Récompensé par le Grand prix du jury et le Prix du public au dernier festival de Sundance, CODA a fait sensation lors de sa présentation aux Etats-Unis comme La Famille Bélier en son temps en France. Cette histoire touchante d’une jeune fille qui se prend de passion pour la chanson alors qu’elle est issue d’une famille où toutes les autres membres sont malentendants a une portée universelle.
CODA, un film écrit et réalisé par Siân Heder avec Emilia Jones, Marlee Matlin, Eugenio Derbez, Troy Kotsur, Daniel Durant…
AlloCiné : Aviez-vous vu La Famille Bélier, le film français à l’origine de ce remake, et dans quelle mesure votre film est-il différent de l’original ?
Siân Heder : J’ai pleuré quand j’ai vu La Famille Bélier et je me suis tout de suite dit que cela ferait un remake parfait pour un film américain. J’ai grandi sur la côte est, près de Boston, et tous les étés je passais beaucoup de temps dans un petit village de pêcheurs. Comme dans le film. J’étais donc familière avec l’ambiance qui règne dans ce genre de communauté et avec le fait que la vie est parfois très rude.
J’étais aussi intriguée par la culture des "codas" qui correspond au nom donné aux enfants de sourds et malentendants. Ce n’est pas simple pour un enfant "normal" de faire partie de cette communauté et d’être déchiré entre les deux mondes, celui de ceux qui entendent et celui de ceux qui sont sourds ou malentendants. Pour moi, il était crucial d’employer des acteurs qui étaient véritablement malentendants ainsi que de créer tout une communauté de spécialistes du langage des signes sur le tournage.
Marlee Matlin : Tout d’abord je suis tombée amoureuse du script et du rôle de Jackie Rossi. Ce rôle était parfait pour moi et je ne pouvais pas passer à côté de l’occasion de faire ce film si authentique et si beau. Ma rencontre Siân Heder, n’a fait que confirmer mon engagement sur ce film. En tant qu’actrice je ne tenais pas à voir le film original pour ne pas être influencée par ce que les autres acteurs avaient fait. Je voulais vraiment créer ma propre Jackie Rossi. Je crois aussi que d’être vraiment sourde a rajouté un peu plus d’authenticité à notre version car il me semble que, pour le film français, ils n’ont pas employé beaucoup d’acteurs malentendants.
Emilia Jones : J’ai vraiment adoré le rôle de Ruby dès la première lecture. C’est vraiment une belle histoire qui m’a beaucoup émue ; j’ai même pleuré. Cela m’a fascinée d’apprendre le langage des signes ainsi que d’apprendre à pêcher. J’ai regardé, avant le tournage, le film français que j’ai beaucoup aimé, même s’il est différent du nôtre, de par l’environnement dans lequel évoluent les deux familles. Les deux films sont dans tous les cas des lettres d’amour au concept de la famille, ils célèbrent tous les deux l’esprit de famille.
Troy Kotsur : Je n’ai pas encore vu le film français mais j’ai néanmoins regardé la bande-annonce avant le tournage de notre film qui me semble assez différent et unique. Dans La Famille Bélier, ce sont des agriculteurs et nous, les Rossi, nous sommes des pêcheurs. Je pense que notre film est un peu plus authentique avec des acteurs vraiment malentendants comme moi.
Daniel Durant : Cela m’a vraiment fait plaisir de lire un script avec des personnages qui sont comme moi sourds ou malentendants. Et puis comment refuser de jouer aux côtés de Marlee Matlin. Je n’ai pas vu le film français mais je ne pensais pas en avoir besoin pour trouver ma voie avec mon rôle.
A quels défis avez-vous dû faire face avec ce film ?
Siân Heder : Tout d’abord, ce fut un vrai défi d’apprendre le langage des signes. Au fur et à mesure du tournage j’ai vraiment appris à mieux communiquer. La preuve est que nous avions 7 interprètes au début et plus que 3 en fin de tournage. C’est vraiment la première fois que nous avons pris le temps de vraiment communiquer avec les acteurs. D’habitude c’est la course sur un tournage. Mais ici, vu les circonstances, il fallait se poser un peu plus et passer plus de temps à vraiment expliquer clairement la vision qui m’habitait pour ce film et ces personnages.
Un autre défi fut le tournage en mer avec une flotte de 7 bateaux en permanence pour capturer parfaitement chaque scène. Nous avons utilisé de vrais bateaux de pêche et embauché leurs équipages pour nous servir de consultants. Finalement, l’enregistrement live de la musique et des diverses chorales que vous voyez dans le film m’a donné quelques sueurs.
Marlee Matlin : En fait, ce film a été tout sauf un défi car je me suis sentie comme chez moi sur le plateau. En effet, les producteurs avaient créé un environnement parfait pour les malentendants avec des interprètes connaissant notre langage partout où nous nous trouvions. Et j’avais des partenaires à l’écran qui ont le même handicap. Vraiment, je ne me suis jamais aussi bien sentie sur un tournage que sur celui de Coda. A la fin vous aviez même des membres de l’équipe technique qui avaient appris notre langue des signes. Tous les jours c’était un plaisir de venir travailler sur ce film.
Emilia Jones : Sans aucun doute, ce ne fut pas simple d’apprendre la langue des signes. Mais ce fut tellement beau d’apprendre avec des acteurs vraiment malentendants.
Troy Kotsur : Ce qui fut amusant et un mini défi a été de m’habituer à avoir un micro sur moi alors que je ne parle pas et que je n’entends rien. Mais l’équipe technique m’a expliqué qu’ils avaient besoin d’enregistrer les sons faits avec mes gestes et avec mes vêtements. Au fur et à mesure du tournage, je me suis donc habitué à avoir ce micro sur moi.
Daniel Durant : Sans hésiter, le plus grand défi fut d’apprendre à pêcher ! C’est vraiment un métier difficile. Rien que d’apprendre à faire les nœuds marins, c’est un véritable casse-tête !
Quels sont les thèmes et les messages de Coda ?
Marlee Matlin : J’espère qu’en voyant ce film, le public comprendra et apprendra que nous avons, nous les sourds et malentendants, notre propre culture et que nous sommes très protectionnistes de cette culture. Nous sommes fiers de ce que nous sommes et nous avons une histoire riche à partager avec les autres. Saviez-vous, au fait, que la langue des signes américaine vient de celle créée par les Français ? J’en suis reconnaissante. J’espère que l’audience sera émue par cette belle histoire qui ne tente pas de victimiser les sourds et malentendants. J’espère que ce film fera prendre conscience au public que nous faisons partie de la société comme vous et que nous sommes tous des partenaires potentiels.
Siân Heder : C’est un film sur la famille, un film sur le parcours d’une jeune fille qui se cherche et finit par se trouver. C’est un film sur le concept de "grandir" et comment il est difficile de grandir en suivant sa propre voie lorsque l’on vient d’une famille aussi soudée mais aussi interdépendante comme celle de notre film. C’est vraiment un film, également, sur la "communication", que l’on soit malentendant ou pas. Comment on se doit de communiquer clairement et avec honnêteté, au sein de sa famille.
Emilia Jones : C’est vraiment, en effet, un film sur la communication entre les êtres. Et, c’est vraiment un film sur la famille. Je pense qu’en ces temps de pandémie, il n’y a rien de plus important que la famille ; c’est bien ce que ces temps difficiles nous ont montré. J’espère aussi que le public en apprendra un peu plus sur les sourds et malentendants.
Troy Kotsur : J’espère que ce film montre qu’une famille faite de sourds et de personnes qui ne le sont pas n’est pas si différente qu’une autre famille où tout le monde parle et entend. Il est toujours question d’amour, de communication, de compréhension. Tout ceci est au cœur de toutes les familles.
Daniel Durant : Je suis d’accord avec le reste de l’équipe, c’est avant tout un film sur la famille et non, seulement sur la communauté des sourds et malentendants. C’est un film qui montre comment il est difficile de garder entière sa famille, de faire en sorte que tout le monde reste "ensemble" même si chacun doit suivre un chemin différent. J’espère aussi que ce film montre que nous pouvons avoir des rôles plus importants dans un film ou dans une série.
Parlez-nous de votre collaboration avec la réalisatrice Siân Heder.
Marlee Matlin : Je suis vraiment reconnaissante à Siân de s’être totalement intégrée à notre communauté et en ayant même appris la langue des signes. Elle avait la parfaite sensibilité et vision pour réaliser ce beau film. Elle a fait vraiment preuve d’une grande passion pour nous et pour cette œuvre.
Emilia Jones : C’est une femme incroyable et j’ai tellement appris avec elle. D’apprendre ensemble la langue des signes fut une expérience unique et vraiment émouvante. C’est une réalisatrice passionnée et j’espère que nous aurons encore l’occasion de travailler ensemble.