Il s'agit sans aucun doute de l'un des plus fidèles collaborateurs du réalisateur Jon M. Chu, avec qui il a travaillé sur Sexy Dance 2 & 3, Jem et les Hologrammes ou encore Insaisissables 2 : il n'est donc pas étonnant que le chorégraphe Christopher Scott retrouve le metteur en scène pour les besoins de D'Où l'on vient, comédie musicale adaptée du show créé par Lin-Manuel Miranda à Broadway.
Alors que le long métrage est attendu le 23 juin sur nos écrans, pour ensoleiller un peu plus l'été et les salles de cinéma, Christopher Scott est revenu avec nous sur les défis de cette comédie musicale.
AlloCiné : Difficile de parler de votre travail sur le film sans immédiatement penser à cette scène de danse sur les murs d'un immeuble. On croirait voir une scène d'un "Spider-Man".
Christopher Scott : C’est certain que cette scène de danse change de ce que l’on peut voir lorsque l'on tourne dans la rue ou dans une piscine. Ce fut, de loin, le plus gros défi que j’ai eu à chorégraphier pour ce film et même, sans doute, de ma carrière. D’autant que nous n’avons pas eu la structure du building à notre disponibilité jusqu’à la veille du tournage. Nous avons donc dû répéter et imaginer cette scène sans le décor dont nous avions besoin.
Au départ, nous avons arrangé des chaises et des tables sur le sol d’un studio de danse, pour que cela ressemble aux façades de ces buildings américains, avec leurs échelles de secours. Nous nous sommes alors mis à élaborer ce numéro très émouvant. Nous avions besoin de comprendre pourquoi ils se mettaient à danser et dans quel état d’esprit ils basculent ensemble. Il fallait montrer l’amour sans retenue entre Nina [Leslie Grace] et Benny [Corey Hawkins], et comment ils vivent un rêve éveillé. Ensuite, nous avons répété la chorégraphie sur un plateau avec un système complexe de 3D et des caméras capturant tous les mouvements des danseurs.
Nous avons continué jusqu’à atteindre la perfection. Et jusqu’à ce que l'on nous érige, enfin, la portion de mur, montée sur un système forain complexe pour la faire bouger, et que vous voyez dans le film. Corey Hawkins a eu pour défi de commencer la chorégraphie dans une position vertigineuse [perpendiculaire au mur, ndlr]. Pour Leslie Grace, qui reste assise au début, sa posture était plus simple. Au début on pense que Corey est détendu, mais il se prépare en fait à défier la gravité tandis que le mur bouge pour donner l’impression qu’ils vont se mettre à danser dessus. Pour moi il fallait que ce numéro soit comme une scène classique de Fred Astaire et Ginger Rogers. Nous avons donc cherché une certaine notion de grâce et d’élégance.
Y a-t-il eu d'autres scènes au moins aussi complexes que celle-ci à chorégraphier ?
L’autre sacré défi a été l’explosion aquatique dans la piscine. A chaque fois que vous devez danser dans l’eau, c’est une source assez complexe de problèmes à surmonter. D’autant que c’est une scène massive dans une piscine immense avec un grand nombre de danseurs, chacun ayant presque, par moments, sa propre chorégraphie, en suivant des mouvements qui leur sont propres.
De plus, lorsque vous tournez pendant des heures dans cet environnement liquide, l’eau devient presque gelée et tout le monde devait prétendre le contraire. Et puis nous avons dû avoir une synergie parfaite avec les caméras qui filmaient cette scène et qui, par instants, se passait sous l’eau. Ce fut donc magique d’arriver à tout filmer comme le réalisateur Jon M. Chu le voulait.
Plus généralement, le style de danse est très sensuel dans ce film, très latino. Quelles ont été vos inspirations pour ces mouvements "made in Latin America" ?
La plus grosse difficulté fut de trouver une équipe technique de danseurs et d’assistants chorégraphes qui avaient cela dans la peau. Nous avons fait passer des auditions interminables et avons également étudié tous les types de danse latina. J’ai notamment pris des danseurs de New York.
Certains avaient même une formation de danse classique et venaient du monde du ballet. D'autres étaient des spécialistes des danses africaines, car il y a toujours eu des influences africaines sur les danses d’Amérique latine, à cause de l’esclavage. Nous cherchions une sorte de fusion pour refléter la mixité de toutes les origines ethniques de Washington Heights. Nous avons aussi fait appel à des danseurs de hip hop puisqu’on les trouve également dans ce monde coloré des rues de ce quartier.
J’ai été étonné de constater que bon nombre des danseurs avaient une connexion historique avec le quartier, où nous avons en partie tourné. Certains m’expliquaient qu’ils avaient eu un rencard dans tel restaurant, comment ils passaient leur été dans la piscine de High Bridge ou encore qu’ils se faisaient couper les cheveux dans tel salon à ce coin de rue.
C’était fabuleux de voir ces jeunes dont les rêves s’étaient matérialisés et qu’ils mettaient maintenant en mouvement dans notre film. Je pense qu’à la fin, quand on regarde le film, on sent le niveau authentique et réaliste de ce que nous avons créé pour D'où l'on vient.
Si le film donne au public l’envie de danser ce sera formidable !
Quel est, pour vous, le rôle de la danse dans un film comme celui-ci ?
Cela risque de sembler cliché, mais la danse c’est le langage universel. Et c’est bien ce que l’on ressent dans ce film. Les acteurs se parlent en dansant. Ce qui est formidable, c’est qu’il y a plusieurs langages dans la danse parce qu’il y a plusieurs types de danse. Chaque type de danse représente une culture spécifique, avec sa propre histoire, sa propre identité. Toutes les danses, même le hip hop ou le breakdance ont une richesse incroyable et représentent un groupe de danseurs formidables.
Quelle était votre ambition avec "D'où l'on vient" ?
Je voulais montrer à quoi ressemble un film musical épique comme celui-ci quand on y met tous les moyens possibles pour y arriver. Surtout pour un film tiré d’une comédie musicale de Broadway. C’est un véritable tour de force que nous avons dû réaliser avec ce film, pour lui donner sa propre identité. J’espère que le public saura développer un plus grand amour et respect pour tous les types de danse avec D'où l'on vient. Et si cela leur donne l’envie de danser ce sera formidable !
Propos recueillis par Emmanuel Itier à Los Angeles le 29 mai 2021