Plongée dans les quartiers Nord de Marseille à travers une équipe de la brigade anti-criminalité qui franchit la ligne jaune, Bac Nord est le nouveau film de Cédric Jimenez à découvrir dans les salles. Incarnés par François Civil, Karim Leklou et Gilles Lellouche, les flics de la BAC Nord du long-métrage cherchent à améliorer leurs résultats alors que le taux de criminalité ne cesse d’augmenter.
Ils adaptent alors leurs méthodes discutables pour éradiquer la délinquance jusqu’à ce que le système judiciaire se retourne contre eux. Ce polar d’action coup de poing, qui rappelle Les Misérables de Ladj Ly dans sa mise en scène, est inspirée d’une véritable affaire qui a fait scandale il y a neuf ans.
L'affaire de la BAC Nord
En octobre 2012, l'affaire de" la BAC Nord" éclate et incrimine des membres de la brigade anti-criminalité de la cité phocéenne désignés alors comme des "ripoux" et comme "une bande organisée" qui aurait commis des violences aggravées et des extorsions, comme le rapportait Le Monde.
Ces policiers de la BAC Nord de Marseille ont été les acteurs d’un scandale médiatique politico-judiciaire visant à faire le ménage dans la police gagnée par "une véritable gangrène" selon Jacques Dallest, le procureur de la République de Marseille de l'époque.
Jérôme MACE/Chifoumi Productions
Sept ans plus tard, les charge les plus graves sont abandonnées et dix-huit membres de la BAC de l'époque sont déférés en correctionnelle pour trafic de stupéfiants et vols en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions. Cette histoire avait donc fait grand bruit à l’époque et Cédric Jimenez, originaire de Marseille, a tout de suite été intéressé par les faits :
"Le show médiatique était tel que j’ai ressenti le besoin de savoir ce qu’il s’était passé. À quel point ces flics avaient-ils pu franchir la ligne jaune ? Mais pour cela, il fallait avoir accès aux policiers, au dossier. Ce qui était évidemment impossible. Quand on a décidé de travailler ensemble, avec Hugo Sélignac, mon producteur, j’avais toujours en tête cette affaire.
C’est là qu’il me dit 'Attends, je connais quelqu’un à Marseille qui pourrait nous présenter les vrais flics de l’affaire'. Et c’est ce qui s’est passé. J’ai pu rencontrer toute la BAC Nord de l’époque, m’entretenir avec ces hommes."
Jérôme MACE/Chifoumi Productions
Cédric Jimenez, qui a pu compter sur des entretiens avec les véritables policiers au cœur du scandale pour accompagner l’équipe technique et les acteurs tout au long de la conception du film, estime que l’abattage médiatique était disproportionné même si leurs actes devaient évidemment être jugés :
"Quand le procureur a abandonné les charges principales, il n’y a pas eu un mot dans les médias alors que leur arrestation avait fait la une pendant plusieurs jours. Du coup, ils étaient heureux d’être écoutés et de raconter comment ils en étaient arrivés là. Ils ont fait des conneries, c’est indiscutable, mais l’ampleur médiatique que ça a pris était disproportionnée."
Pour Bac Nord, qui évoque des sujets sensibles, Cédric Jimenez a pris le parti de ne pas condamner ni disculper les policiers ou de légitimer leurs actes : "Certes, ces flics agissent sous l’égide policière mais, finalement, ils sont plus proches des mecs des quartiers que du corps politique qui, lui, n’y a jamais mis les pieds. J’ai rencontré beaucoup d’habitants pour qui ces flics font partie du quotidien : ils se côtoient, interagissent, apprennent à vivre ensemble dans un contexte très particulier."
L’affaire de "la BAC Nord" était un moyen pour Cédric Jimenez de raconter un thriller haletant à hauteur d'homme et à poser des questions sur les dérives de notre société et des instances de pouvoir :
"Bac Nord n’est pas un film pro ou anti-flic. Et mon rôle n’est pas de me substituer à celui de la justice. Je souhaitais simplement raconter l’histoire de trois hommes et exposer, à travers leur métier et ce qu’ils ont traversé, les failles d’un système ; un système où ceux qui sont en bas de l’échelle sont systématiquement sacrifiés. Un système qui ignore ses fonctionnaires et qui oublie les habitants des cités."
Une affaire encore en cours
Près de dix ans après la révélation des faits, l'affaire de "la BAC Nord" est toujours en cours. Francetvinfo rapportait que, le 22 avril 2021, le tribunal correctionnel de Marseille avait enfin rendu son jugement en relaxant 7 policiers et en condamnant les 11 autres à des peines de prison avec sursis, pour des vols de drogue, d'argent et de cigarettes.
Jérôme MACE/Chifoumi Productions
Mais une semaine après le jugement, l'AFP annonce que le parquet a fait appel de cette relaxe et que douze des 18 anciens baqueux concernés par l'affaire seront rejugés. Seuls deux des sept policiers relaxés ont été définitivement blanchis dans le dossier.
Ceux qui avaient écopé de peines de prison avec sursis ont bénéficié d'un jugement clément puisqu'aucune condamnation ne sera inscrite dans leur casier judiciaire. À noter que quinze des anciens baqueux sont toujours policiers. L'affaire de "la BAC Nord" qui a secoué Marseille n'est donc toujours pas terminée.
Bac Nord - comment François Civil a trouvé son personnage :
