L'un des plus inclassables cinéastes français, Robert Bresson, vient de s'éteindre à l'âge de 98 ans. Son décès remonte au 18 décembre dernier.
Auteur d'une oeuvre à part et singulièrement ambitieuse dans l'histoire du Septième Art, Robert Bresson, "le janséniste de la mise en scène", à la haute et mince silhouette et au visage sévère, résumait ainsi son art : "le cinéma est un mouvement intérieur. L'incommunicabilité est derrière tout ce que je fais". Des Anges du péché, son premier long métrage tourné en 1943, à L'Argent, son dernier film en 1983, l'austérité et l'exigence apparaissent comme les deux règles d'or de la liturgie bressonienne.
Né en 1901 dans le Puy-de-Dôme, Robert Bresson, après avoir étudié la peinture, se tourne vers le cinéma par l'entremise d'un des plus grands cinéastes français, René Clair. Il réalise sa première oeuvre, en 1934, un moyen métrage, Affaires Publiques (ou trois journées d'un dictateur imaginaire). Mobilisé en 1939, fait prisonnier, Bresson passe plus d'un an derrière les barbelés d'un stalag.
En 1944, il réalise Les Dames du Bois de Boulogne, tiré d'un passage de Jacques le fataliste du philosophe des Lumières Diderot, et dont Jean Cocteau écrit les dialogues. Cette oeuvre empreinte d'un parti pris de froide perfection, où la passion est tout calcul, est mal accueillie par la critique.
En 1949, il participe avec Cocteau à la création de la revue Objectifs 49 à laquelle collabore l'équipe des futurs Cahiers du Cinéma. Un an plus tard, il adapte à l'écran Le journal d'un curé de campagne, le roman de Georges Bernanos, dont il signe également le scénario et les dialogues.
Avec ce film, qui apporte la notoriété à son auteur et reçoit huit prix internationaux, dont le Prix Louis-Delluc et le Grand Prix à Venise, Bresson trouve sa manière : les acteurs sont inconnus et l'aventure intérieure des personnages est dépouillée de toute référence naturaliste.
Viennent ensuite Un condamné à mort s'est échappé (1954), inspiré d'un fait divers et réalisé avec une totale économie de moyens, Pickpocket (1960 - prix du meilleur film), Le procès de Jeanne d'Arc (1962 – prix spécial du Festival de Cannes), Au hasard, Balthazar (1966) et Mouchette (1967).
Dans ces oeuvres, il reprend un de ses thèmes favoris, celui de la pure victime sacrifiée à une force obscure, qu'il s'agisse de Dieu ou du destin.
En 1967, il réalise Une femme douce, avec une actrice alors inconnue, Dominique Sanda. Les quatre nuits d'un rêveur (1971) transpose dans le Paris contemporain une nouvelle de Dostoïevski. Lancelot du Lac reprend le thème des Chevaliers de la Table ronde. Dans Le diable probablement (1977), le cinéaste aborde les problèmes contemporains de la pollution, de la drogue, l'évolution du christianisme, ce qu'il estime être le vertige suicidaire de notre civilisation. Cinq ans après, déjà octogénaire, il présente l'Argent, son treizième et dernier film au Festival de Cannes. Un véritable réquisitoire contre la société française et la civilisation moderne, oeuvre d'un moraliste intransigeant.
Bresson avait publié en 1975 des "Notes sur le cinématographe". Dans cet ouvrage, il insistait sur le rôle primordial de l'instinct dans la mise en scène, et de ses personnages animés par la passion de la liberté spirituelle. Un hommage spécial sera rendu au cinéaste lors du prochain festival de Cannes 2000. L.B avec A.F.P