poignants monologues. Parler à soi-même ou à des objets était une partie du jeu d'acteur à laquelle il n'était pas habitué. Dans le scénario se posait également le problème de la réinsertion dans la vie réelle, quels réajustements effectuer ? Quelle fin choisir ? Tom et Robert ont longuement tergiversé avant de prendre une décision.
Et quand une journaliste demande à Tom Hanks s'il n'aimerait pas changer de registre en jouant un bad guy, celui-ci répond que les personnages de méchants stéréotypés et sans relief ne l'intéressent pas, à moins qu'ils n'aient de réelles motivations pour se comporter de la sorte. Sa préférence va pour les rôles nuancés et ambigus. Concernant la course aux Oscars dans laquelle il figure en bonne place pour le titre de Meilleur acteur, Tom Hanks s'en sort avec une boutade en expliquant que le ballon Wilson serait en droit de recevoir une récompense et qui plus est, son discours de remerciement serait très bref.
L'acteur vient de produire Band of Brothers, série télévisée de 10h30 mettant en scène une quarantaine de jeunes gens durant la Seconde Guerre mondiale. L'accent est davantage mis sur les situations difficiles auxquelles sont confrontés ces derniers que sur leurs conduites héroïques.
Robert Zemeckis a, quant à lui, démenti la rumeur selon laquelle il tournerait un quatrième opus de Retour vers le futur.
17h00, fin de la conférence de presse.
Pas le temps de se prêter au jeu des autographes, Tom Hanks et Robert Zemeckis, entourés de leurs attachés de presse, doivent aussitôt enchaîner avec les interviews individuelles. Le public français devra attendre mercredi prochain pour voir sur les écrans le premier blockbuster américain de l'année, bien parti pour remporter un Oscar.
G.M