La nouvelle est tombée brutalement, comme l'arrêt cardiaque qui lui a ravi le dernier souffle de vie ce matin à Rome. Vittorio Gassman vient de mourir d'une crise cardiaque à l'âge de 77 ans.
Les fauteuils rouges des parterres de théâtre et des salles obscures peuvent se draper de noir. Les spectateurs de tous bords viennent de perdre un des plus grands acteurs italiens, brillant au cinéma et éternel amoureux du théâtre.
Il a traversé le siècle, l'histoire du 7e Art aux côtés des plus grands : Dino Risi, Ettore Scola, Mario Monicelli, Audrey Hepburn, Henry Fonda, Anthony Quinn,... Boulimique du jeu, excellent de surcroît, il enfile les rôles sous les feux de la rampe et sous la lumière brûlante des projecteurs. En lui bouillonne un tempérament fait de sang autrichien et italien. Né à Gênes le 1er septembre 1922, rien ne semblait pouvoir l'arrêter. Si ce n'est ce fatal coup du destin.
Très jeune il suit des cours à l'Académie d'Art Dramatique de Rome. Ses débuts, il les fait au théâtre. Et c'est peut-être la meilleure école, cumulée à un charisme et un talent formidables. Il se nourrit des répliques signées Cocteau, Ibsen, Steinbeck, Miller, Dumas, Shakespeare.
En 1946, trois ans après ses débuts à Milan, Mario Soldati lui propose son premier rôle au cinéma dans Daniele Cortis. Forcené du travail, il répète et joue pour le théâtre tout en faisant ses premières armes au cinéma. Belle gueule oblige, on lui confie surtout des rôles de jeune premier romantique ou de petit gangster.
Pas de quoi le détourner du théâtre donc. En 1952 il fonde sa propre compagnie, excelle dans Hamlet. Sa première réalisation cinématographique sera la mise en scène d'une pièce de théâtre (Kean).
Cinq ans plus tard il délaisse entièrement le 7e Art, pour revenir à ses amours de toujours. Shakespeare, Anouilh, Alfieri sont ses favoris.
Mario Monicelli révèle enfin l'étendue de son talent, que l'on avait du mal à cadrer sur un écran de projection. Vittorio Gassman fait un tabac dans un rôle comique. Après ce Pigeon, les rôles comiques se suivent... et se ressembleraient, si ce n'était Dino Risi qui les réalise. Gassman est tantôt Homme aux cents visages, tantôt Gaucho ou Fanfaron. Virtuose du jeu, il prend plaisir à égrener les dialogues dramatiques, comiques, épiques ou historiques.
Et le théâtre toujours, son éternelle maîtresse pour laquelle il lâche tout en 1973, parcourant les théâtres d'Italie dans une pièce dont il est lui-même l'auteur. Et pour finir, ce seront toujours les mêmes réalisateurs, Dino Risi (Parfum de femme et un prix d'interprétation à Cannes) et Ettore Scola presque complices, qui parviennent à le faire revenir au 7e Art.
Son sens de la mise en scène et son excellence à interpréter des rôles grandioses, Vittorio Gassman les avait mis au service de ses adieux au théâtre en février 1999. Lançant à la figure de son public "la mort ne m'obsède pas, elle me dégoûte". Une sortie terriblement théâtrale.
M.C.B.