Le droit d’interrompre une grossesse au niveau fédéral n’existe plus aux États-Unis. La Cour suprême a en effet décidé, ce vendredi 24 juin, d’annuler l’arrêt historique Roe contre Wade qui reconnaissait, depuis 1973, le droit à l’avortement garanti sur tout le territoire. Il revient désormais à chaque État de décider d’interdire ou non la procédure à ses constituants, une décision fortement condamnée par Hollywood qui s’est exprimé par l’intermédiaire de ses syndicats et studios de production.
La Directors Guild Foundation, SAG-AFTRA, la Writers Guild of America, l’IATSE (le syndicat des équipes de tournage) et le syndicat des artistes de théâtre Actors Equity ont tous publié des déclarations condamnant la décision que SAG-AFTRA a qualifié "d’archaïque et de dangereuse", s’engageant, pour la plupart, à prendre des mesures pour lutter contre ses effets. Parmi elles, des aides financières pour voyager afin d’avoir accès à la procédure de façon sécurisée.
De même pour les studios hollywoodiens Warner Bros., Paramount, Disney, Netflix et Sony qui ont annoncé se concentrer à leur tour sur la protection de l’accès de leurs employés aux prestations de santé, incluant ces déplacements. Les sociétés de production et les agences de représentation ont elles aussi décidé de consolider leurs politiques autour de la question.
Tandis que la décision choque la population américaine – et mondiale –, il semble encore plus important aujourd'hui de se pencher sur la question, une question que le monde du cinéma international a souvent abordé avec audace acclamée. Parmi les nombreux films qui en ont parlé, nous en avons retenu trois, aujourd’hui plus importants que jamais.
Never Rarely Sometimes Always
Autumn et sa cousine Skylar sont deux adolescentes de la campagne de Pennsylvanie. Lorsque la première fait face à une grossesse non désirée, et ne bénéficiant d’aucun soutien de la part de sa famille et de la communauté locale, les deux jeunes femmes se lancent dans un périple semé d’embûches jusqu’à New York pour obtenir des soins médicaux appropriés.
Le drame anglo-américain, écrit et réalisé par Eliza Hittman, est une œuvre subtile et intense, filmée avec pudeur et sincérité. Mettant en scène l’épreuve administrative et psychologique que représente l’interruption de grossesse aux États-Unis pour celles qui la choisissent, le film est un portrait de femme poignant qui ne tombe pas dans l’idéologie, une chronique adolescente hyperréaliste sans fioritures ni jugement. Porté par le jeu exceptionnel de ses deux jeunes actrices vedettes, Sidney Flanigan – qui fait ici ses débuts à l’écran – et Talia Ryder, le long métrage a été largement salué par la critique. Présenté au Festival de Sundance, il a aussi été sélectionné en compétition officielle à la Berlinale 2020 où il a remporté le Grand prix du jury. Never Rarely Sometimes Always est ainsi une perle du cinéma au propos universel à ne pas manquer, créé pour émouvoir, faire réfléchir et choquer qui résonne malheureusement aujourd’hui beaucoup trop dans l’actualité.
L'Événement
En 1963 en France, Anne, une jeune étudiante prometteuse, tombe enceinte. Voyant ses opportunités de terminer ses études et d’exceller lui échapper, elle décide d’avorter. Prête à tout pour disposer de son corps et de son avenir, elle s’engage ainsi seule dans une course contre la montre et surtout contre la loi. Pendant ce temps, les examens approchent et son ventre s’arrondit…
Adaptation du roman éponyme – et autobiographique – d’Annie Ernaux, L’Événement revient sur l’expérience de cette dernière alors que l’avortement était encore illégal dans notre pays dans les années 60. Réalisé par Audrey Diwan et porté par la révélation Anamaria Vartolomei, magistrale dans sa sincérité, le film mise sur l’empathie pour provoquer et est un véritable choc émotionnel, pourtant juste dans sa dureté. Récompensé du Lion d’or à la Mostra de Venise en 2021, L’Événement est un film coup de poing et coup de cœur destiné à faire éprouver à son spectateur que ce vit sa protagoniste, et ce de l’intérieur. Une expérience viscérale et bouleversante.
Une affaire de femmes
Pendant l’Occupation, Marie élève difficilement ses deux enfants, alors que son mari Paul est prisonnier en Allemagne. Elle aide une voisine à mettre fin à une grossesse non désirée. Rapidement ses services deviennent son gagne-pain et sauvent sa famille de la misère des tickets de rationnement. Le retour de Paul, aigri et affaibli, contraste avec cette nouvelle aisance matérielle tandis que Marie, elle, rêve d’une autre vie. Mais la France de Vichy et son mari frustré viendront bientôt tout gâcher...
Adapté du livre du même nom de Francis Szpiner, le drame historique de Claude Chabrol, sorti en 1988, s’inspire de l’histoire vraie de Marie-Louise Giraud, guillotinée le 30 juillet 1943 pour avoir pratiqué 27 avortements dans la région de Cherbourg. Avec son scénario écrit avec précision et sa réalisation sobre, le long métrage fait le portrait d’une société fragilisée sans jamais l’édulcorer, et celui d’une femme, ni meilleure ni pire qu’une autre, aspirant à plus de liberté, interprétée par une Isabelle Huppert au sommet. Présenté au Festival international du film de Venise, au cours duquel Isabelle Huppert a reçu le prix de la meilleure actrice, Une affaire de femmes est un film fort et prenant au casting impressionnant, incluant également François Cluzet et Marie Trintignant.
