C’est un rêve que Steven Spielberg a toujours caressé du doigt - celui de faire une comédie musicale - et qu’il réalise enfin grâce à West Side Story. Relecture de la comédie musicale de 1957 et non pas du film de Robert Wise (1961), son long-métrage rend hommage au genre et à l'œuvre d’origine.
Aussi long que l’original ?
Le réalisateur sacré d’Hollywood a mis les petits plats dans les grands avec son film qui a une durée de 2h37, soit quasiment la même longueur que l’adaptation de Robert Wise (et ses 2h33). Il faut dire que West Side Story est une oeuvre fleuve qui ne raconte pas seulement l’histoire d’amour entre deux membres de clans opposés, mais qui capture un instantané d’une époque : la pauvreté des quartiers et leur embourgeoisement à venir, les minorités qui ont du mal à joindre les deux bouts, le racisme et la violence latente… Et même si les deux long-métrages ont quasiment la même longueur, Spielberg a souhaité apporter des modifications bienvenues.
Un casting ancré dans son époque
Pour le cinéaste, il ne s’agissait pas seulement de faire un remake pour faire un remake. Lui et son équipe ont voulu corriger plusieurs aspects du film de Robert Wise. Et le premier point important était de faire appel à un casting constitué uniquement d’acteurs hispaniques pour jouer les Sharks, afin de ne pas tomber dans le whitewashing :
"Cette condition n’était pas négociable et c’est l’une des raisons pour lesquelles il a fallu un an pour réunir les acteurs et actrices. Il aurait été impossible, et même impensable, de faire un film West Side Story sans faire de notre mieux pour réunir une distribution et une équipe technique aux origines variées. Par bien des façons, la diversité des personnes qui ont fait ce film lui a donné sa forme et sa substance."
Ce West Side Story offre un coup de projecteur à des talents émergents tels que Rachel Zegler (Maria), Ariana DeBose (Anita) ou encore David Alvarez (Bernado). Alors qu'à l'époque, leurs personnages étaient interprétés respectivement à l’écran par Natalie Wood, Rita Moreno (seule actrice latina qui a tout de même dû porter un maquillage plus sombre pour paraître bronzée) et George Chakiris.
Pour rester dans cette même idée d'hommage à la culture sud-américaine, les scénaristes ont fait un choix conscient mais osé puisque 30 à 40% des dialogues sont en espagnol … non sous-titrés. Mais qu’on vous rassure, vous arriverez aisément à suivre l’intrigue même en ayant pris LV1 allemand au collège.
L’équipe chargée du casting s’est aussi penchée sur la question d’Anybodys, ce garçon manqué raillé pour sa féminité et qui rêve de rejoindre les Jets. Un "personnage qui est un homme né dans un corps de femme" tel que présenté par l’auteur du livret Arthur Laurents et joué par Susan Oakes dans le film de 61.
Pour ancrer leur comédie musicale dans notre époque, la directrice de casting a fait appel à un.e comédien.ne non-binaire interprétée par Iris Menas : "Nous en avons beaucoup discuté et avons décidé que ce rôle serait mieux joué par une personne trans. Iris Menas a participé à un casting pour la danse et quand nous l’avons présenté à Steven, il/elle a dit : "Nous nous sommes déjà rencontrés lorsque vous êtes venu dans les coulisses de "Jagged Little Pill". Iris faisait partie de la distribution. D’une certaine manière, nous avons vu à ce moment-là qu’il/elle était fait pour être dans le film."
Une différence de ton
Le West Side Story de 2021 s’adapte au monde dans lequel nous vivons. Plutôt que de suggérer la violence de gangs comme dans la version de 1961, Spielberg nous la montre à l’écran avec une élégante mise en scène - dès l’ouverture jusqu’à ce face-à-face final que les fans ne connaissent que trop bien. Même la scène où Anita est prise à partie chez Doc prend une tournure plus dramatique, plus actuelle. Le réalisateur prend aussi le temps d'approfondir le personnage de Tony (Ansel Elgort), en expliquant la raison pour laquelle le jeune garçon veut quitter les Jets. Un ajout bienvenu qui permet de renforcer sa relation avec la jeune Maria.