Synopsis : Un jeune homme est accusé d’avoir violé une jeune femme. Qui est ce jeune homme et qui est cette jeune femme ? Est-il coupable ou est-il innocent ? Est-elle victime ou uniquement dans un désir de vengeance, comme l’affirme l’accusé ? Les deux jeunes protagonistes et leurs proches vont voir leur vie, leurs convictions et leurs certitudes voler en éclat mais… N’y a-t-il qu’une seule vérité ?
AlloCiné : Votre film est l'un des premiers à s'emparer des questions #MeToo côté cinéma français. Etait -e quelque chose qui vous a particulièrement intéressé dans le fait d'adapter ce livre de Karine Tuil, Les Choses humaines ?
Yvan Attal, réalisateur et co-scénariste : Je n'ai pas réalisé que j'étais le premier. Et je ne suis peut être pas le premier d'ailleurs. Il n'y a pas d'opportunisme. Je ne me suis pas dit : "tiens, je vais faire le premier film post #MeToo !". D'ailleurs, on n'est pas post #MeToo, je pense qu'on est encore #MeToo, que le mouvement n'est pas derrière nous.
Non, j'ai été touché par un livre. Le sujet m'intéressait évidemment. Les questions posées m'intéressaient, parce que je vis à mon époque. Mais je ne cherchais pas dans cette direction. Je suis tombé sur le livre de Karine Tuil, qui m'a touché aussi pour d'autres raisons que les grandes questions du consentement ou de la zone grise.
Après c'est vrai qu'énormément de gens m'ont dit « attention ! », « tu es sûr que tu veux faire ce film ? »... Ils n'ont pas réussi à me décourager !
Comment avez-vous appréhendé cette adaptation afin d'essayer de trouver ce point d'équilibre, appréhender la complexité du récit ?
En lisant le livre, étant le père d'un garçon et le père de deux filles, je pouvais m'identifier à tous les personnages. A partir de là, j'avais envie de faire le film comme ça, de dire que c'est difficile de prendre parti dans cette affaire. Plus c'était difficile de prendre parti, plus ça montrait la difficulté de juger. C'est cela qui m'a beaucoup intéressé avec le film.
Il fallait évidemment essayer de faire le film le plus complexe possible pour servir cette idée que c'était complexe de juger. Mais en même temps, c'était toute la gageure du film. De ne pas faire un film manichéen, mais qui pourrait trahir la cause des femmes victimes. C'était ça qui était très important pour moi.
Mais après, le fait d'être comme ça sur une tangente, au bord de quelque chose, de ne pas pencher pour l'un ou de ne pas pencher pour l'autre, c'était un travail de chaque instant, et surtout au montage. Au tournage, c'était plus facile de demander aux acteurs de jouer comme s'ils étaient coupables ou de jouer comme si ils étaient vraiment innocents, et de me couvrir un peu avec eux.
En revanche au montage, on se rend compte que c'était très facile d'accabler tel ou tel personnage. Donc le montage était vraiment minutieux
Vous avez opté pour une approche en deux temps, puis une séquence de procès. Cette structure, différente du livre, était-elle là dès le départ ?
C'était tout de suite mon idée de l'adaptation. Je me souviens du premier jour où l'on a travaillé avec Yaël Langmann ma scénariste et parlé de comment nous allions adapter ce livre, je lui ai dit que je voulais ça tout de suite. Cette structure "Lui", "Elle", et le procès. Je voulais montrer comment ils s'opposaient. Il fallait qu'on soit attaché à l'un et attaché à l'autre, que l'on montre qui est l'un et qui est l'autre.
Ce n'est pas la structure du livre, même si évidemment après je me sers de ce qu'il y a dans le livre. Le film est très fidèle malgré tout.
Il y avait aussi cette idée à la Kramer contre Kramer. Un procès, c'est un personnage contre un autre. J'avais envie qu'on le raconte, qu'on le raconte elle, et qu'on les retrouve tous les deux l'un contre l'autre.
Vous avez cité cette référence Kramer contre Kramer. Aviez-vous d'autres films en tête au moment de faire ce film ?
J'ai regardé énormément de films de procès. Il y a deux films ou trois qui se détachent, par leur intensité, leur qualité comme Douze hommes en colère de Sidney Lumet. Lui, c'est un maître absolu. Music Box de Costa Gavras. La Vérité de Clouzot, qui est un film qui peut être raconte la même chose que Les choses humaines. Où est la vérité ?
J'ai eu la chance d'assister à un procès, de rentrer dans une cour d'assises, et de regarder un homme dans un box qui était accusé de viol. Cela a guidé mes choix de mise en scène. J'ai découvert à quel point la parole était importante : la parole donnée aux témoins, à l'accusé, aux avocats... C'était ça que j'avais envie de filmer. C'est ça qui se passe dans un procès.
La parole est très importante. On a envie de déceler une espèce de vérité, dans un mot, dans un silence, dans une respiration. Je me suis rendu compte du silence qu'il y avait dans la salle, qu'il n'y avait pas de « Objection votre honneur » et tout ce qui fait le spectacle de ce qu'on voit souvent au cinéma. Là, il n'y avait pas de spectacle. Il y avait une tension, une écoute vraiment importante, et c'est ce qui a guidé ma façon de filmer en plan séquence, de rester avec le personnage qui avait la parole.
C'est un film qui donne envie d'échanger en sortant, de recueillir l'impression, le ressenti de l'autre. Est-ce quelque chose qui se traduit dans les premières projections du film ?
L'envie de discuter, on la sent beaucoup. Les débats durent étonnamment longtemps, malgré l'heure tardive. Les spectateurs restent dans la salle, ils ont envie de parler, de poser des questions, de débattre autour du sujet. On se rend compte que le film fait réfléchir, au-delà de l’émotion qu'il procure. Je crois que les gens sont pris dans ce film. Ils regardent le film avec leur sensibilité.
Propos recueillis à Paris, le 23 novembre 2021, par Brigitte Baronnet