"J'ai grandi dans un quartier malfamé où on arrive mieux à obtenir quelque chose avec un mot gentil et un flingue qu'avec un mot gentil tout seul !" lance un Al Capone d'humeur plaisantine à un parterre de journalistes, tandis qu'il se fait raser confortablement installé dans son fauteuil.
Une ouverture de film culte, pour un film qui ne l'est pas moins. Les Incorruptibles de Brian de Palma, sorti en 1987 et diffusé ce soir sur Arte, est devenu un classique absolu du cinéma, avec son casting cinq étoiles, au milieu duquel émerge un fabuleux Robert de Niro sous les traits et costume du mafieux le plus puissant de l'époque, qui vivait alors son heure de gloire, en pleine période de la Prohibition.
Parmi les séquences mémorables du film figure cette glaçante et terrifiante scène de la batte de baseball, au cours de laquelle Al Capone, après avoir vanté les mérites du travail en équipe lors d'un dîner où sont réunis ses lieutenants, fracasse par derrière la tête de l'un d'eux avec la batte. Le malheureux ne voyant évidemment rien venir, tout affairé à tirer de grosses volutes sur son cigare barreau de chaise...
La séquence ci-dessous. "I Get nowhere, unless the team wins !"...
Pas une, mais trois victimes...
Si Les Incorruptibles n'est pas d'une fidélité historique à toute épreuve, de Palma prenant logiquement certaines libertés, cette séquence aurait effectivement bien eu lieu, quoique de manière sensiblement différente... Et en pire, si l'on ose dire.
John Scalise et Albert Anselmi étaient deux gangsters ayant travaillé pour Al Capone comme hommes de main, réputés pour leur férocité, particulièrement craints. C'est notamment à eux que l'on doit le très fameux massacre de la Saint Valentin ordonné par Capone, qui s'est produit le 14 février 1929 : 7 hommes furent exécutés, appartenant à la mafia du North Side, à prédominance irlandaise et contrôlé par Bugs Moran, rival d'Al Capone.
Voici ci-dessous à quoi ils ressemblaient. A gauche, Albert Anselmi; à droite John (ou Giovanni) Scalise :
En mai 1929, John Scalise, Albert Anselmi, et un autre homme mafieux du nom de Joseph “Hop Toad” Giunta, commencent à comploter contre Al Capone, pour rejoindre les rangs d'un chef mafieux rival, Joe Aiello.
Le garde du corps de Capone, Frankie Rio, découvre le plan de trahison, et prévient logiquement son patron. Capone décide d'organiser une petite réunion avec ses hommes de mains pour confondre ceux qui comptent le trahir. En réalité, il s'agit d'une mise en scène pour obtenir la preuve formelle de leur trahison.
Capone gifle Rio devant les autres, et ce dernier sort de la pièce en courant. Un peu plus tard, Scalise, Anselmi et Giunta, témoins de la séquence, proposent à Frankie Rio de se joindre à eux, pensant que celui-ci cherche aussi à trahir Capone...
Quelques jours après, Capone fait organiser un grand banquet, réunissant ses capos et autres personnalités importantes de son empire mafieux. Alors que le repas touche à sa fin, Scalise, Anselmi et Giunta sont attachés sur leurs chaises. Ils sont insultés, tandis que les autres invités leurs crachent dessus. Et finissent par être criblés de balles de calibre .38 au visage, dans la poitrine, dans les bras et les jambes.
La légende retenue dans les cercles mafieux est surtout celle de Capone, qui les auraient tabassé un par un, avec une batte de baseball, les laissant quasiment pour mort. Avant d'être effectivement achevé d'une balle de revolver. Toutefois, on n'a aucune preuve formelle que Capone participait bien à cette soirée, ou qu'il a lui-même participé à la tuerie. Car il était déjà à cette époque sous le crible des Autorités de Chicago, et il avait déjà passé depuis longtemps le stade de faire les sales besognes de ses propres mains, quand l'un de ses nombreux tueurs pouvait le faire sans problème à sa place...
Toujours est-il que leurs cadavres sont balancés sur le bas côté d'une route non loin de la ville d'Hammond, dans l'Indiana, où ils furent retrouvé le 8 mai 1929.
Voici le cliché pris des trois cadavres à la morgue de Hammond. De gauche à droite : Joseph "Hoptoad" Giunta, Alberto Anselmi et John Scalise :