Né à Londres le 2 avril 1914 d'un père inconnu, qu'il recherchera en vain toute sa vie, le jeune Alec Guinness vit une enfance pauvre, ballotté entre une mère instable et un beau-père brutal. Décédé samedi à l'âge de 86 ans, le comédien anglais était l'inoubliable colonel Nicholson au flegme tout britannique du Pont de la rivière Kwaï, rôle mythique qui lui avait valu l'Oscar du meilleur acteur en 1957.
Cet acteur surdoué avait été révélé en 1949 en interprétant huit personnages différents dans Noblesse oblige et restait célèbre parmi les jeunes grâce à son rôle de vieux sage dans La Guerre des étoiles. Il avait réussi à faire oublier un physique assez anodin par les maquillages et les déguisements au point qu'il était difficile de reconnaître son vrai visage tant sa palette de personnages était étendue.
Discret sur les plateaux comme dans la vie, cet homme élégant était aussi un acteur connu pour son perfectionnisme : "je n'ai pas compris un personnage tant que je n'ai pas compris exactement la façon dont il marche", disait-il.
Issu d'un milieu modeste, il avait forgé sa réussite au prix du travail et ne manquait pas d'humour quand il déclarait avoir publié ses mémoires, en 1985, pour "empêcher quelqu'un d'autre de les écrire avec encore plus d'erreurs".
A seize ans, il découvre le théàtre mais doit travailler comme rédacteur dans une agence de publicité avant de monter sur les planches, en 1934, grâce au comédien et metteur en scène shakespearien John Gielgud.
Engagé dans la troupe de Gielgud, il est déjà un comédien confirmé quand il décide de s'engager comme officier dans la Royal Navy durant la guerre - il servira deux ans et demi - avant de retrouver, une fois la paix restaurée, la scène du théàtre londonien l'Old Vic.
En 1946, parallèlement à sa carrière théâtrale, il débute au cinéma sous la direction de David Lean dans les Grandes espérances (1946) et Oliver Twist (1948). Devenu célèbre avec Noblesse oblige (1949), il enchaîne les comédies, notamment De l'or en barre (Charles Crichton - 1951), L'homme au complet blanc (Alexander Mackendrick - 1951) et Tueur de dames (1955) du même Mackendrick.
Deux ans après son triomphe dans Le pont de la rivière Kwaï (1957), il est anobli par la reine Elisabeth II. Devenu "Sir" Alec, il poursuit sa splendide carrière dans Lawrence d'Arabie (Lean - 1962), La chute de l'Empire romain (Anthony Mann - 1965), Docteur Jivago (Lean - 1966) et Les dix derniers jours d'Hitler (Wolfgang Reinhardt - 1973).Volontiers mystique - il s'était converti au catholicisme en 1956 - il avait prédit, sur le tournage du film Le Cygne avec Grace Kelly, le jour et l'heure de sa mort à James Dean, venu lui présenter sa nouvelle voiture de sport.
Après plus de 40 films et quelque 70 pièces de théâtre, il avait reçu un nouvel Oscar, en 1980, récompensant l'ensemble de sa carrière. Alec Guinness avait peu à peu déserté les plateaux - il avait tourné une dernière fois, en 1991, dans Kafka - pour jouir d'une paisible retraite aux côtés de Merula Salaman, son épouse depuis 1938, avec laquelle il avait eu un fils.
A.F.P