Mon compte
    Andréa Ferréol

    A l'occasion de la sortie de "Le Conte du Ventre Plein", Andréa Ferréol se livre à un tête-à-tête.

    AlloCiné : Si vous n'aviez pas été comédienne, qu'auriez-vous fait ?

    Andréa Ferréol : J'avais envie de faire beaucoup de choses. C'est-à-dire interprète, hôtesse de l'air... Peut-être pour avoir tout le temps les jambes en l'air (rires).

    Votre premier souvenir cinéma

    Le Cid (Anthony Mann - 1961 NDLR). J'ai fait des kilomètres à pied avec des amis pour aller voir ce film avec Charlton Heston et Sophia Loren.

    Votre référence absolue comme comédienne

    Simone Signoret. Je trouve que c'était une femme absolument magnifique, magistrale, une grande comédienne. Avec une présence et une authenticité qui était absolument remarquable.

    A ce jour, professionnellement, votre plus grand regret

    Aucun !

    A ce jour, professionnellement, votre plus grand souvenir

    Beaucoup. La Grande Bouffe, Le Dernier Métro, La Nuit de Varennes, ZOO, Despair de Rainer Fassbinder, un film que l'on ne voit malheureusement pas assez souvent.

    Votre film de chevet

    A une époque, c'était Rashomon (Akira Kurosawa - 1950). En ce moment, il y en a aucun.

    Votre plus grand désir

    (Hésitations) Mon plus grand désir ? Allez... tourner avec des américains, mais aux Etats-Unis. Je dis cela parce que j'ai déjà tourné avec des américains mais en Europe, et je pense que cela ne doit pas être pareil.

    Avez-vous un don, un talent caché ?

    (Silence) J'adore les bonbons, j'ai eu un grand prix de bavardage quand j'étais petite fille, et de jolis sourires. Peut-être que maintenant ils sont fanés, je ne sais pas. A vous d'en juger !

    Votre première réplique au cinéma

    Ma toute première ? Je ne m'en souviens plus. J'étais très jeune comédienne. Je donnais une gifle à un Monsieur. Nous étions dans une voiture, je ne savais plus ce que l'on se disait, mais ma réponse, en quelques mots et un geste, était une gifle. En plus, ce comédien portait des lunettes, et avec le mouvement violent de la claque, elles se sont cassées.

    La rencontre déterminante dans votre carrière professionnelle

    Incontestablement Marco Ferreri. Grâce à lui et à son film, La Grande Bouffe, il m'a ouvert les portes du cinéma européen.

    Si vous deviez arrêter le métier demain, que regretteriez-vous le plus ?

    Le plateau, le tournage en lui-même. Etre sur un plateau, c'est vraiment un moment extraordinaire. On est tous ensemble. On travaille tous dans le même but, c'est-à-dire faire un film qu'on aime déjà et qu'on espère faire aimer aux autres, et faire partager notre bonheur aux autres. Je trouve que c'est un fort moment d'amitié, de convivialité, mais aussi de travail intense. Mais, quel plaisir de création !

    Avec quel metteur en scène rêveriez-vous dêtre dirigée ?

    J'aurais bien aimé tourné avec Buñuel, mais il est trop tard. J'aimerais tourner avec Claude Chabrol, mais ça ne se trouve pas pour l'instant ; on en parle de temps en temps avec Claude mais on n'y arrive pas. Je rêverais de tourner avec Alain Resnais Jean-Jacques Beineix, et bien d'autres...

    Et les cinéastes américains ?

    J'ai des difficultés avec les noms. Les noms me manquent, mais vous les connaissez tous. (Silence) Steven Spielberg, Robert Redford, Martin Scorsese, Woody Allen... J'ai failli tourner une fois avec, mais cela ne s'est malheureusement pas fait. Je l'avais rencontré pour un film, il y a longtemps à New York.

    Lequel ?

    Broadway Danny Rose au début des années quatre-vingt (1983 NDLR)

    Avec quel comédien(ne) aimeriez-vous tourner ?

    J'aimerais beaucoup tourner avec Jeanne Moreau. J'aimerais travailler avec Juliette Binoche. En Amérique, avec Redford et de Niro.

    Qu'est-ce que "Le Conte du Ventre Plein" ?

    C'est une farce cruelle, odieuse, qui met en scène un couple de cafetiers, français moyens, catholiques, et qui vont, pour des raisons pas tout à fait avouables, essayer d'adopter une jeune noire dans un orphelinat. Ils lui feront miroiter la famille, l'amour, tout ce qui lui manque, lui demandant même de simuler une grossesse. Cette jeune fille, un peu naïve, va dire "oui", car elle se sent en confiance.

    Ces gens vont la manipuler, être odieux avec elle. Sous des airs de fausse gentillesse, tout est dit avec méchanceté. Cette jeune fille leur donnera petit à petit une leçon de vie ; mais ces gens sont incapables d'entendre la moindre leçon, et vont rester dans leur petitesse. Ils rejetteront cette Noire à la fin. En même temps, c'est une tragi-comédie avec plein de fantaisie. Et ce sont des personnages agréables à tourner, même s'ils sont odieux ; ce sont de très bons rôles. C'est pour cela que j'ai accepté.

    Qu'est-ce qui vous a plus dans le scénario ?

    C'est le personnage, le rôle... Ce couple épouvantable que l'on forme avec Jacques Boudet. Des personnages méchants, mais extraordinaires, comme le sont les héros au théâtre ou à l'opéra. Des rôles forts, passionnants à composer.

    La rencontre avec Melvin van Peebles, le réalisateur

    Très simplement. Car je ne le connaissais pas du tout. je me suis renseignée pour savoir qui était ce monsieur. Et là, j'ai appris qui était Melvin. Une rencontre toute simple, tout à fait normale. C'est quelqu'un de très drôle, qui vous met à l'aise.

    Un personnage atypique avec sa casquette solidement accrochée et le cigare à la bouche, un look particulier qui tranche avec son caractère calme, souriant, très attentif.

    Il disait de moi durant le tournage que "j'étais entrée dans sa tête". Je crois que c'était vrai, car durant le tournage, je lui proposais des choses qu'il acceptait. On avait une très grande liberté. On inventait beaucoup. Mais, en même temps, c'était très précis : il ne voulait pas qu'on enlève une virgule de son texte. A partir de là, on pouvait donner libre cours à son imagination. Par moment, la mienne était très grande. Je me souviens que pour la scène de l'accouchement de "ma" fille, j'avais mis des gants parce que j'avais trouvé que c'était plus amusant d'en porter. Une autre scène, quand je me retrouve seule devant ma glaçe et que je m'aperçois que j'ai un horrible bouton noir. Je décide de me le tripoter. Je lui ai proposé ; il a trouvé cela délirant et il a bien ri pendant la scène.

    Toutes mes propositions, je les ai faites pendant le tournage. J'étais entrée dans sa tête. J'avais aussi compris l'esprit décalé, très bande-dessiné, kitschouille, un peu à la limite de la caricature qu'il voulait donner à son film.

    Une attitude ambiguë aussi ?

    Tout à fait, cynique, ambiguë... Ce sont des gens qui manipulent, qui pour le "qu'en dira-t-on", pour la respectabilité, le paraître, décident de se "racheter" une bonne conduite. Tout en étant capable du meilleur et surtout du pire.

    L'expérience de tournage en DV numérique

    Une grande liberté. La caméra est toute petite, plus petite que le 35 mm. On a beaucoup moins de temps pour dormir, car moi j'adore dormir sur les plateaux (rires). Là, avec la lumière, on n'avait pas trop le temps. On se changeait vite pour enchaîner les scènes.

    Une grande liberté donc ; cela coûte aussi moins cher. C'est aussi plus concis, plus regroupé. D'ici cinq ans, je pense que la plupart des films vont se tourner comme cela. Est-ce que l'on ne va pas perdre en qualité de l'image ? Probablement. Je n'ai pas vu le dernier Lars von Trier, Dancer In The Dark (Palme d'Or Cannes 2000) qui a été tourné de la même façon, l'image est semble-t-il très belle.

    Il y a des plans dans Le Conte du Ventre Plein qui auraient été faisables en 35 mm. Mais, cela aurait demandé des jours et des jours de préparation. Là, en une demi-heure, c'était fait. Il prenait sa petite DV, montait sur une échelle et le tout était joué. C'est vrai que pour tout le monde, c'était un gain de temps.

    Une scène difficile à tourner ?

    Les scènes où j'explose et où je hurle sont toujours difficiles à tourner. Il faut avoir de l'énergie, du souffle, bien s'imaginer pourquoi on doit faire tout d'un coup cette crise de nerfs. Ce sont des scènes que l'on ne répète pas.

    Pouvez-vous commenter en quelques mots certains de vos films ?

    - La Grande Bouffe (Marco Ferreri - 1973) : Un chef-d'oeuvre passé dans l'histoire du cinéma français, européen et mondial

    - Le Futur aux Trousses (Dolores Grassian - 1975) : Sympathique

    - Parlez-moi d'amour (Michel Drach - 1975) : Personne ne l'a vu !

    - Les Galettes de Pont-Aven (Joël Seria - 1975) : Très gros succès de drôlerie et de comédie

    - L'Incorrigible (Philippe de Broca - 1975) : Drôle

    - Servante et Maîtresse (Bruno Gantillon - 1976) : Pas assez découvert par le public

    - Despair (Rainer Fassbinder - 1977) : Somptueux !

    - L'Empreinte des Géants (Robert Enrico - 1980) : La boue, le froid, la pluie, mais un bon souvenir

    - Le Dernier Métro (François Truffaut - 1980) : LE Plaisir

    - L'Ombre Rouge (Jean-Louis Comelli - 1981) : Un film engagé. A la pointe.

    - La Nuit de Varennes (Ettore Scola - 1982) : Formidable. Agréable

    - Zoo (Peter Greenaway - 1985) : Dans la série des personnages étranges, je jouais une femme sans jambes. Un film dur sur la mort et la décomposition. Mais, visuellement, un très bon film. Extraordinaire

    - La Cicatrice (Haim Bouzaglo - 1994) : Un film israëlien que j'ai beaucoup aimé faire. Je jouais quatre personnages. Mais, le film n'est pas sorti en France. Dommage.

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top