Les Voisins de mes voisins sont mes voisins de Anne-Laure Daffis & Léo Marchand
Sortie au cinéma le 2 février
Un ogre casse ses dents la veille de la Saint-Festin, la grande fête des ogres. Un magicien rate son tour de la femme coupée en deux et égare les jambes de son assistante. Un randonneur suréquipé reste coincé plusieurs jours dans un ascenseur. Un vieux monsieur tombe amoureux d’une paire de jambes en fuite. Une maman confie ses enfants au voisin le soir de la Saint-Festin... Dans un immeuble, les destins entremêlés de dix vrais voisins ou voisins de voisins, aux prises avec les drames, les plaisirs, les surprises et les hasards de la vie quotidienne.
AlloCiné : Comment sont nés le film et les différents personnages qui le portent ? Avez-vous lié entre eux des courts métrages existants (notamment "La Vie sans truc" et "La Saint Festin") ou au contraire extrapolé des histoires à partir de personnages pré-existants ?
Léo Marchand (réalisateur) : Par le travail de plusieurs années. Il y eu tout d'abord La Saint Festin en 2007 puis grâce à ce film, le développement d'un long métrage, ancêtre des Voisins de mes voisins sont mes voisins, où l'ogre était encore présent au sein d'un immeuble avec plusieurs histoires mêlées des différents habitants. Les histoires n'étaient pas celles des Voisins... mais en substance, elles étaient déjà là. Ce projet n'a pas vu le jour mais en creux de son scénario, nous avons écrit et réalisé La Vie sans truc (2013). Puis nous avons fait d'autres courts métrages. Ce n'est que presque dix ans plus tard, que nous avons repris le tout pour écrire Les Voisins....
Vos différents personnages ont chacun des travers, mais restent toujours sympathiques et attachants. Comment avez-vous géré cet équilibre ?
On ne se pose pas la question en gestion d'équilibre, on les écrit en fonction des situations qu'ils vivent : comme tout le monde, ils font des trucs plus ou moins par habitude et selon leur personnalité et puis quelque chose leur arrive, ils réfléchissent, se posent des questions, essaient de se raisonner, de trouver des solutions, puis le naturel revient au galop, alors ils changent d'avis ou tout à coup s'énervent ou prennent des décisions qu'ils n'auraient pas pu prévoir de prendre quelques jours plus tôt. Les failles, les faiblesses, les tempéraments excessifs, colériques ou versatiles, c'est toujours attachant, surtout quand ils prêtent à rire. Ce qui est le propre d'une comédie.
Y'en a t-il un/une qui vous tient particulièrement à cœur ?
Non, ils sont un tout. Il faut tous beaucoup les aimer pour pouvoir les animer, à la respiration près, pendant trois ans tous les jours. Ça se fait avec le casque de leur enregistrement sur les oreilles en permanence.
Justement, vous avez pu travailler avec un casting vocal renommé : comment ces comédien(ne)s se sont mis au service de votre histoire ? Ont-ils / elles pu improviser ?
C'est nous qui faisons le casting, en nous trompant d'ailleurs quelques fois sur nos premiers choix. Nous avons donc changé à chaque fois que c'était nécessaire, même si l'enregistrement était fait. Et une fois, même après avoir commencé à animer. Nous enregistrons tous les comédiens séparément, ce qui permet à nous comme à eux d'être bien concentrés sur leur rôle. De cette façon aussi, rien n'est inexploitable par des chevauchements de voix entre comédiens. Ils n'ont que les séquences de scénario où leur personnage est présent, aucune image de storyboard et nous ne leur donnons pas la réplique. Nous leur demandons bien sûr de dire le texte écrit, plusieurs fois en donnant des indications mais également les poussons à l'improvisation sur leurs dialogues pour pouvoir nous saisir des à côtés qu'ils proposent et qui, bien souvent, caractérisent fortement leur personnage. Certains improvisent plus que d'autres, mais nous ressortons toujours des enregistrements avec bien plus de matière que le strict scénario.
Parlez-nous de votre approche visuelle, qui mêle plusieurs techniques d'animation (dessin, 3D, stop-motion, prises de vues réelles, archives TV...) ?
Dès notre premier court en animation, nous avons fait ça. Mais ça s'est vraiment affirmé avec La Saint Festin. On s'est aperçu que ces ruptures créaient du lien et de la cohérence dans l'histoire. Quand on passe d'un lieu à l'autre, finalement ce n'est jamais neutre. Le lieu et la façon dont il est pensé, meublé, éclairé, habité raconte quelque chose de bien à lui. Toutes ces techniques différentes ne sont pas là par hasard mais jouent un "personnage" à part entière qui interagit avec nos personnages dessinés.
Le film s'inscrit dans une France atemporelle, qui convoque autant Lady Di que la campagne électorale de 2007 ou les flashs infos récents de BFMtv. Quelle était votre intention ?
Nous sommes tous, sur de plus ou moins petites échelles, traversés par plusieurs époques, soit de façon directe par le vécu, soit par héritage culturel. On accumule donc tous des strates successives qui se mélangent, se confondent, se répètent plus ou moins.
A l'heure de la CGI-reine, est-il difficile de développer un tel projet ?
Oui et non. Oui, si on n'a pas au départ une réelle envie et nécessité de faire vraiment son film et qu'on est donc prêt à délayer, pervertir et étouffer son propos en écoutant les suggestions éparses et déconnectées du film, de n'importe quels intervenants habituels sur un projet. Non, si l'entreprise que vous vous fixez d'un bout à l'autre est d'être le plus entier, exigeant et cohérent avec ce que vous voulez raconter et ce que vous vous devez de faire.
Comment se porte l'animation en France ?
Le long métrage d'animation se porte bien si l'on considère l'aspect quantitatif, mais si l'on considère l'aspect qualitatif, que dire ? A part quelques films, qui se comptent malheureusement sur les doigts d'une main, on peine à y voir du cinéma.