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    Rosy de Marine Barnerias : "On a tous en nous une aventure qu'on doit écrire"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    A l'image d'un film comme Demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion, Rosy s'inscrit dans la lignée des documentaires inspirants et dont vous ressortez avec un élan de vie. Rencontre avec sa protagoniste principale et réalisatrice, Marine Barnérias.

    L'histoire : Marine, jeune étudiante de 21 ans, apprend qu’elle est atteinte d’une sclérose en plaques, une maladie auto-immune incurable. Le choc de l'annonce, l'urgence de la situation et le besoin de prendre une décision quant au traitement à suivre, la poussent à trouver une solution en elle... Elle décide de partir pour un long voyage initiatique dans 3 pays : la Nouvelle-Zélande pour redécouvrir son corps, la Birmanie pour apaiser son esprit et la Mongolie pour renouer avec son âme. À travers des expériences inoubliables, Marine part à la rencontre d'elle-même et d'un nouvel équilibre avec cette sclérose qu’elle surnomme Rosy. 

    AlloCiné : Ce film, Rosy, est l'aboutissement d'un voyage, puis d'un livre. Ce n'est pas quelque chose qui était prévu dès le départ...

    Marine Barnérias, réalisatrice : En fait, rien n'était prévu. Même le voyage n'était pas prévu. Dans le sens où tout s'est fait de manière extrêmement simple. Le seul leitmotiv qui m'a permis d'avancer, c'était mon intuition. Je me suis dit : je sens qu'il faut que je parte. Donc j'ai commencé à construire ce projet.

    Je suis partie. Cela a donné ce voyage qui a été ponctué par beaucoup de rencontres. Je suis partie aussi grâce à tout mon entourage qui m'a énormément soutenue. Quand je suis rentrée, je n'avais pas du tout prévu d'écrire un bouquin. Du tout, du tout. Je ne sais pas écrire. 

    Il s'est passé énormément d'étapes avant que je n'accepte de me lancer dans l'écriture. Je me suis lancée et le film est arrivé tout simplement assez naturellement après le livre où j'ai reçu énormément de lettres de personnes me disant : Marine, il faut que tu en fasses un film. Mais un film de quoi ?

    Je n'ai pas d'images, je suis partie sans caméra. Non, je ne vais pas faire le film ! Et puis à force de recevoir des lettres... Et donc c'est parti de quelque chose d'assez naturel, où je suis allé rencontrer ces producteurs qui m'avaient sollicité, mais je n'ai juste pas senti de feeling.

    Sauf que je ressentais de la part de plus en plus de personnes qu'il fallait faire un film, et là je me suis dit : je ne connais rien à cet univers, je vais monter ma boite de production. Je me suis dit que j'allais essayer de faire un film avec cette société. Il s'est avéré que mes producteurs actuels ont croisé mon chemin. Là, le feeling a opéré et on est rentré dans ce film.

    J'étais convaincue qu'il fallait que je reparte tourner des images, et ce sont mes producteurs qui ont vu mes images, m'ont demandé à voir mon disque dur avec les rushs de mon iPhone. J'ai dit : n'importe quoi, on ne peut pas faire un film avec ça. Et en fait, on s'est dit : on ne va faire un film avec que ces images là. Donc ce ne sont que des images qui n'ont jamais été tournées dans le but de faire un film. Il n'y avait aucune stratégie de faire un film. C'est du brut, et parfois ce n'est pas forcément très agréable !

    Est-ce que ces images avaient été diffusées en temps réel sur les réseaux sociaux ? 

    Pas toutes. Il faut savoir que je suis partie grâce à 344 personnes qui ont financé une cagnotte. J'en connais une partie, mais d'autres non. Ces personnes m'ont tout simplement aidé à me dire : il faut que tu y ailles. Je ne pouvais plus faire machine arrière, je ne pouvais plus annuler. Je ne pouvais pas rembourser des gens que je ne connaissais pas. C'était comme un couteau sous la gorge !

    Cela m'a lancé dans cette aventure complètement folle, et de cohabitation avec ma Rosy. Je ne peux pas dire que je suis guérie. Ma maladie est encore très présente. Mais j'arrête d'être dans le contrôle. J'essaye de me dire : comment réussir à vivre au jour le jour, et à cohabiter avec elle. Pour le moment, je vais bien. Je suis en face de vous. On verra demain...

    Cela représentait combien d'heures d'images ?

    Il y avait 30 heures de rush. Donc ce n'est pas grand chose. On a fait un film de 1h30 avec 30 heures d'images. 8 mois de voyage. Un petit iPhone, une caméra, et c'était tout. Le film s'est vraiment construit sur le banc de montage. Je ne suis pas arrivée en me disant : ok, je vais faire ça. 

    C'était une succession de rencontres et au final il n'y a pas de hasard. Cette succession de rencontres m'a fait mettre un pied devant l'autre pour rentrer dans cette aventure filmique. Cela a duré trois ans. 

    Rosy
    Rosy
    Sortie : 5 janvier 2022 | 1h 27min
    De Marine Barnérias
    Presse
    3,1
    Spectateurs
    4,1
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    Qu'est-ce que ce voyage vous a apporté ?

    Les retombées du livre ou du film, ça ne m'intéresse pas trop; c'est quelque chose d'éphémère. Ce qui m'importe le plus dans mon coeur, c'est de me dire : n'oublie pas d'où tu viens. N'oublie pas par quelle étape tu es passé. N'oublie pas comment tu es passé d'une étape à une autre. N'oublie pas d'où tu viens, c'est extrêmement important pour moi. Ce qui n'est pas éphémère, c'est de se rappeler d'où l'on vient. C'est quelque chose d'extrêmement important.

    Ce que je retiens, c'est que cette aventure m'a apportée trois choses : il n'y a aucun pays, aucune destination, que j'ai préféré; chaque destination était en corrélation avec l'autre. La Nouvelle Zélande m'a vraiment appris la puissance des mots; à quel point les mots pouvaient tuer. La Birmanie m'a appris la puissance du silence. La Mongolie m'a juste montré l'immensité de choix qui s'offrait devant nous. 

    Aujourd'hui, j'ai un milliard de trucs à apprendre. Je suis très jeune, j'ai tout à apprendre; j'ai tout à découvrir. Je n'ai rien acquis. C'est hyper important. Il n'y a pas une bonne manière; je ne suis pas en train de dire il faut faire comme ci ou il faut faire comme ça. La meilleure manière, c'est juste de s'écouter. Moi ça a été ce voyage. Mais ça peut être une aventure artistique, une aventure personnelle, une aventure d'écriture. On a tous en nous une aventure qu'on doit écrire. C'est seulement ça mon film, c'est de réveiller cette petite force qui sommeille en chacun d'entre nous.

    Ce film peut nous parler à plein de niveaux... C'est un film qui donne de la force. Le film s'apprécie aussi différemment avec la période que nous vivons...

    Le pire enfermement pour moi, c'est nous-même. Tu peux être enfermé, mais tu peux être libre. Le pire enfermement, c'est la perception des choses. Oui, on vient de vivre une crise sanitaire sans précédent. Quelque chose qui nous a divisé, et qui continue de nous diviser aujourd'hui. J'essaye de voir sans être dans une utopie. Ok, il y a cet enfermement, cette séparation, cette division. Aujourd'hui on est dans un monde divisé. Mais après, il y a cette unité intérieure qui est le plus important.

    Je me dis qu'avant de vouloir changer le monde, avant de vouloir changer les autres, est-ce que, moi, déjà je suis alignée avec ce que je raconte ? Est-ce que, moi, déjà dans mon quotidien je suis alignée avec ce que je fais ? Pas toujours. Pas toujours. Mon film est aussi le reflet de ce que je ne fais pas bien.

    Marine, c'est bien d'avoir de beaux discours, de faire de belles phrases, mais est ce que tu fais ce que tu dis ? Ben non, pas tout le temps. Ce n'est pas utopique. Ce n'est pas : voilà tout va bien. C'est un travail au quotidien, et pas qu'avec moi, avec mes proches, ma famille. Cette remise en question que je dois avoir.

    Forcément quand tu racontes un message, tu es tellement convaincu de ce que tu veux raconter. Mais il faut toujours faire attention où tu places ton ego, où tu places le regard d'autrui par rapport à tout ça. Comment tu restes enraciné ? Où sont nos racines ? Tout le reste, ça s'en va. Le plus important est de se rappeler où sont nos racines. C'est ce que j'essaye de faire en ce moment.

    Ce film me le rappelle car on peut vite les oublier. Ce voyage était il y a 4 ans. J'ai évolué depuis, dans les bons et les mauvais côtés. On grandit, on apprend. On trébuche, on tombe, on recommence. Mais pour moi, c'est aussi une piqure de rappel vis à vis de moi-même. Avant de donner un message aux autres, c'est assez égoïste, mais je me donne aussi un message à moi. J'essaye de me le rappeler au quotidien. 

    Avez-vous envie de repartir ?

    Ce n'est pas du tout la période de confinement qui me donne envie de repartir. J'ai beaucoup voyagé en étant enfermée aussi. Je sais que je vais repartir. Je le sais dans mon coeur. C'est déjà prévu. Mais chaque chose en son temps. 

    Un dernier mot ?

    Ce film est un remerciement énorme envers toutes les personnes qui m'ont permis de le faire. Ma mère, mon père, ma soeur et les 344 inconnus. C'est un remerciement envers ma famille qui a osé sortir de sa zone de confort pour me faire confiance. C'est un remerciement envers ces inconnus. Pour moi ce sont tous des mini collaborateurs de cette aventure. Le fait de l'avoir mis en image, pour moi, le film ne m'appartient plus. Il va voler et j'espère qu'il va semer quelques graines.

    J'espère que les gens qui ont contribué à le financer vont en être fiers. C'est une oeuvre collaborative avec plein de gens différents.

    Propos recueillis au Festival du film francophone d'Angoulême 2021

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