AlloCiné : La saison 3 des Rivières pourpres laisse un peu plus de place à la vie personnelle des héros, en abordant notamment le passé de Niemans, votre personnage. C’était une demande de votre part ?
Olivier Marchal : Oui, j’avais envie qu’on sorte un peu du systématisme de l’enquête. Après, bien sûr, la série tient par son atmosphère, ses décors, sa musique, son côté anxiogène, sa lumière magnifique. À chaque fois c’est de la belle image, comme on dit. Mais avec Erika Sainte on avait envie d’avoir des choses plus denses à jouer de temps en temps. Ça a été esquissé sur cette troisième saison, et là ils sont en train d’écrire la saison 4, donc on espère que les auteurs vont poursuivre dans cette veine.
Ce que je trouve dommage c’est que Niemans, dans le livre de Jean-Christophe Grangé, il a une enquête de l’IGPN au cul. Et je trouve qu’on ne va pas assez loin dans la série. On ne montre pas que, si Niemans dérape, cela peut lui porter préjudice. Même Camille, elle retrouve son gamin, mais c’est seulement esquissé. Alors qu’il y aurait plein de choses à raconter autour de ça. Quand on voit des séries comme True Detective, et le rapport qui existe entre les personnages principaux, on aimerait bien avoir un peu plus de choses à jouer avec Erika sur le plan personnel. Plutôt que de parler tout le temps de l’enquête, on aimerait que les personnages se confient un peu plus l’un à l’autre. Mais je pense qu’ils vont faire un effort sur la saison 4. Ils ont compris qu’on avait envie de ça.
Au départ c’est Jean-Christophe Grangé qui n’avait pas tellement envie de dévier de l’aspect bouclé, c’est ça ?
Oui il était plutôt axé sur les enquêtes, le feuilletonnant ce n’est pas trop son truc. Mais en parlant avec les gens, je me rends compte qu’il y a une vraie envie du public d’en apprendre un peu plus sur Niemans et Camille. Les gens ont envie que ça aille plus loin. Dans le premier épisode de la saison 3, Niemans retrouve son amour d’enfance, et on a trois séquences ensemble. Elle a été sa première histoire d'amour, elle est impliquée dans une affaire, et ils ne se parlent quasiment pas de tout l’épisode. C’est violent.
Soit ils n’ont rien à se dire, et dans ce cas-là il faut expliquer pourquoi, soit ils ont un tas de choses à se dire après tout ce temps. Je trouve dommage que ça n’ait pas été davantage développé. D’autant plus que sur un 2x52 minutes par enquête, il y a forcément un peu de place pour s’amuser.
Dans la pure tradition de la série et de l’univers de Grangé, cette saison propose encore une fois des affaires bien glauques et dérangeantes. Quel est votre épisode préféré ?
J’aime bien celui de Myriam Vinocour, "Lune noire", avec les serpents. J’aime beaucoup l’ambiance de cet épisode. Et j’ai vraiment apprécié la prestation de Bastien Bouillon. Il m’a bluffé. Il est très agréable, bosseur, très pro. Et il est beau, il a une classe d’acteur anglais je trouve. J’ai adoré tourner avec lui. Et je pense déjà à lui pour un prochain projet sur 14-18, où il va me falloir des jeunes. Et au niveau de l’histoire j’aime bien aussi l’épisode de Virginie Sauveur sur la peste.
C’est une saison qui, on l’imagine, restera forcément particulière pour vous, car tournée en pleine épidémie de Covid…
Oui d’autant plus que nous avons, nous-mêmes, été frappés par le Covid. Le tournage de l’épisode avec les serpents, justement, a dû être arrêté deux semaines. Moi j’ai eu le Covid de manière assez légère, j’ai juste été un peu crevé. Mais le chef machiniste a été en réanimation et n’est pas passé loin de la catastrophe. Et notre réalisatrice, Myriam, a eu 42 de fièvre durant 8-10 jours. Elle est revenue très fatiguée à la reprise. Ce n’est pas rien. Et puis le tournage de cette saison aura finalement duré six mois.
On a démarré sous la canicule et on a fini sous le sapin de Noël. C’est en cela aussi que c’est inhabituel. Mais il y a des gens qui travaillent dans des conditions plus difficiles, on ne va pas se plaindre. Mais c’est vrai que c’est toujours perturbant sur un tournage, car si deux personnes chopent le Covid, tout s’arrête. Ce n’est pas comme dans une entreprise, où on isole simplement les cas contacts. Economiquement, c’est un stress pour tout le monde.
On sent une vraie alchimie entre Erika Sainte et vous. Est-ce que vous vous connaissez par cœur au bout de trois saisons ?
Ce qui est certain c'est qu'on est devenus très liés. Depuis trois ans on passe plus de temps ensemble qu’avec nos enfants finalement. On a un rapport grand frère-petite soeur, il n’y a pas d’ambiguïté. C’est un rapport très sain. Et à chaque saison on est ravi de se retrouver, on se tombe dans les bras. Mais en plus d'être devenue ma pote, c'est une actrice formidable, et c'est d'ailleurs pour ça que je l’ai faite tourner dans Bronx. Elle a de l’humour, elle n’a pas d’ego mal placé, elle est pro. Et, en plus, elle se marre toujours à mes conneries, elle est très bon public (rires). Elle doit bien avoir un défaut caché quelque part, mais je ne l’ai pas encore trouvé !
Vous évoquiez récemment la possibilité d'arrêter Les Rivières pourpres après la saison 4. Pensez-vous que la série pourrait continuer sans Niemans ?
Je n’ai pas la prétention de dire le contraire. Personne n’est irremplaçable. Je pense que je ferai une saison 4 sans problème, car j’adore ce personnage, et c’est une série assez classe, comme beaucoup de séries françaises aujourd’hui qui tiennent la route. Mais je ne sais pas si je continuerai au-delà. Pas pour des histoires de scénario, mais par rapport à mon âge, tout simplement. Je commence à être vieux (rires). Il faut être crédible. Un flic, à partir de 63-64 ans, il est davantage dans les bureaux que sur le terrain. On commence à courir moins vite (rires). Mais ça pourrait faire le buzz que Niemans se fasse tuer ou qu'il disparaisse. Il pourrait aussi partir et revenir pourquoi pas le temps d'un épisode en saison 5. Qui percerait le mystère de sa disparition. On peut imaginer plein de choses.
Mais si on renouvelle le duo, il faudrait prendre un personnage très différent du mien. Que Camille soit avec un jeune commissaire, qui serait très différent de Niemans. Très méthodique, hyper proche de la loi. Et que ce soit Camille qui ait repris le flambeau de Niemans, vu qu’elle est déjà un peu borderline. Je pense, et j’espère, que ça pourrait marcher sans moi. Même si c’est vrai qu’on forme un tandem que les gens aiment bien. Si je m’en vais, il faudrait juste trouver la bonne personne en fait. Prenez Les Petits meurtres d’Agatha Christie, c’était super avec Antoine Duléry, et ensuite ça a tout aussi bien marché avec Samuel Labarthe.
On vous a vu en début d’année dans La Promesse sur TF1. Vous attendiez-vous à un tel carton ?
Très franchement, non. 7,5 millions de téléspectateurs aujourd’hui, surtout sur TF1 qui était un peu en perdition de public ces derniers mois, c’est énorme. On savait qu’on faisait quelque chose de bien, évidemment. J’ai l’œil sur un plateau, et on a eu la chance d’avoir eu une réalisatrice exceptionnelle, Laure de Butler. J’adorerais retravailler avec elle. C’est une superbe directrice d’acteurs qui a une vraie sensibilité artistique. Ça se ressent dans ses cadres, dans sa lumière, dans le choix des décors. Ce qu'elle fait, c'est du cinéma à la télévision.
Je ne m’attendais pas à un tel succès, mais c’est un carton mérité. Parfois on fait des choses pour payer les crédits et pour manger, comme tout le monde. Mais là j’avais tout de suite été séduit par le scénario et par le personnage, qui est davantage un papa qu’un flic finalement. Il y avait des choses assez tendres à jouer. Et les audiences se sont maintenues sur trois semaines, les téléspectateurs ont été d’une fidélité absolue, c’est assez dingue.
Même si rien n'a encore été confirmé par TF1, une saison 2 est déjà évoquée. Seriez-vous partant si Anne Landois et Laure de Butler vous proposent de reprendre le rôle de Pierre Castaing ?
Ce serait compliqué scénaristiquement parlant. Si vous avez vu la série, vous savez que moi ça ne me concerne pas vraiment a priori (rires). Mais je leur souhaite. Je le souhaite à Sofia Essaïdi, car c’est une môme extraordinaire. Et à toute l’équipe, avec qui on a rapidement formé une grande famille. C’était un bonheur absolu de faire partie de cette aventure, entouré de gens vraiment bien.
Les scénaristes pourraient sûrement trouver un moyen de vous faire revenir le temps d’une apparition au moins…
Oui, c’est vrai. Ou alors il faudrait partir sur un prequel. Pourquoi pas. Je serais partant évidemment, car le personnage est sublime. Et retourner dans ces conditions, avec Laure, c’est quand elle veut.
En attendant la confirmation d'une saison 4 des Rivières pourpres, quels sont vos prochains projets ?
Je tourne en ce moment Meurtres à Blois, pour France 3, avec Anne Charrier. Je connais bien l'équipe, on est en famille, on s’amuse bien. Et le rôle est très sympa. Et puis j'ai récemment terminé le tournage d'OPJ Pacifique Sud à La Réunion. C’était un peu mes vacances (rires). Mais le scénario et le rôle étaient vachement bien écrits, c’est pour ça que j’ai dit oui. J’y ai passé tout le mois de janvier. J’ai eu 8 jours de tournage sur trois semaines et demie passées là-bas, avec les bars et les restaurants ouverts. Ce break était un peu indispensable, car durant deux ans je n’ai pas arrêté. Et de revivre quasi normalement durant quelques semaines, c’était génial.
Ensuite, je vais jouer un papa dans la mini-série d’OCS Ok Boomer. Et côté réalisation, j'ai toujours mon projet de série sur 14-18, Notre mère la guerre. On attend des retours de diffuseurs potentiels. Et j’ai deux longs métrages dans les tuyaux, mais avec tout ce qui se passe, je pense que mon prochain projet ça risque d’être Bronx en série, qui est actuellement en écriture, et dont je devrais réaliser les six épisodes.
La bande-annonce de la saison 3 des Rivières pourpres, dont l'intégralité des épisodes est déjà disponible sur Salto :