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    Melvil Poupaud

    Depuis ses débuts chez Raoul Ruiz, le beau ténébreux Melvil Poupaud est resté fidèle à son mentor chilien et au cinéma d'auteur. Ce rêveur-né répond à "Parole de Star".

    AlloCiné : Si vous n'aviez pas été acteur, qu'auriez-vous fait ?

    Melvil Poupaud : De la musique. Je fais de la musique parallèlement au cinéma ; avec mes premiers cachets je me suis acheté une batterie puis j'ai fait de la guitare jusqu'à composer chez moi. Je suis en train de préparer un album ; j'ai déjà fait deux disques avec un groupe : "Mud", dans lequel on était trois, mon frère et un de mes potes. Maintenant je fais un disque en solo.

    Votre premier film sur grand écran

    Moonraker. Un James Bond avec Roger Moore. C'est le premier souvenir que j'ai eu au cinéma au Grand Rex.

    Votre comédien de référence

    Marcello Mastroiani. Il a fait de très grands films et il a beaucoup de classe, un type très sympathique, qui ne trichait pas trop. Il était assez simple dans la vie. C'était quelqu'un d'exemplaire.

    Votre meilleur souvenir professionnel

    J'en ai beaucoup. J'ai eu la chance d'avoir des tournages assez singuliers, notamment les films avec Raoul Ruiz. Notamment L'Ile au trésor, un film à gros budget de 1985 de Raoul Ruiz qui n'est pas sorti ; il y avait Martin Landau, Sheila, Jean Pierre Léaud... un casting assez incroyable. J'avais 13 ans, le tournage s'est passé moitié au Portugal, moitié au Sénégal donc sur des bateaux avec des militaires. C'était amusant et cela m'a impressionné ; c'était du vrai cinéma.

    Votre plus grand regret professionnel

    Gadjo Dilo [de Tony Gadlif - 1998 NDLR]. J'avais été contacté. Et j'ai refusé. Ceci dit, je ne regrette pas parce que Romain Duris, qui est un de mes meilleurs copains, l'a fait formidablement. Le rôle lui allait bien.

    Sinon j'ai pas vraiment de regrets. J'ai eu la chance de choisir des films qui me correspondaient et dont je suis assez fier à l'arrivée. J'ai eu la chance et la clairvoyance d'éviter certains films.

    Votre film de chevet

    Je n'en ai pas vraiment. Mais j'ai vu un film que j'aime beaucoup. Je l'ai vu qu'une seule fois. Il m'est resté en tête longtemps : L'Autre un film signé Robert Mulligan. C'est un film d'horreur des années 70, ou l'histoire d'un petit garçon atteint de schizophrénie.

    Votre désir professionnel

    Je suis assez content de ce que je fais donc mon désir est de continuer, de pouvoir tourner avec des metteurs en scène dont je me sens proche, et dont je respecte le travail et qui respectent le mien.

    La rencontre déterminante dans votre carrière

    Raoul Ruiz, naturellement. J'ai commencé quand j'avais 10 ans avec lui, dans La Ville des pirates, un film assez rare mais très bon film. Depuis ma rencontre, je lui suis resté fidèle, en collaborant à huit de ses films. Je suis toujours d'accord pour tourner avec lui.

    Votre première réplique au cinéma

    "Je ne mange que de l'ail". C'était dans La ville des pirates. Je jouais un fantôme assassin, un petit garçon qui revenait tous les 10 ans pour éliminer sa famille. Je tuais beaucoup de gens et pour me protéger je mangeais de l'ail. Pour m'immuniser, un peu comme les vampires.

    Votre premier casting

    J'ai rencontré Raoul Ruiz parce que ma mère était attachée de presse. Elle s'est occupée d'un de ses films et je l'ai rencontré comme ça lors d'une interview. Après mon premier casting, c'était pour La fille de 15 ans de Jacques Doillon. C'était assez simple : il faisait passer les essais directement avec sa caméra sans passer par un directeur de casting.

    Si vous deviez arrêter, qu'est ce que vous regretteriez ?

    Je ne veux pas être cynique. Le fait de pouvoir rencontrer des metteurs en scène qui ont un point de vue sur le monde et qui enrichissent le mien.

    S'il fallait résumer "Combat d'amour en songe"...

    C'est un film qui ne peut pas se résumer justement, qui est assez difficile d'accès. En même temps, il demande beaucoup de simplicité de la part du spectateur, qu'il se laisse aller, juste profiter de toutes ces narrations comme des histoires qu'on raconte à un enfant et qui partent dans tous les sens.

    Il y a beaucoup d'humour, des dialogues surprenants, des mouvements dans le temps, des scènes qui se passent au temps des pirates, au début du siècle et plus ou moins dans le futur. Une espèce de délire poétique par lequel il faut se laisser porter sans rationnaliser et sans résumer.

    Qu'est ce qui vous a séduit dans le scénario de Raoul Ruiz ?

    Rien parce qu'en fait il n'y avait pas de script, pas de scénario. Quand on a commencé à tourner il n'y avait rien. Les idées lui venaient en fonction de ce qu'il avait déjà tourné. C'était une expérience amusante et originale parce que ça rejoignait l'idée du cinéma qu'on peut se faire quand on est petit : à savoir s'amuser, ne pas préméditer, se déguiser. C'était une vraie frénésie enfantine.

    Ne vous êtes-vous pas senti un peu perdu dans cette prolifération d'histoires ?

    C'est le sujet du film : un type perdu au milieu de toutes les histoires qu'on lui raconte ; c'était assez normal d'être perdu. J'arrivais à comprendre où Raoul voulait en venir. Sinon c'est vraiment l'histoire de ce personnage Paul qui est perdu entre le présent, le passé, le futur, partagé entre son père, sa mère, les fantômes qu'il rencontre, perdu dans ses lectures.

    On est très vite largué et justement le seul moyen de s'en sortir est de se laisser aller et de profiter de la fantaisie.

    Justement c'est un scénario un peu gigogne qui a des récits combinatoires. Quelle a été l'intention de Raoul Ruiz : surprendre le spectateur, le déstabiliser, l'amuser ?

    L'amuser sans doute et le déstabiliser effectivement. Je sais que Raoul aime bien jouer avec les gens dans la vie et avec les spectateurs au cinéma dans le sens où il est capable de partir dans une histoire, d'en faire croiser plein d'autres. On peut être hébété par tant d'érudition parce que c'est quelqu'un qui est très cultivé et qui a beaucoup d'imagination. Il n'arrête pas d'inventer des histoires, de mélanger les vrais choses et la fiction, dans la vie comme au cinéma.

    Le film fonctionne sur des conventions, des références communes comme le conte, le trésor des pirates, l'envoûtement, le Bien, le Mal... Est-ce un moyen d'attirer le spectateur pour mieux le faire pénétrer dans son univers ?

    Oui, ce sont des thèmes qui lui sont très proches. Il a fait 100 films, il a commencé d'abord au Chili et a continué en arrivant en France. Il est très attaché à cette thématique récurrente.

    Vous interprétez quatre personnages. Comment avez-vous appréhendé vos rôles ?

    La chance, justement, est que je ne les ai pas appréhendés, mais je les ai improvisés. Tout était très spontané, on avait pas le scénario à l'avance et heureusement je m'en suis assez bien sorti, sur chaque rôle.

    La complicité qui vous lie a du être d'une grande importance?

    Oui car au résultat final, on passe des moments incroyables ensemble. On continue à se parler ou bien à imaginer d'autres histoires, à inventer d'autres projets. C'est un peu comme la famille, ce sont des tournages qui me sont très chers.

    Pourquoi cette fidélité à Raoul Ruiz ?

    Il me reste fidèle donc je réponds avec beaucoup d'amitié et de tendresse à ses demandes.

    Depuis vos débuts en 1983 vous avez rarement quitté le cinéma d'auteur: Ruiz, Doillon, Rohmer... Quelles en sont vos motivations?

    Au delà du cinéma d'auteur, c'est le cinéma fait par des gens qui m'intéresse, qui me surprend. Un cinéma différent. Je ne vois pas les choses aussi cloisonnées. Je choisis surtout les films qui me surprennent et qui sont un peu déroutant, originaux et plaisants. Je laisse libre cours à mon instinct, mon intuition.

    Parlez-nous de "La chambre obscure" de Marie Christine Questerbert avec Sylvie Testud [sortie le 29 novembre 2000 NDLR]

    C'est un film d'auteur qui se passe au Moyen-âge, une espèce de fable assez classique inspirée d'un conte du Décameron de Boccace. L'histoire d'une jeune fille, au XIIIe siècle, qui par sa volonté essaye de s'imposer à un jeune chevalier qui refuse l'alliance, le mariage.

    Je joue Bertrand qui est un peu impétueux, un chevalier destiné à faire la guerre, mais qui se retrouve obliger de vivre avec elle. Comme la situation est insupportable, il fuit et part faire la guerre. Il se retrouve piégé par cette fille qui arrive à lui faire des enfants dans le dos. A la fin, il accepte son sort et reconnait sa défaite face à la volonté de cette fille, interprétée par Caroline Ducey.

    Vous avez réalisé un court métrage, "Boulevard Mc Donald". Une expérience isolée ou réelle envie de passer derrière la caméra ?

    J' ai réalisé deux courts métrages ; je viens d'ailleurs d'en finir la réalisation. "Boulevard MacDonald" date de 6 ans, et "Quelque chose" en vidéo est mon second. On pourrait appeller cela amateur mais j'ai pris du plaisir à le faire. Je vais le diffuser en vidéo. La réalisation m'intéresse, pour l'instant c'est la comédie, la musique et le court métrage. Peut-être un jour un long métrage, quelque chose d'expérimental.

    Vos projets?

    Reine d'un jour de Marion Vernoux. Il y a beaucoup de bons comédiens comme Michèle Laroque, Sergi Lopez, Karin Viard, Victor Lanoux... Il s'agit d'un sujet drôle et touchant : les contrariétés quotidiennes de différents personnages.

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