Film sur fond de Seconde Guerre mondiale, Coeurs vaillants, au cinéma depuis ce mercredi, retrace l’odyssée de 6 enfants juifs cachés pendant la guerre, partis trouver refuge là où personne ne pense à aller les chercher... dans le château et le parc du domaine de Chambord, au milieu des œuvres d’art cachées du Louvre.
L'histoire de ces enfants est-elle vraie ? Quelle a été l'inspiration de la réalisatrice Mona Achache, et co-scénariste avec Valérie Zenatti, Jean Cottin, Christophe Offenstein et Anne Berest ?
Le point de départ de cette histoire touche intimement la cinéaste Mona Achache, car sa grand-mère (que l'on voit dans son précédent long métrage Les Gazelles), était une enfant cachée pendant la guerre.
"Elle me racontait ses récits d'enfant cachée. Cela a été mon point de connexion avec cette histoire terrible : je me souviens de ses émotions contrastées, entre son insouciance d'enfance et, en même temps, ce qu'elle me restituait de la terreur, de l'horreur. J'étais fascinée par cette ambivalence. Je me suis dit : 'c'est ça la puissance de l'enfance, c'est de garder cette insouciance, cette force, quel que soit le contexte'. C'est vraiment une porte d'entrée formidable (pour parler de ces sujets)", confie-t-elle à notre micro.
La première inspiration, c’est Rose Valland, conservatrice au musée du Jeu de Paume et figure de la Résistance
Et d'ajouter : "Regarder l’histoire à hauteur d’enfant forge un récit historiquement incomplet. Mais c’est cette subjectivité de leur regard qui m’intéressait. Les émotions sont aussi un beau vecteur d’identification. J’ai rêvé un film qui puisse un peu éclairer la route des spectateurs, qui leur donne la curiosité et l’envie d’en savoir davantage."
Le personnage incarné précisément par Camille Cottin est lui aussi librement inspiré d'une figure historique réelle. "La première inspiration, c’est Rose Valland, conservatrice au musée du Jeu de Paume et figure de la Résistance, connue pour la sauvegarde des œuvres spoliées par les nazis en France. Elle était par ailleurs lesbienne, libre-penseuse et émancipée. Le personnage que campe Camille Cottin n’est toutefois pas celui de Rose Valland, même si elle a guidé sa construction", poursuit Mona Achache dans ses intentions indiquées dans le dossier de presse du film.
Précisons que Jacques Jaujard, directeur des musées nationaux et Pierre Schommer, responsable du dépôt de Chambord ont également servi d'inspiration. Jusqu’en novembre 1942, le Cher, rivière proche de Chambord, servait de délimitation de la ligne de démarcation et était le lieu de passage le plus proche de Paris, précise le dossier de presse.
"Aujourd'hui encore, évidemment, il faut continuer de transmettre ses histoires, alerter sur toutes ces questions. Comment parler de la guerre aux enfants ? Comment réveiller les consciences ? J'avais vraiment envie de faire un film pour eux, avec eux, à leur hauteur. Donc le point de départ est historiquement véridique. On arrive dans le château de Chambord avec des caisses de tableaux, ce qui a été le cas pendant la guerre. Le château servait de grenier aux œuvres d'art des musées nationaux. Après, la fiction intervient parce que ces enfants ne sont jamais arrivés dans la vraie vie. Mais peu importe, il y en a eu 60 000 autres."
"Par ailleurs, et malheureusement, encore aujourd'hui, des enfants sont confrontés aux affres de la guerre. A partir de là, c'est leur regard qui amène une distorsion de la réalité, elle amène une manière non exhaustive de voir les choses, une perception plus sensorielle. Les émotions leur parviennent."
"Je n'avais pas envie de faire un film qui soit une reconstitution historique, qui pourrait presque être rébarbative aujourd'hui pour les enfants. J'avais envie de vraiment me connecter à leurs émotions et c'était tout le travail aussi avec les enfants, et avec Camille Cottin. Ne regardons pas ces personnages, ces enfants, comme ceux d'hier, mais comme des enfants d'aujourd'hui, avec des émotions d'aujourd'hui", poursuit Mona Achache à notre micro.
En préambule du dossier de presse du film, Mona Achache écrit : "Je tiens à remercier ma grand-mère, Suzanne, qui, à tous points de vue, a été très impliquée dans ma vie. Les récits de son parcours d’enfant caché ont été pour moi un premier apprentissage, une porte d’entrée bienveillante, pleine d’humanité, avant ma confrontation avec l’horreur infinie de la Shoah. Comment absorber pareille abjection à cet âge-là ? Je voulais faire un film comme un marchepied pour les enfants, une première prise de contact avec une horreur dont ils auront mieux connaissance par la suite. J’aimerais que ce film soit un relais comme ma grand-mère l’a été pour moi, avant la brutalité plus factuelle, mais indispensable, des cours d’histoire."
Précisons que ce film est dédié à la grand-mère de Mona Achache, malheureusement décédé récemment et qui n'a pas pu voir le film. "Elle a suivi toute la genèse du projet et j’évoquais avec elle mon envie que l’art en devienne le fil rouge. Ces enfants lisent Tintin, et sont allés au Louvre, ils chantent, ils écrivent, dessinent... et lorsque je lui ai demandé quelles étaient ses lectures en 42, elle m’a répondu : « À Cœur Vaillant rien d’impossible ! », qui a donné son titre au film."
Depuis le tournage du film, le chateau de Chambord accueille désormais une salle consacrée à cet épisode de la Seconde Guerre mondiale avec des éléments de décor du film. Un travail est par ailleurs en cours pour que les enseignants puissent s’emparer du film pour évoquer avec les enfants d’aujourd’hui l’histoire de ceux d’hier.
Précisons enfin qu'une novellisation du roman est disponible en librairie : Coeurs vaillants, par Anne Kalicky, livre imaginé d"après le film de Mona Achache.