On prend les mêmes (ou en tout cas quelques-uns), et on recommence. Cinq ans après le premier opus, le Suicide Squad de DC revient sur grand écran. Harley Quinn, Captain Boomerang, Rick Flag ou Amanda Waller sont encore de la partie, et ils accueillent une poignée de petits nouveaux. Dont des personnages incarnés par Idris Elba, John Cena ou Sylvester Stallone.
Il y a aussi du changement derrière la caméra, puisque James Gunn remplace David Ayer, entre deux volets des Gardiens de la Galaxie. En compagnie du producteur Peter Safran et d'une partie de son casting, le réalisateur évoque son nouveau bébé, et ses premiers pas chez DC.
AlloCiné : De tous les super-héros du catalogue DC, pourquoi avoir choisi "The Suicide Squad" James ?
James Gunn : Pendant que je terminais Les Gardiens de la Galaxie 2, Warner et DC ont sorti deux films dont j’étais un peu jaloux et que j’aurais aimé mettre en scène : le premier Suicide Squad et Shazam ! J’aime ces deux univers et je pense que j’aurais pu m’y atteler en tant que réalisateur. J’ai donc sauté sur l’occasion de faire ma version de Suicide Squad comme un film de guerre des années 60, mais avec des super-vilains.
Je voulais également rendre hommage à ce que le créateur des comic books, John Ostrander, avait fait avec cet univers. Je voulais le faire avec un gros budget afin d'aboutir à un film ultra explosif. Celui-ci m’est venu naturellement, sans effort réel. Je pense que l’on n’a pas encore vu cela chez les super-héros. Le spectacle que l’on vous offre est impressionnant. Et je savais aussi que personne n’aurait pensé que j'en prenne les commandes, j’adore créer la surprise avec tous mes projets.
Êtes-vous entrés facilement dans vos personnages respectifs ?
John Cena : Je pense que nous sommes tous humains et qu'il est vraiment rare de tomber sur quelqu’un de 100% mauvais. James Gunn nous a donné la possibilité d’interpréter des héros qui ne sont jamais tout à fait mauvais, ni tout à fait bons. Pour moi, la difficulté était de marcher sur une fine ligne entre le Bien et le Mal. Peacemaker tente de trouver son harmonie dans le chaos de la situation au sein de laquelle il est plongé. Il lui faut trouver un cœur quand le besoin s’en ressent, et il lui faut tirer sur tout ce qui bouge quand le moment l’exige.
Margot Robbie : Je suis d’accord avec John quand il dit que personne ne peut être mauvais à 100%. Je ne pense pas que ces personnages se voient comme mauvais. Ils ont leur propre morale, leur propre code de conduite. Chaque personnage a sa propre vision de ce qui lui semble bon de faire ou pas. Tout n’est que perception, et la perception qu’ils ont de ce qui est bon ou mauvais est différente de la nôtre. Mais cela ne veut pas dire qu’ils sont à 100% mauvais.
Idris Elba : Pour moi il a suffi d’écouter la vision de James Gunn. Je me souviens de notre première conversation, à l’hôtel Chateau Marmont de Los Angeles, où il m’a expliqué qu’il voulait montrer les faiblesses et les peurs de ces super-héros. Pour lui, ces personnages sont comme des Charles Bronson dans un film des années 80 : c’est Bronson qui se cache sous leur costume. Pour moi cela m’a permis de transformer un méchant en quelqu’un de plus humain, en une vraie personne de chair et de sang.
Personne n’aurait pensé que je prenne les commandes de The Suicide Squad (James Gunn)
Quelle a été l'approche d'Harley Quinn dans ce film ?
Margot Robbie : Je pense que dans chaque film où elle apparait, je découvre des choses nouvelles à propos d’elle. Dans ce film elle est encore célibataire mais elle est prête à trouver l’âme sœur. Ou en tout cas un nouveau flirt. Elle a commencé ses aventures comme la petite amie du Joker, mais maintenant elle est définitivement sortie de son ombre et a pris son destin en main. Et comme je le dis toujours : au final, elle est un catalyseur pour le chaos qui grandit autour d’elle.
Le mouvement #MeToo a-t-il changé sa nature et l'écriture du personnage ?
Margot Robbie : Je pense que, par une étrange coïncidence, c’est à ce moment que les femmes sont devenues beaucoup plus dures à cuire au cinéma. Avant même le mouvement #MeToo. De plus, le gros des fans de cinéma, c'est des femmes aujourd’hui. C’était sans doute une évolution naturelle que de constater que les femmes dans des rôles de super-héros font aussi bien vendre, voire mieux, que des hommes dans des rôles similaires.
Quel a été le personne le plus difficile à adapter ?
James Gunn : Sans aucun doute Bloodsport, joué par Idris Elba. Car je voulais absolument Idris dans mon film, mais je n’étais pas certain du personnage qu’il pouvait jouer. Nous avons donc pris quelques libertés par rapport au personnage des comic books. De plus, son costume fut une vraie prise de tête à élaborer. Il utilise tellement d’éléments pour en faire des armes, que nous perdions parfois le cap au moment de nous souvenir où chaque pièce devait retourner sur son costume, une fois utilisée.
A-t-il été difficile de convaincre Sylvester Stallone de prêter sa voix à King Shark ?
James Gunn : Je connais Sly depuis fort longtemps, donc cela n’a pas été difficile. Je lui ai parlé du rôle et il a tout de suite accepté mon offre. Même lorsque je lui ai décrit le personnage comme un méga requin un rien stupide. Cela l’a faire rire et il est monté à bord. Et j’avais vu juste : avec sa voix, King Shark est vraiment impressionnant et parfait. Comme lorsque j’avais pris la voix de Vin Diesel pour Groot dans Les Gardiens de la Galaxie.
Peter Safran : James avait écrit le rôle de King Shark en pensant à Sylvester. Donc depuis le début, avant même que nous tournions le film, il faisait partie de The Suicide Squad. Mais heureusement qu'il a accepté notre offre, sans quoi nous aurions été bien embêtés pour trouver quelqu’un d’autre.
Sylvester Stallone : Je suis arrivé un peu tard sur le projet, vu que je ne fais que la voix du personnage de King Shark. Je ne pouvais pas dire non au génie de James, qui sait plus que personne faire un film d’action explosif. Mais j’aime aussi le ton humoristique du film ainsi que son côté humain, plein de compassion. De plus, James a vraiment su s’entourer des meilleurs acteurs pour incarner cette bande de super-vilains. Tout le monde est vraiment parfait dans son rôle.
En tout cas je comprends pourquoi James a pensé à moi car je parle vraiment comme King Shark (rires) Et puis j’aime faire partie d’un film où le le poids de la production ne repose pas que sur moi. J’adore faire partie d’un ensemble aussi riche avec d’autres acteurs. Je suis vraiment en admiration face au talent de James Gunn. Je ne saurais pas réaliser un tel film, je fais partie d’une autre génération et mes films ont tendance à être plus terre-à-terre. James est vraiment un fan de ce genre de film et il a fait un travail incroyable avec The Suicide Squad.
Vous qui êtes une star du genre : quels sont les ingrédients pour faire un bon film d'action ?
Sylvester Stallone : Bonne question ! Tout le monde peut faire un film d’action, car la base de la recette c’est de faire plein de bruit avec beaucoup de mouvements. Mais pour faire un bon film d’action, il faut aussi ajouter beaucoup de coeur et un soupçon d’humour. Vous avez besoin d’un peu d’humour, même noir, pour laisser la tension du film retomber, se détendre.
Si vous n’avez que de l’action non-stop, vous finissez par essouffler votre public. Même en tant que star de films d’action, j’ai besoin de montrer ma sensibilité et mon sens de l’humour de temps en temps. Cela rend les personnages que j’incarne plus humains, plus réalistes. Il faut aussi, de temps à autres, savoir prendre des coups. Saigner même. Afin de montrer que vous n’êtes pas un super-héros mais un être humain comme un autre, qui se bat pour survivre face à l’adversité dressée face à lui.
Quel a été le plus grand défi de "The Suicide Squad" ?
James Gunn : De très loin, la crise sanitaire du Covid-19 ! Tout allait bien jusqu’à ce que la pandémie ne commence. À part quelques hésitations sur le casting, tout s’était parfaitement mis en place. Nous avons heureusement pu tourner le film en grande partie juste avant le Covid. Mais toute la post-production s’est déroulée pendant cette crise que nous venons de traverser.
Nous avons eu de la chance de ne pas avoir à re-tourner quoi que ce soit. Mais monter ce film loin de mon monteur, de mon compositeur et de mon mixeur sonore fut assez périllieux. Travailler chez moi sur mon ordinateur m’a toutefois permis de disséquer chaque plan, chaque scène avec encore plus d’attention afin de me permettre de construire le meilleur film possible.
Pour faire un bon film d’action, il faut aussi ajouter beaucoup de coeur et un soupçon d’humour (Sylvester Stallone)
Que représente un tel film pour vous ?
James Gunn : Je pense que ce film est avant tout une réflexion sur le monde qui est, en ce moment, en pleine transition et la façon dont nous nous adaptons face à ce changement. Ce n’est pas simple, vous le voyez bien. Comment nous réagissons face à tout ce qui se passe, que nous soyons un homme ou une femme, de telle ou telle ethnicité, etc. Ce n’est pas facile de faire un film qui doive avant tout divertir mais aussi tenter de dire quelque chose.
Sylvester Stallone : Moi je ne pense pas que ce soit un film construit pour provoquer telle ou telle réflexion philosophique. Je pense que c’est du divertissement pur, principalement. Pour moi c’est vraiment un film qui permet de passer un bon moment.
Idris Elba : Créer du divertissement pur, c’est pour cela que je fais ce métier. C’est aussi le plaisir de créer un film que l’on peut enfin voir sur un grand écran au cinéma, car c’est une expérience irremplaçable.
John Cena : Pour moi comme pour mon personnage de Peacemaker, c’est l’opportunité de faire partie d’un film fun et explosif. L'opportunité d’offrir un vrai plaisir au public.
Peter Safran : Je pense qu'il s'agit d'un film sur la masculinité toxique, surtout à travers le personnage de Bloodsport. C’est un homme qui croit qu’il ne peut exister qu’en étant un dur de dur. Mais ce film va le changer et il va se rendre compte que ce n’est pas tout d’être une brute mais qu’il faut aussi avoir un coeur.
Margot Robbie : Pour moi, The Suicide Squad permet de regarder des personnes mauvaises tenter de faire des bonnes actions. C’est intéressant de voir comment, au final, ils sont prêts, malgré leurs dispositons diaboliques, à faire le Bien qu’on leur demande. C’est fascinant d’observer le conflit humain intérieur qui s’opère en eux lorsqu’ils font le Bien et non le Mal.
Propos recueillis par Emmanuel Itier à Los Angeles le 27 mai 2021