Selon The Hollywood Reporter, le tribunal de Téhéran a mis en examen le réalisateur iranien multi-primé Asghar Farhadi, dans une affaire de plagiat pour son dernier film Un Héros. Le cinéaste aurait repris des éléments clés du documentaire de Azadeh Masihzadeh, All Winners All Losers, une de ses anciennes étudiantes en cinéma.
L'affaire va passer devant un deuxième juge et la décision pourra être contestée devant une cour d'appel. Le juge peut également ordonner le réexamen de l'affaire.
L'avocat de Asghar Farhadi, Kaveh Rad, a précisé mardi sur Instagram, que l'enquêteur chargé de l'affaire avait rejeté la plainte de Masihzadeh qui réclamait une part des recettes du film en cas de verdict de culpabilité.
L'avocat précise que la décision du premier juge devait être "considérée comme faisant partie du processus de procès" et non comme étant "le dernier mot".
Sorti dans nos salles en décembre dernier, Un Héros a reçu le Grand Prix lors du dernier Festival de Cannes. Le film porté par Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh et Fereshteh Sadre Orafaee suit Rahim, un homme emprisonné à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…
Asghar Farhadi avait admis que son film était basé sur la même histoire vraie que All Winners All Losers, que Masihzadeh a développé en tant qu'étudiante dans un atelier documentaire que le metteur en scène dirigeait.
Lors d'une interview accordée à AlloCiné pour la promotion du film à Cannes, le réalisateur expliquait : "Il y a huit ou neuf ans, j'enseignais dans un atelier de cinéma comme je le fais souvent. Et comme un simple projet pédagogique, je proposais à mes étudiants de se diviser en groupes de deux ou trois personnes, et je leur ai moi-même transmis certaines de ces histoires que j'avais relevées dans la presse. Je leur ai aussi demandé d'essayer d'en trouver d'autres, et de faire des petits sujets sur ces personnes, sur des parcours de ce type.
Un héros par Asghar Farhadi : un projet de longue date pour le réalisateur primé à CannesMais, là encore, ça ne dépassait pas le cadre de la réflexion et de la démarche pédagogique. C'est seulement encore plus tard, quand je revenais d'Espagne après avoir tourné Everybody Knows, à mon retour en Iran, que je me suis dit que ce concept, ce sujet qui occupait mes pensées et qui m'intéressait depuis des années, pouvait mériter que je m'y attarde davantage pour écrire une histoire qui ait ce sujet en son cœur."
Asghar Farhadi affirme avoir fait ses propres recherches sur cette histoire vraie.
Une autre plainte, déposée par Mohammad Reza Shokri, l'ancien prisonnier qui fait l'objet du documentaire de Masihzadeh, qui affirmait que sa réputation avait été entachée par le film de Farhadi, a quant à elle été rejetée par le tribunal.
Dans un communiqué, Alexandre Mallet-Guy de Memento Production, qui a coproduit Un Héros, se dit confiant sur le fait que le tribunal finira par se prononcer en faveur de Farhadi. Voici sa déclaration :
"Un héros est le 8ème film d’Asghar Farhadi que je distribue, et le 4ème que je produis. Ensemble, nous avons gagné 2 Oscars du meilleur film étranger, ainsi que plusieurs prix au Festival de Cannes, dont le Grand Prix pour Un héros l’année dernière.
J’ai une confiance absolue en Asghar que je considère comme l’un des réalisateurs les plus talentueux et créatifs au monde. Ce dernier m’a informé qu’une de ses anciennes étudiantes ayant réalisé un documentaire sous sa tutelle ainsi qu’un ancien prisonnier dont l’histoire a, entre autres, inspiré son film, avaient déposé plainte en Iran contre lui.
Suite aux fausses informations qui circulent aujourd’hui dans la presse, il est, je crois, important de clarifier la décision rendue en Iran le 14 mars 2022 par le juge d’instruction au sujet du film. Le rôle du juge d’instruction est de mener l’enquête, réunir les preuves, et décider ainsi si l’affaire doit être portée ou non devant les tribunaux.
Ses conclusions sont les suivantes :
• il a rejeté l’allégation selon laquelle le film entachait la réputation de l’ancien prisonnier et a refusé de renvoyer cette accusation devant un tribunal ;
• il a rejeté la revendication d’un droit à recettes de Mme. Masihzadeh sur l’exploitation du film et a refusé de renvoyer cette demande devant un tribunal ;
• il a décidé de renvoyer devant un tribunal l’accusation de Mme. Masihzadeh de violation de droit d’auteur sur son documentaire.
Nous avons la ferme conviction que la cour déboutera Mme. Masihzadeh, qui ne peut revendiquer de propriété sur des faits relevant du domaine public, l’histoire de ce prisonnier ayant été traitée dans différents articles de presse et reportages télévisuels des années avant que le documentaire de Mme Masihzadeh soit publié.
De nombreux experts iraniens ont d’ores et déjà publié leurs conclusions sur cette affaire, toutes en faveur d’Asghar.
Je crois qu’il est important d’insister ici sur le fait que Un héros, comme les précédents films d’Asghar, donne à voir des situations complexes, où les vies des personnages sont imbriquées les unes avec les autres.
L’histoire de cet ancien prisonnier trouvant un sac de pièces d’or dans la rue et décidant de le rendre à son propriétaire n’est que le simple point de départ de l’intrigue de Un héros. Le reste de cette intrigue complexe aux multiples ramifications n’est que pure création d’Asghar.
Alexandre Mallet-Guy - Producteur MEMENTO PRODUCTION"