Dans Pirates des Caraïbes : la Vengeance de Salazar, Jack Sparrow (Johnny Depp) et ses complices affrontent de nouveaux ennemis : le redoutable Capitaine Salazar (Javier Bardem) et son équipage fantôme. Ces derniers se sont échappés du Triangle du Diable dans le but d'anéantir tous les flibustiers écumant les 7 mers. Le seul espoir de survie du héros est de retrouver le légendaire Trident de Poséidon. Cet artefact octroie à celui qui le détient tout pouvoir sur les mers et les océans.
Sorti en 2017, le film était un projet de longue date lancé par Disney; la firme avait même annoncé la mise en chantier de cet opus avant la sortie de Pirates des Caraïbes : la fontaine de Jouvence, le précédent volet, qui fut un énorme succès en salle avec 1,045 milliards de dollars de recettes au Box Office mondial.
C'est peu dire que la production du 5e volet des (més)aventures de Jack Sparrow fut homérique et compliquée, et dès le début d'ailleurs. Refus catégorique de Rob Marshall de rempiler à la mise en scène, déjà; écriture particulièrement laborieuse du script, ensuite, en guise de hors-d'oeuvre. Sur place, en Australie, plaintes d'associations animalières, qui concernaient l'importation de petits primates pour incarner le singe de Barbossa. Irruption sur le tournage d'un homme déguisé en pirate, menaçant un agent de la sécurité avec un couteau...
Un Johnny Depp erratique
Et Johnny Depp évidemment. Blessé à la main, l'acteur fut contraint de rentrer au pays pour y subir une opération chirurgicale pour se faire poser une broche au doigt. Le tournage fut suspendu pendant plusieurs semaines, mettant au chômage technique 200 personnes, le temps que le tournage reprenne.
Une fois rétabli, Depp aurait été constamment "ivre, alcoolique et ingérable", selon des membres de l'équipe technique. L'acteur aurait perturbé le bon déroulement du tournage par son comportement complètement erratique. Il semblait être très souvent en retard, contraignant l'équipe à patienter des heures.
Au point que la production avait dépêché un membre de l'équipe en planque devant la caravane de l'acteur, dans une voiture banalisée, pour guetter le moment précis où Depp émergeait. Et envoyer le signal au reste de l'équipe sur le plateau de tournage pour se tenir prêt au moment où Depp se pointerait...
Le récit est d'ailleurs abondamment nourri dans cet article du Hollywood Reporter. "Quand il se levait et allumait la lumière, c'était le signal. Les producteurs appelaient les réalisateurs en leur lâchant : "il est debout ! Il se prépare !" Il y avait même un mot "codé" pour évoquer la routine tardive et problématique de Depp, comme "l'aigle s'est envolé. Johnny n'avait aucune idée de ce qui se passait autour de lui". Surréaliste...
Les retards cumulés et le problème d'alcoolisme de Depp auraient d'ailleurs donné lieu à une passe d'arme musclée entre Jerry Bruckheimer, producteur du film, et l'agent de Depp, Tracey Jacobs, viré d'ailleurs en 2016. "Il faut que tu fasses quelque chose, tu es le producteur !" aurait dit Jacobs à Bruckheimer. Qui lui aurait répondu : "tu es son agent, à toi de faire quelque chose !" Bonne ambiance...
Lorsque Depp se pointait enfin sur le tournage, "il se montrait tout à fait charmant. En fait, c'était le Yin et le Yang. Personne ne doit sous-estimer la dévotion et l'engagement de Johnny Depp sur son rôle et la franchise" racontait le producteur Scott Bailey.
Déboires conjugaux et train de vie dispendieux
Les problèmes et le comportement erratique du comédien s'expliquent aussi par le fait que l'acteur était déjà dans la tourmente depuis un moment, avec ses déboires conjugaux avec Amber Heard, dont il est séparé depuis 2016, et qui continuent d'ailleurs encore sur le terrain judiciaire.
Un élément d'explication livré à posteriori donne également un éclairage intéressant sur cette période. Le torchon brûlait déjà entre l'acteur et l'ex société responsable de ses intérêts. En janvier 2017, il décidera de poursuivre en justice The Management Group (TMG) pour 25 millions $, accusant ses anciens managers d'avoir mal géré ses finances, d'avoir engagé des prêts sans son accord et de l'avoir conduit au bord de la ruine.
Dans une plainte croisée, TMG soulignait de son côté le train de vie ruineux du comédien, affirmant que c'était la cause de ses difficultés financières et disant avoir tenté maintes fois de lui faire entendre raison. Et d'égrener comme un chapelet les dépenses somptuaires de Depp. Depuis 20 ans, il dépensait 2 millions $ par mois; avait dépensé 75 millions $ pour acheter 14 maisons, plusieurs résidences à Hollywood, un Yacht à 18 millions $, 45 voitures de luxe...
Dans la plainte déposée par l'avocat de TMG, Michael Kump, à l'encontre de Depp, figurait cette anecdote assez ravageuse : depuis des années, il n'apprenait plus du tout ses textes, y compris donc sur la saga Pirates des Caraïbes. "L'acteur a ainsi dépensé des centaines de milliers de dollars pour employer à plein temps un ingénieur son, qu'il a utilisé durant des années pour lui souffler ses répliques dans une oreilllette. Mr Depp a insisté pour que cet ingénieur du son soit maintenu chaque année afin qu'il n'ait plus à mémoriser ses lignes".
Deux mois après la sortie de Pirates des Caraïbes : la vengeance de Salazar, en juillet 2017, les avocats de la star ont annoncé avoir trouvé un accord avec la partie adverse. Un accord aux termes évidemment confidentiels, qui permettait surtout à Depp d'éviter une couverture médiatique qui aurait, à coup sûr, été retentissante. Rétrospectivement, à l'aune de tout ces éléments, on comprend mieux pourquoi la période de tournage du 5e volet de la saga, les mois qui l'on précédé et ceux qui ont suivi, ne furent pas vraiment de tout repos pour le comédien...