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    Chère Léa : "Raconter le hors champ de cette passion" entre Anaïs Demoustier et Grégory Montel

    Grégory Montel et Anaïs Demoustier sont les têtes d'affiche de "Chère Léa", nouveau long métrage de Jérôme Bonnell ("Le Temps de l'aventure", "A trois on y va"). Une romance singulière dont la narration prend une tournure rare et délicate.

    L'histoire : Après une nuit arrosée, Jonas décide sur un coup de tête de rendre visite à son ancienne petite amie, Léa, dont il est toujours amoureux. Malgré leur relation encore passionnelle, Léa le rejette. Éperdu, Jonas se rend au café d’en face pour lui écrire une longue lettre, bousculant ainsi sa journée de travail, et suscitant la curiosité du patron du café. La journée ne fait que commencer... 

    Chère Léa
    Chère Léa
    Sortie : 15 décembre 2021 | 1h 30min
    De Jérôme Bonnell
    Avec Grégory Montel, Grégory Gadebois, Anaïs Demoustier
    Presse
    3,4
    Spectateurs
    2,5
    louer ou acheter

    AlloCiné : Chère Léa est une histoire d’amour, mais racontée d'une façon comme rarement au cinéma, à travers cette lettre et une certaine temporalité...

    Anaïs Demoustier, comédienne (Léa) : Oui, le temps du film est un temps qu’on voit rarement au cinéma. Ce n’est en effet pas la rupture, pas le début de l’histoire… Je dirais que c'est peut être le temps de la résonance d’une histoire. C’est-à-dire quand elle n’est pas encore vraiment finie. Ou qu’elle est finie, mais qu’il reste encore tellement de choses en soi que l’histoire est encore existante dans nos vies.

    On sent que c’est l’histoire d’une passion. Une histoire qui a dû être compliquée et qu’elle a bouleversé les protagonistes, Grégory Montel et moi. J’ai un petit rôle dans le film. On me voit peu, mais je savais qu'il s'agissait de scènes où il y avait beaucoup d’enjeux à cause de cette histoire qu’il fallait faire exister sans qu’on en soit si renseigné que ça.

    Grégory Montel, comédien (Jonas) : Oui, c’est une réminiscence, un reste de quelque chose qu’il va falloir gérer, digérer. 

    Jérôme Bonnell, scénariste et réalisateur : Quand j’ai commencé à imaginer cette histoire, je me suis posé cette question : quoi faire de cette époque du tout montrer et du tout voir ? Quoi faire de cette consommation effrénée des images et de l’information ?

    Il me semblait que la place du cinéaste était de plus en plus dur à caractériser. Essayer de retrouver une sorte de geste source, en me disant : le cinéma, c’est quoi ? C’est un cadre où l’on met autant de soin dans ce qu’on montre que ce qu’on cache.

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    La passion amoureuse me passionne. Je trouve ça extrêmement difficile à filmer. Il y a de beaux exemples dans le cinéma, mais assez rares de façon très réussie, et quand c’est réussi, c’est inoubliable.

    Je me suis dit que ce serait intéressant de raconter le hors champ de cette passion, et que le hors champ le raconte d’autant plus. C’est l’histoire d’un homme qui s’assied un court instant dans un café, qui écrit une lettre d’amour à une femme qu’il souhaite récupérer et qui habite l’immeuble d’en face.

    Ce qu’il croit qui va lui prendre 15 ou 20 minutes va lui prendre la journée entière, et cette journée va résonner avec sa vie entière. Une espèce de bilan souterrain. Ce café, qui va devenir le décor principal du film, va profondément résonner avec ce qu’il vit.

    Quand on est dans un état de souffrance amoureuse, ou de souffrance tout court, ou qu’on regarde autour de soi, tout nous rappelle ce que l’on ressent. Un café c’est merveilleux pour ça. J’adore observer ce qui se passe. J’ai même piqué des dialogues entiers en entendant des conversations !

    Donc le film, c’est tout ça en même temps. C’est une grande ambition pour moi d’essayer de raconter de très grandes choses à travers des choses en apparence toutes petites. D’assumer cette chose là, avec une apparente légèreté. C’est quelque chose qui me touche beaucoup. 

    Comme l'explique Jérôme Bonnell, Chère Léa s'intéresse beaucoup à la notion de hors champ...

    Anaïs Demoustier : Le film laisse beaucoup de place au spectateur. Grégory Montel, pendant tout le temps du film, écrit une lettre à son ex. En fait, on n’a jamais accès à cette lettre. J’ai vu le film deux fois et à chaque fois je me suis raconté ce qu’il écrivait, et c’était des choses différentes. Le spectateur peut projeter tout ce qu’il veut dans cette lettre ! Projeter des choses de sa propre vie aussi. Ça donne envie d’écrire des lettres. C’est beau !

    Il y a aussi des personnages secondaires pour lesquels on imagine plein de choses de leur vie. Ce sont des personnages qui vont, qui viennent dans ce décor unique. 

    Grégory Montel : Le hors champ est important car il vient étayer l’histoire. Tout ce qui se passe à côté a une résonance pour l’histoire. C’est à la fois une inspiration pour sa lettre, et en même temps, pour le spectateur, ce sont aussi des éléments de compréhension, et c’est peut être une extension de ce qui se passe dans la tête de Jonas. Où est ce qu’il en est ?

    Anaïs Demoustier : Ce que j’adore aussi, c’est que c’est l’histoire de cet homme, cette journée, où l’on voit jaillir toute sa vie, lui est obsédé par cette lettre, par cette femme, par cette histoire d’amour. Mais en fait, il y a son travail, son enfant, son ex femme… Et dans la vie, on est tout le temps comme ça traversé, rattrapé par des trucs qui nous constituent.

    Je trouve ça beau car ce film est vraiment un portrait de cet homme, et un portrait de l’homme qui l’incarne. Quand un film est autant centré sur un acteur, à un moment, c’est sa musique, c’est lui. Grégory a apporté énormément de choses.

    Grégory Montel : Chaque acteur vient avec son individualité, sa singularité systématiquement… C’est un peu une lapalissade. Ce qui était intéressant, c’était la découverte d’un autre monde artistique, d’une autre façon de faire du cinéma. Je m’y suis glissé avec beaucoup de plaisir parce que j’ai découvert l’horloger qu’était Jérôme Bonnell. Et pour moi acteur en apprentissage permanent c’était fort agréable de continuer à apprendre.

    Anaïs Demoustier : La délicatesse et la pudeur, c’est exactement pour moi ce qui résume le mieux le cinéma de Jérôme Bonnell. Sa façon de regarder les gens, la vie, les acteurs. Evidemment quand on fait un film qui parle d’une histoire d’amour c’est toujours super quand on est regardé par quelqu’un qui a cette finesse. C’est quelqu’un qui parle très bien d’amour et qui créé de très beaux personnages féminins. Même ici en ayant un petit rôle, c’est riche, c’est juste, c’est jamais caricatural.

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    Selon vous, que dit le film de la masculinité ?

    Jérôme Bonnell : Moi qui me suis beaucoup caché derrière des personnages féminins, je trouve que c’était une belle occasion de remonter ses manches pour de bon et raconter directement un homme. Et Dieu sait que je ne cours pas après l’auto-portrait.

    Je veux avoir vraiment une grande impression de fiction. Je sais que l’inconscient est roublard et à quel point on se raconte malgré soi, même à travers des personnages féminins. C’est comme un petit masque à se donner vraiment un grand sentiment de fiction.

    Je voulais raconter la fragilité du masculin. Je voulais également raconter cette chose qui n’est vraiment pas glorieuse, qui est l’insupportable indécision des hommes. Je trouve qu'elle est trop peu traitée au cinéma, en tout cas telle qu’elle existe. Cette espèce de peur masculine. Cette espèce de relief que prend la peur quand elle est masculine.

    C’est l’histoire d’un homme qui a vraiment tout fait trop tard. Quitter sa femme, revenir vers sa maîtresse, régler ses histoires de travail, dans ce temps rétréci qui est cette journée. C’est une espèce de mise en abyme qui raconte un temps de sa vie. Il a la quarantaine, et toutes les questions et peurs qu’il traverse à ce moment là. J’espère que tout ça est dans le film, que tous ces échos sont dans le film.

    Grégory Montel s’est emparé de ça avec une espèce d’énergie. Il a réglé directement la question de l’auto-portrait tellement on est différents l’un de l’autre et tellement il m’a emmené ailleurs. L’énergie de Grégory a beaucoup contribué à apporter de la comédie. Il a eu une façon de s’emparer du rôle où il m’a mis dans une position de spectateur. C’est génial quand le film devient une exploration et que le résultat n’est pas ce qu’on attendait. J’adore ça !

    Propos recueillis au Festival du film francophone d'Angoulême 2021

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