L'ivresse de la vitesse, Tom Cruise l'avait déjà avant le premier Top Gun. Et il n'a fait que le rappeler dans Maverick, en prenant soin de suivre la formation nécessaire afin de pouvoir tourner les scènes de vol à bord du cockpit d'un F/A-18. À défaut de pouvoir le piloter lui-même, la Navy étant peu encline à laisser la star faire joujou avec un appareil coûtant 70 millions de dollars.
L'avion dans lequel il emmène Jennifer Connelly à la fin, un Warbird Mustang P-51 est bien le sien, et c'est tout naturellement lui qui le pilote. Mais qui lui a vraiment mis le pied à l'étrier ? Tony Scott, réalisateur du premier Top Gun ? Non : Sydney Pollack. Fort de son succès dans Taps, au début des années 80, l'acteur vient alors de signer pour être représenté par l'agence CAA (Creative Artists Agency) et rencontre quelques-uns de leurs scénaristes et metteurs en scène.
"Je voulais (…) faire un large éventail de films, du fantastique à l'action en passant par les comédies musicales et les drames, mais essayer chacun d'entre eux pour évaluer et comprendre les différentes façons de raconter une histoire. Comment s'y prendre ?", explique l'acteur dans le dossier de presse de Maverick. "Je regardais Alan J. Pakula avec Klute, le chef opérateur Gordon Willis, juste à l'époque des Parrain. Ces gars-là étaient à la pointe en termes de narration. L'influence française s'immisçait dans le cinéma américain, mais la sensibilité structurelle de la narration restait américaine. Ce sont des choses qui m'ont toujours intéressé. Alors, j'ai rencontré Scorsese et Coppola. L'important pour moi était d'absorber tout ça."
"La première fois que j'ai rencontré Sydney Pollack, j'avais vu tous ses films et je l'ai juste interviewé. Pas en tant qu'écrivain, mais en tant qu'acteur. Et nous avons parlé d'aviation parce qu'il connaissait ma passion pour le vol, et nous sommes devenus amis." Il faut pourtant attendre la décennie suivante pour qu'ils travaillent ensemble sur un film : le thriller La Firme, adapté du roman homonyme de John Grisham et dont Tom Cruise tient la vedette en 1993.
Et c'est à la fin des prises de vues que la passion de l'acteur va passer à l'étape supérieure : "J'avais tellement travaillé sur ce film, sept jours sur sept que je n'avais jamais eu le temps d'apprendre à voler. Donc, à la fin du tournage, Sydney m'offre des cours de pilotage et me dit : 'Tu dois apprendre à voler maintenant, ou tu ne le feras jamais. Je sais que c'est l'une de tes passions, fais-le. Ça va te prendre une éternité...'"
A l'époque, Tom Cruise n'est pas encore la star de Mission : Impossible. Mais Sydney Pollack va vite comprendre qu'il est déjà dans le même état d'esprit qu'Ethan Hunt : "Six semaines plus tard, j'ai emmené Sydney dîner...", raconte l'acteur. "Et il m'a dit : 'Espèce d'enfoiré ! Tu as appris à voler aussi vite ?'. J'ai répondu : 'Oui, mais c'était très dur'. Il m’a juste lancé un 'Va te faire foutre'." Mais le jeu ne faisait que commencer.
"Sydney disait : 'L’IFR [Vol aux Instruments], qui est la prochaine qualification, m'a pris des années, ça va te prendre du temps'. Donc, un peu plus tard, je l'ai emmené dîner... Nous sommes en train de manger et à la fin, je dis 'Je vais payer l'addition', et j'ai ouvert mon portefeuille, je l'ai posé sur la table en sortant mon argent, et il a regardé dedans : il y avait ma licence IFR à l'intérieur. Il a dit : 'Espèce d'enfoiré ! Qu'est-ce que tu fais ?!'" Ce à quoi Tom Cruise a répondu : "'C'est quoi le problème, Sydney ? Prendre des années... Je n'ai pas d'années à perdre, mec'."
Que Tom Cruise n'ait plus jamais tourné sous la direction de Sydney Pollack n'a évidemment rien à voir, surtout que les deux hommes se sont recroisés sur un plateau de tournage quelques années plus tard : le réalisateur a en effet remplacé Harvey Keitel dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, où il tient le rôle de Victor Ziegler. On le reverra par la suite dans quelques séries (Will & Grace, Les Soprano et Entourage) ou des films tels que Fauteuils d'orchestre et Michael Clayton, avant son décès survenu en 2008.